Deux ans après des signaux annonçant l’extinction du support, le noyau Linux a reçu son premier patch notable pour les pilotes de disquettes depuis des années, confirmant une maintenance assumée de ce code « historique » plutôt qu’une relance fonctionnelle du sous-système. Cette actualisation technique repose la question de la place des disquettes dans des environnements critiques et du choix de Linux de préserver la compatibilité, même pour des usages résiduels.

Trois ans après la dernière mise à jour significative, Linux vient de recevoir un patch pour ses drivers de disquettes. © Shutterstock
Trois ans après la dernière mise à jour significative, Linux vient de recevoir un patch pour ses drivers de disquettes. © Shutterstock
L'info en 3 points
  • Le noyau Linux a reçu un patch pour les pilotes de disquettes, confirmant leur maintenance malgré leur obsolescence.
  • Les disquettes persistent dans des secteurs critiques, comme l'aviation et les équipements médicaux, nécessitant une compatibilité durable.
  • La mise à jour vise à faciliter la migration vers des technologies modernes tout en assurant la continuité des services existants.

Andy Shevchenko, développeur indépendant, a soumis fin août 2025 une série de correctifs pour nettoyer le code des pilotes de disquettes dans le noyau Linux. Cette intervention, bien que purement technique, soulève une question fascinante : pourquoi maintenir des drivers pour une technologie que Sony a cessé de produire en 2011 ? La réponse se trouve dans la surprenante persistance des disquettes dans certains secteurs critiques, des salles de contrôle aérien aux systèmes industriels vieillissants.

Maintenance discrète, enjeux réels

Les changements récents portent sur une mise au propre : tri alphabétique des en-têtes, retrait de macros inutiles et harmonisation de constantes, dans l’esprit d’une maintenance destinée à faciliter de futures retouches sans casser l’existant. Cette maintenance préventive acte que le pilote n’entre pas dans un cycle de développement actif, mais demeure suffisamment sain pour vivre quelques années de plus dans l’arbre du noyau.

Ce socle propre profite surtout aux environnements virtualisés et aux émulateurs qui exposent encore un lecteur « A: » à d’anciens systèmes, usage fréquent pour restaurer, migrer ou auditer des logiciels patrimoniaux. La philosophie du noyau valorise ce compromis : conserver des chemins de code hérités quand le coût d’une rupture dépasserait celui d’un entretien minimal et encadré.

Des compagnies aériennes régionales, des ateliers d’outillage à commande numérique, des machines de broderie et certains équipements médicaux restent liés à des lecteurs 3,5 pouces par conception ou par procédures d’homologation, prolongeant l’utilité d’un support réputé disparu. Figure de ce micro-marché, Tom Persky continue d’alimenter des clients institutionnels et des passionnés malgré la raréfaction des stocks et la fin de production de masse.

Les coûts de recertification, l’arrêt planifié et le risque opérationnel freinent le remplacement « à chaud », ce qui pousse vers des émulateurs de disquettes et des passerelles de protocole pour lisser la migration. Plusieurs analyses estiment que la fenêtre de disponibilité résiduelle se compte désormais en années, et non en décennies, ce qui renforce l’intérêt d’un atterrissage technique progressif.

Un marché de niche persistant

Le Japon a officiellement mis fin en 2024 à l’obligation d’utiliser des disquettes dans près de 1 900 procédures, emblème d’une modernisation administrative devenue prioritaire après des années d’inertie. Ailleurs, des infrastructures critiques conservent le support en invoquant l’isolement physique des flux, la traçabilité et des chaînes d’agrément difficiles à renouveler sans rupture.

La « sécurité par l’isolement » conférée par un support amovible et lent ne compense pas la fragilité matérielle d’un média magnétique vieillissant ni les difficultés d’approvisionnement observées sur le terrain. Dans ce contexte, la maintenance côté Linux ressemble moins à un « retour en grâce » qu’à une mesure de prudence qui facilite des migrations maîtrisées et la continuité de service.

Ce patch rappelle que la longévité de Linux tient à une promesse de compatibilité assumée, même pour des usages marginaux, afin d’éviter des régressions coûteuses dans des systèmes encore en production. À court terme, l’avenir de la disquette passera surtout par des émulateurs et des plans de sortie pilotés, avec un marché résiduel appelé à s’amenuiser au rythme des derniers stocks et des transitions réglementaires.

Source : Tech Radar