La plateforme TikTok Shop commercialise des trackers GPS qui ressemblent au fameux AirTag d'Apple depuis des vidéos virales qui encouragent l'espionnage de ses proches ou de son ou sa partenaire. Les ventes dépasseraient déjà les 100 000 unités.

La marketplace de TikTok héberge des vendeurs de dispositifs de géolocalisation de type AirTag. Les commerçants opèrent leurs ventes à l'aide d'arguments publicitaires qui incitent directement à surveiller secrètement son partenaire. Des vidéos aux millions de vues, des dizaines de milliers de ventes, et une modération défaillante malgré les alertes ont été signalées aux États-Unis. Si la plateforme chinoise affirme interdire ces contenus, elle peine visiblement à les supprimer, ce qui contribue à normaliser les comportements abusifs sur le célèbre réseau social.
Des vidéos à plusieurs millions de vues normalisent sur TikTok l'espionnage conjugal
D'après l'enquête menée récemment par 404 Media, les vendeurs de trackers GPS assument totalement leur positionnement toxique. « Si ta copine dit qu'elle sort juste avec des amies tous les soirs, tu ferais mieux d'en coller un sur sa voiture », peut-on entendre dans une vidéo vue des millions de fois. Le dispositif, carrément présenté comme indétectable contrairement aux AirTags, fait miroiter aux potentiels acheteurs une surveillance mondiale, grâce à la carte SIM intégrée.
Les interactions sous ces publications sont d'ailleurs symptomatiques. Un utilisateur confie dans les commentaires : « J'en ai acheté et les ai mis sur les voitures de filles que je trouve attirantes à la salle de sport. » Oui, c'est flippant, surtout lorsque le vendeur répond avec désinvolture par un émoji rieur. D'après les métriques de TikTok Shop, l'un des traceurs s'est vendu à plus de 32 500 exemplaires, quand un autre affiche quasiment 100 000 unités écoulées.

Eva Galperin, co-fondatrice de la Coalition Against Stalkerware, la coalition contre les logiciels espions, est dépitée. « C'est tout bonnement présenté comme un outil d'abus. » Elle explique que tout dispositif justifié par « attraper son partenaire en train de tromper » facilite le contrôle coercitif. Le pire, c'est que les vidéos multiplient les prétextes pour essayer de toucher plus d'utilisateurs, comme une méfiance conjugale, les références à Coldplay et à l'ex-patron d'Astronomer piégé par une kiss cam, le tout avec des accroches comme « les hommes avec des femmes infidèles, vous pourriez en vouloir un ».
TikTok supprime quelques vidéos mais le problème persiste
Questionné par 404 Media, TikTok a supprimé certaines vidéos et banni un compte, en ajoutant interdire « les contenus qui encouragent la surveillance secrète ». Pourtant, au lendemain de la réponse, le média a déniché des vidéos identiques, qui restaient accessibles. Dès qu'un utilisateur clique sur l'une de ces vidéos, l'algorithme de TikTok Shop lui recommande des produits similaires, notamment des enregistreurs audio secrets vendus avec les mêmes arguments toxiques.
Aux États-Unis, d'où lesdites vidéos ont été publiées, onze États interdisent explicitement le tracking GPS dans leurs lois anti-harcèlement, et quinze considèrent comme illégale la surveillance véhiculaire sans consentement. Les vendeurs jouent sur l'ambiguïté. Certains vont même jusqu'à manier l'ironie dans leur vidéo : « C'est illégal de tracer les gens ? Je ne sais pas, je ne suis pas avocat, mais vous aurez probablement des problèmes ». On n'arrête pas les progrès, mais surtout les dérives.