Live Japon : NTIC, pas assez bon élève

21 septembre 2008 à 21h32
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Etats-Unis, Europe et Japon, toutes les grandes régions du monde rivalisent pour devenir le champion mondial de l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Même si à ce jour le Japon semble en tête sur divers plans, les pouvoirs publics trouvent qu'il y a encore bien des efforts à faire. Dans le dernier rapport annuel sur ce sujet publié par le puissant ministère des Affaires intérieures et des télécommunications, l'Etat se félicite de l'avance prise par le Japon dans le haut débit fixe et mobile et les usages allant de pair, mais il déplore parallèlement que le pays du Soleil-Levant ne donne plus naissance à des géants internationaux du secteur comme savent le faire les Américains. Petit résumé des principaux points soulevés.

A l'avant-garde, le Japon l'est indéniablement sur le plan du déploiement des infrastructures fixes à très haut-débit. Fin juin, le nombre d'abonnés à internet par fibre optique (FTTH) a dépassé sur l'archipel celui des utilisateurs d'une ligne ADSL. Le Japon compte plus de 13 millions de foyers accédant à la toile par fibre, sur un total de 48 millions. C'est plus que nulle part ailleurs dans le monde. Si on ajoute les maisonnées raccordées par ADSL et câble, ce sont les deux tiers des foyers nippons qui naviguent sur Internet à haut débit. La fibre couvre déjà plus de 80% des habitants. Oh bien sûr, les régions rurales les plus reculées sont moins favorisées. Il n'empêche, les zones blanches (sans aucune infrastructure à large bande) ne concernent que 5% de la population et seront effacées en 2010/2011, date à laquelle au moins 20 millions de foyers seront équipés d'un accès par fibre.

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Certains diront qu'il est plus facile au Japon de desservir rapidement une large partie de la population, cette dernière étant en majorité concentrée dans les zones urbaines. C'est un fait. Reste que les opérateurs japonais investissent deux à dix fois plus que leurs homologues étrangers dans leurs infrastructures et que les pouvoirs publics les poussent au train. Dans le cas du géant nippon NTT (privatisé il y a 20 ans), ce sont près de 7 milliards d'euros qui, chaque année, sont dépensés pour optimiser et étendre le réseau. Tous les spécialistes vous le diront: les opérateurs japonais, à l'instar de la plupart des entreprises nippones, ont une vision à plus long terme que les acteurs étrangers des mêmes secteurs. Ils ont moins les yeux rivés sur les bilans financiers.

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Le déploiement massif d'infrastructures robustes est en outre pour les Japonais le préalable à toute construction de service digne de ce nom, dans quelque domaine que ce soit. NTT n'a proposé la télévision en haute définition (HD) via internet que lorsqu'il a inauguré, en mars dernier, son réseau dit de génération suivante (Next generation network, FTTH, IPv6, routage optique) sur lequel le débit puisse être non seulement très élevé, mais garanti.

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En pointe, le Japon l'est aussi, et on l'a déjà amplement dit ici, dans l'utilisation des téléphones portables, devenus de véritables assistants vitaux greffés dans la main des Nippons. Ces usages s'appuient bien évidemment sur des réseaux performants, des terminaux multifonctionnels high-tech, d'innombrables services performants et une concurrence forte entre acteurs du secteur, laquelle est de plus en plus favorisée par le régulateur et par la propension des opérateurs à innover, proposer plus, quitte à engloutir des sommes faramineuses en recherche et développement (R&D), dans le but d'imposer leurs technologies.

Le ministère souligne notamment que si NTT Docomo, premier opérateur mobile nippon avec quelque 53,5 millions de clients est seulement 10e mondial en nombre de clients, il est en revanche 3e du monde en termes de chiffre d'affaires, ce qui montre que les abonnés nippons sont plus lucratifs que leurs homologues étrangers, car gros utilisateurs de services de données plus rentables que les communications vocales.

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A la traîne, le Japon l'est en revanche dans le domaine de l'internationalisation des services Internet fixes. Non que l'offre ne soit pas importante et forte au Japon, mais parce que ceux qui les y proposent sont absents des marchés extérieurs. Les sites américains Google, MSN de Microsoft, AOL, MySpace ou Facebook ont des adhérents de toutes nationalités, mais les numéros uns nippons Yahoo Japan, Goo, Nifty, Mixi ou Gree n'ont pour clients que des Japonais. Le constat vaut pour bien d'autres. Leurs services, parfaitement adaptés aux attentes des internautes de l'archipel, sont indétrônables chez eux, mais justement parce qu'ils sont en phase avec les particularités locales, ils ont du mal à s'exporter.

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Les Japonais n'ont pas les mêmes critères de sélection ni modes de consommation que les étrangers : coller à leurs besoins, c'est s'écarter de ceux des autres. Cela se constate d'ailleurs aussi sur le volet des terminaux mobiles. Les téléphones japonais font florès chez eux, mais un flop ailleurs. Inversement, les mobiles étrangers ne trouvent pas leur place au Japon. Soit dit en passant, l' iPhone 3G d'Apple a certes rencontré un engouement les premiers jours, mais depuis, rien ne va plus. L'opérateur qui le vend, Softbank, a déjà baissé deux fois le prix de l'abonnement mensuel minimum pour ce terminal (et pas qu'un peu) et il propose même désormais des flottes d'iPhone 3G en location-test pour les entreprises afin de les convaincre d'équiper leurs ouailles. Softbank refuse de donner le moindre chiffre de vente. Passons.

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Cette difficulté qu'ont les Nippons des NTIC à s'imposer tant à l'étranger que chez eux se vérifie aussi par exemple sur les ordinateurs portables. Les marques japonaises avalent 80% du marché au Japon mais seulement 20% à l'extérieur. Le ministère fait le parallèle avec les entreprises américaines qui, lorsqu'elles ont chez elles un géant, il le devient aussi au niveau mondial. Ce double constat inquiète les autorités, car le marché nippon est relativement petit et ne va pas grossir, au contraire. Le Japon compte certes 9 entreprises parmi les 20 premières du monde dans le secteur des NTIC (en termes de chiffre d'affaires), mais elles ne sont plus que 3 en termes de bénéfices d'exploitation. Elles ne sont donc pas assez compétitives, en conclut le ministère. De plus ce sont toutes de vieilles maisons nées entre 1899 (NEC) et 1959. Par la suite, quasiment plus aucun grand nom des NTIC n'a vu le jour au Japon, alors qu'est apparue aux Etats-Unis une myriade de firmes mondialement connues comme Dell, Cisco, Sun Microsystems, Oracle, Apple, Microsoft ou Intel, de même que Nokia ou STMicroelectronics en Europe.

Si l'Etat japonais met autant l'accent sur l'importance du secteur des technologies de l'information, c'est qu'il est le premier contributeur de la croissance du produit intérieur brut (PIB), et représente au Japon 10% de la valeur totale produite. Il dépasse le secteur des transports (automobiles, rail, aviation, chantiers navals) qui compte pour 6% de l'ensemble. Même si la courbe du poids du secteur des NTIC monte en droite ligne depuis des décennies et surpasse désormais toutes les autres depuis 1997, autrement dit depuis l'envolée d'internet et des télécommunications mobiles, l'Etat veut que cette évolution se poursuive.

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De fait, il faut absolument que les entreprises japonaises du secteur de la high-tech s'imposent davantage hors de leurs frontières et que de nouvelles marquent se répandent, même si le Japon n'a quand même pas à rougir. On ne doit pas oublier en effet que les firmes nippones s'arrogent 40% du marché mondial des TV à écran à cristaux liquides (LCD), 52% de celui des modèles plasma, 55% de celui des enregistreurs vidéo sur DVD, 65% de celui des photocopieurs ou 72% de celui des appareils photo numériques. Les Japonais sont en outre en pointe dans les composants avancés et les nouveaux matériaux employés dans le domaine électronique.

Reste que pour faire émerger de nouvelles futures grandes entreprises nippones des NTIC, se pose, selon le ministère, une batterie de questions portant sur les financements (qui est prêt à aider les jeunes pousses et comment ?), les ressources humaines (le Japon en manque, comment faire ?) et la R&D (quid des liens entre universités et entreprises, comment utiliser mieux les découvertes universitaires, quel est le rôle de l'Etat, quelle stratégie pour la propriété intellectuelle et industrielle ?).

Bref, vu de l'extérieur, le Japon est le pays du high-tech et de l'innovation, mais pour les décideurs japonais, cela n'est plus si vrai qu'il y a 20 ans et cela risque de ne pas durer si rien n'est rapidement fait pour consolider les champions nationaux et surtout pour aider les nouveaux venus à grossir et à s'exporter.

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