· S | F · Votre chronique futuriste part à la recherche des Furtifs

Johan Gautreau
Expert objets connectés
09 mai 2020 à 14h00
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SF Les furtifs

Ils sont parmi nous, ils nous entourent et nous suivent au quotidien. Pourtant, jamais nous ne les verrons. Qui ? Les Furtifs bien entendu !

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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.

Les Furtifs (2019)

Alain Damasio

Chers lecteurs amateurs de SF, j'ai une petite confidence à vous faire. La chronique de cette semaine a été pour moi l'une des plus difficiles à réaliser de ces derniers mois. En effet, je m'attaque aujourd'hui à un poids lourd de la fiction : Alain Damasio.

Pour tout vous dire, je ne connaissais pas du tout le bonhomme il y a deux ans de cela. Je l'ai découvert grâce à La Horde du Contrevent, son précédent roman de fiction chaudement recommandé par les trublions de la rédaction Clubic. Et là, je me suis pris une grande claque !

Après avoir dévoré la Horde et son style si particulier, je me suis donc jeté sur Les Furtifs dès sa sortie. Mais l'effet Damasio passé et bien intégré, ce nouveau bouquin garde-t-il la même saveur que son ainé ? Réponse dans cette chronique.

“En août 2030, la ville de vos parents, qui s'appelait Orange, a donc été rachetée par la multinationale du même nom, pour un prix dérisoire.”

Exit le monde étrange de la Horde, Damasio nous amène cette fois dans un univers très proche du nôtre, situé dans à peine 20 ans. Le monde est maintenant totalement globalisé et privatisé, pour le plus grand bonheur des actionnaires de tout poil. Cannes appartient à la Warner, Paris à LVMH et Orange à... Orange. Les GAFAM en rêvent, Damasio l'a fait !

Futur proche oblige, le monde des furtifs est très similaire à celui que nous connaissons actuellement. Ainsi, les objets connectés éclosent à foison, chaque citoyen étant équipé d'un anneau le traçant 24/7... pour son bien, évidemment. Et je ne vous parle même pas des publicités, omniprésentes à chaque coin de rue.

Au fur et à mesure qu'on arpente cet univers aux côtés des protagonistes de l'aventure, on ne peut s'empêcher de trembler tant certaines choses semblent sur le point de vraiment se produire. Privatisation à outrance, score social, milices d'éducation, traçage de la population : un vrai cauchemar cyberpunk made in France !

“Lorsque l'armée a découvert les furtifs, l'erreur profonde de la Gouvernance a été de nous confier leur traque. À nous, les militaires !”

Si le monde créé par Damasio pouvait largement suffire à l'évolution d'une belle intrigue, le bougre n'hésite pas à aller plus loin. Dès lors, quoi de mieux dans un univers hyper-contrôlé et surveillé en permanence que d'introduire une espèce totalement invisible au commun des mortels ?

Notre premier contact avec ces être mystérieux se fait dès le premier chapitre. Les lecteurs de la Horde y verront d'ailleurs pas mal de ressemblance avec les Chrones. Tout comme eux, les furtifs changent de forme en permanence et sont quasiment insaisissables. Seul le Récif, un groupe secret dédié à la chasse et à l'étude de ces étranges créatures a vent de leur existence. Et autant vous dire qu'étudier une chose invisible, c'est loin d'être simple !

Au final, il n'y a qu'un moyen d'attraper un furtif : réussir à le voir par surprise. La bestiole se transforme alors en statue de céramique, seul élément prouvant son existence et donnant une idée de sa forme réelle. Comme vous pouvez l'imaginer, n'importe quel gouvernement serait prêt à tout pour percer le secret de ces êtres.

“.. Elle . est venue. Elle passe devant les vitres du café, rayée par l'averse, sa jupe orange dépasse de sa cape sombre, elle relève la tête, comme si elle espérait que la pluie la lave, ses cheveux perlent - et elle entre dans le café.”

Coincés au milieu de ces deux mondes vivent nos deux héros. Lorca, chasseur de furtif et Sahar, professeure itinérante. La disparition de leur fille Tishka les a séparés. Elle refait sa vie tant bien que mal. Lui est persuadé que son petit ange est devenu une furtive. Je vous laisse deviner qui est dans le vrai...

Le roman va ainsi s'axer autour de la recherche effrénée de la jeune Tishka. Tout comme dans la Horde, il va falloir composer avec de nombreux personnages. Et tout comme dans la Horde, le romancier use pour les différencier d'une police d'écriture propre à chaque intervenant. Si vous n'avez jamais lu de Damasio, c'est quelque chose qui peut déconcerter, même si l'effet est ici moins prononcé que dans son précédent ouvrage.

Dans tous les cas, je vous recommande vivement de vous accrocher, car il est parfois tentant d'abandonner en plein milieu ce livre tant il est touffu, parfois à la limite du supportable. Alain Damasio est clairement un écrivain de talent. Jamais je n'ai lu d'ouvrage qui semble si proche de la poésie, avec un style totalement unique. Mais je dois bien l'avouer, certains passages auraient gagnés à être raccourcis, voire éliminés... La chasse aux furtifs est une aventure de longue haleine qui risque de laisser pas mal de lecteurs sur le carreau avant le grand final.

“Vous mesurez que vous avez toutes les milices de cette ville aux fesses ?”

Pourquoi se contenter de capturer un furtif tout banal quand il existe un hybride humain/furtif ? On pouvait s'en douter, Tishka devient vite le centre d'intérêt d'à peu près toutes les multinationales de France et de Navarre. C'est néanmoins sans compter sur le Récif et son équipe de choc menée par Arshavin.

Damasio nous refait ici le coup de la Horde avec une équipe au caractère bien trempé. L'ingénieur en charge de traquer les furtifs récupère ainsi le franc-parler de Golgoth. Lorca est un ersatz de Sov, idéaliste au grand cœur. Toni est un Caracole en puissance, véritable poète moderne adepte de graffitis et de fumette. Le panel de personnalité est large, rien à dire sur ça.

Mais encore une fois, les lecteurs de La Horde du Contrevent risquent d'y voir une certaine répétition. Pour ma part, je trouve les protagonistes du dernier roman de Damasio moins évolués que leurs homologues chasseurs de vent. Bien entendu, cela n'engage que moi. Mais ça montre le côté souvent tranché des œuvres de l'auteur français : on aime ou on n'aime pas.

“Poursuis le combat, protège Sahar ! Marseille doit être libérée !”

Bon sang, déjà la fin de cette chronique. Même avec une dizaine de paragraphes, il me serait impossible de vous décrire tous les détails du livre de Damasio tant il est dense. Avec plus de 700 pages, ce roman vous mènera d'Orange à Marseille à la découverte des furtifs. La poésie se mêlera à la tragédie, l'action côtoiera l'ennui.

C'est indéniable, Les Furtifs ne vous laissera pas indifférent. Alain Damasio possède un talent unique pour mettre en forme l'écriture. Est-ce que j'ai aimé ce livre ? Oui, clairement. Est-ce que c'est mon préféré ? Non, je lui préfère largement La Horde du Contrevent. Pour tout avouer, il n'est même pas sûr qu'il vous plaise. Certains l'abandonneront probablement après deux ou trois chapitres, rebutés par l'écriture parfois alambiquée du romancier. Mais pour ceux qui s'accrocheront, alors ils découvriront un univers magique et engagé.

Les Furtifs est un vibrant appel à résister à notre société actuelle, pleinement orientée vers la globalisation et la surveillance de masse. Je vous le recommande si vous n'avez pas peur de sortir de votre zone de confort. Et j'attends impatiemment vos retours dans les commentaires !

Couverture Les Furtifs Damasio
Les Furtifs (2019) est édité chez La Volte en version papier. Il est aussi disponible sur 7Switch en version EPUB et sur Amazon en version Kindle.

Johan Gautreau

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Commentaires (14)

Zakalwe
Je n’aime pas le gauchiste (désolé mais il suffit de lire 3 pages… et de l’entendre…) Damasio. Ecrivain de SF dont on bourre le mou de la jeunesse via la hype. Alors qu’il est plutôt médiocre. Ce n’est (évidemment) que mon avis.
artigne
J’ai encore énormément aimé ce livre de Damasio, même si il est indéniablement moins fluide que la Horde du Contrevent (qui reste mon préféré). Toutefois, au delà de la critique évidente du modèle capitaliste dérivant vers des sociétés de contrôle absolu, il y a aussi cette magnifique déclaration d’amour de 2 parents à leur enfant. Ce fil d’Ariane m’a ému, l’écriture poétique de ces passages est sublime. J’aurais préféré plus de poésie et moins de politique peut être. C’est un livre qui vous hante, à lire
dududuche
Alain Damasio est un génie. C’est LE maître incontesté de la littérature post-futuriste et du polar de science fiction à suspense. Surveillance, espionnage, histoires d’amour, réseaux cybernétiques tout y est à chaque fois. Il est incontestablement le plus grand aujourd’hui, dans la lignée des Asimov, van Vogt, Gibson,…
GRITI
Bon…ben il va falloir que je trouve le temps (courage ?) de le lire.<br /> Il me tente depuis un moment lui aussi.
smover
Moi qui suis fan de Pierre Bordage et de son écriture poétique - et de son chef d’œuvre Les Guerriers du Silence - je suis curieux de découvrir Damasio.<br /> Le coté politique m’a retenu jusqu’à présent. J’espère qu’il ne penche pas vers la caricature gauchiste faisant le déni du monde réel (« ne rien lâcher » « les vilains patrons » « ouvrons les frontières il n’y a pas de danger »).<br /> J’aime la SF parce qu’en général il s’agit d’une approche qui se veut objective sur les évolutions du monde qui nous entoure(-ra) avec une volonté de réalisme et de pragmatisme. Tout l’opposé - pour moi, je ne prétend pas avoir raison ou convaincre, ce n’est pas l’objet - de la gauche française, dont l’idéologie, sans être inintéressante, est malheureusement loin des réalités de notre monde.<br /> J’espère que Damasio arrive à être rêveur et défendre les causes qui lui tienne à coeur sans pour autant donner dans le prosélytisme ou la caricature outrancière.
Blackalf
Arriver à parler de la gauche française dans un sujet sur la s.f., faut le faire…on revient au sujet, s.v.p.
Zakalwe
Lol…
Zakalwe
Bon courage. Fais -toi un Jack Vance à la place ou un Banks, voire un Egan.
Zakalwe
Dès le début ça commence mal… Je n’en dis pas plus. Même médicament : Banks/Egan/Vance.
Jerry
J’aurais plutôt la sensibilité politique de Damasio, pour autant, j’ai trouvé que dans les furtifs, l’envie de l’auteur de partager ses convictions est beaucoup trop présente. Cela conduit a des longueurs. Des chapitres entiers dans lesquels nous sommes plus dans la ZAD de Nantes que dans le futur de l’ultra-surveillance qu’il dépeint si bien. Je suis arrivé au bout des 700 pages mais c’est au prix d’un important effort. La qualité de l’écriture m’y a heureusement aidé.
GRITI
J’aime bien Vance .<br /> Mais Je tenterai quand même. Si j’y pense, je viendrai faire un retour ici.
Sergentpitt
L’univers du livre est top, le début est génial, mais effectivement comme décrit plus haut, il y a beaucoup trop de longueurs insupportables qui gâchent l’expérience.<br /> Pour moi c’était juste l’inverse de la Horde, qui était difficile à commencer et de plus en un plaisir au fur et à mesure qu’on a avance dans l’aventure. Avec les furtifs le début est géniale et petit à petit l’histoire se dévoile et devient plate et longue…
dududuche
Bonjour Johan_Gautreau, j’ai commenté votre nouvelle sur Alain Damasio (l’écrivain de SF). Ca va ? Quoi de neuf ?<br /> Dududuche
Johan_Gautreau
Merci pour votre commentaire ^^
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