Chauffeur VTC, c'est "roule ou crève"

18 avril 2016 à 18h20
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Alors que le ministère des Transports a remis ses dernières recommandations pour une issue du conflit qui oppose taxis et VTC, le fondateur du premier syndicat VTC Baaroun Sayah nous explique qu' « il n'y a pas de conflit, que les taxis et les VTC subissent les mêmes dommages, à cause du gouvernement. »

La "feuille de route" du ministère des Transports propose six nouvelles solutions :
  • Empêcher les capacitaires Loti (transport de plus d'une personne) de travailler avec les plateformes type Uber, en utilisant une nouvelle base de données nationale des taxis et VTC.
  • Réorganiser la formation des taxis et VTC avec un référentiel commun de connaissances et des modules de spécialisation pour chacune des activités.
  • Racheter les licences de taxis grâce à un fonds de garantie solidaire au sein du secteur, et la distribution de nouvelles licences.
  • Créer dans chaque département d'une commission consultative pour l'ensemble du secteur. Présidée par le préfet, elle étendra notamment les commissions disciplinaires des taxis aux VTC.
  • Créer une marque-label « qualité tourisme » pour les professionnels de l'ancienne Grande Remise (transport occasionnel de luxe) en garantissant un niveau de service et de qualité.
  • Tempérer la puissance de marché des plateformes comme Uber en garantissant au chauffeur la liberté d'adhérer à plusieurs plateformes simultanément sans risquer d'être désabonné.

Sauf que pour Baaroun Sayah, lui-même chauffeur, cette dernière solution fait partie des effets d'annonce « poudre aux yeux », et pour cause : aucune clause d'exclusivité n'est demandée par Uber et les chauffeurs bénéficient déjà de ce droit. « Aujourd'hui quand un chauffeur VTC monte dans sa voiture son premier réflexe est d'allumer ses cinq téléphones pour utiliser toutes les applications en même temps et avoir un maximum de chance de trouver un client » nous confie-t-il.

L'iconographie d'Uber se veut très classieuse, à l'image du standing de l'ancienne « grande remise ».


Round 1 et 2 : macarons, maraude, examens

La première table ronde du gouvernement avec les représentants taxis et VTC a donc abordé l'épineux sujet d'une signalétique renforcée : avec le macaron VTC inamovible proposé par le Ministère - qui se brise automatiquement si on tente de l'enlever -, aucun risque de maraude (droit réservé aux taxis de chercher le client en voiture directement sur le terrain). Interpellés par les Bauer (police des VTC), « ils ne pourraient ainsi plus faire semblant de ne pas être VTC. »

Conscients du problème, les représentants des VTC auraient cependant argué en faveur de plaques aimantées à l'avant et à l'arrière du véhicule (sur les plaques d'immatriculation), laissant à la fois la possibilité au chauffeur d'utiliser sa voiture « en civil » sans être systématiquement arrêtés pour maraude, tout en rendant la démarche suffisamment contraignante et visible (il faut sortir du véhicule) pour être vite repérée par les Bauer.

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La seconde table ronde concernait le « tronc commun des connaissances ». Terme préféré de l'Education nationale, il recouvrait cette fois la volonté d'une formation commune aux VTC et taxis au départ, avec des modules de spécialisation. Pour Baaroun Sayah, le gouvernement tente avant tout de revenir sur ses propres erreurs : suite au fameux rapport Attali de 2008, la licence « grande remise » (service de transport de luxe qui existe depuis les carrosses royaux) avait été supprimée, obligeant cette catégorie de chauffeur à devenir VTC.

Justement, il y a dans la stratégie marketing d'Uber cette image standing, avec un chauffeur bien habillé qui vous ouvre la porte. « Seulement » nous rappelle le secrétaire général d'SCP-VTC, « ces chauffeurs de la Grande Remise pratiquaient des tarifs très élevés pour une certaine clientèle, c'était un métier très codifié et ils faisaient leur chiffre... avant qu'on les oblige à sous-tarifer leurs courses et faire semblant d'être des grandes remises. Alors aujourd'hui l'Etat s'aperçoit que c'était une erreur et nous parle de ce nouveau "label"... Pour l'instant ce ne sont que des intentions. »


Il estime aussi que pour l'heure, les vrais problèmes ayant trait à la formation n'ont pas été abordés : « Aujourd'hui ce n'est plus une formation, c'est un QCM à 98 euros où vous devez avoir au minimum 12 sur 20, et répondre correctement à une question sur quatre. C'est en train de devenir n'importe quoi. Certaines sociétés comme Le Cab créent même leur propre formation (en externe via une autre société), sur leurs lieux d'examen, et autant vous dire qu'il ont plutôt intérêt à ce que vous le réussissiez. Donc après il ne faut pas s'étonner de voir tout et n'importe quoi dans les prestations. »



« On est en train de crever tous ensemble »

Pour « redonner de la dignité à ce métier » - celui de chauffeur, taxis et VTC confondus -, Baaroun Sayah préconise un numerus clausus pour les VTC, même s'il ne se fait aucune illusion sur les chances qu'une telle mesure soit un jour mise en oeuvre. « Les taxis étaient déjà 22 000. Maintenant nous sommes 20 000 VTC en plus. Chaque mois il y a 2500 candidats aux épreuves, ce qui pourrait mener à une augmentation de 15 000 VTC d'ici septembre. Est-ce que vous vous rendez compte ? Pour les chiffres du chômage c'est bien, mais derrière il y a une réalité. »

Cette réalité, c'est celle de « 70 heures par semaine, avec pour tout salaire un chiffre variant de 900 euros à 1300 euros net, après déduction des charges, des 20% que prend Uber, de l'assurance et de la location du véhicule » avoue révolté le porte parole de la profession. « Chauffeur ce n'est plus un vrai métier, qui permet de vivre dignement, c'est tout au plus un job d'appoint qui vous empêche de voir votre famille à cause de la folie des horaires. Les jeunes qui font ça se rendent comptent au bout d'un an que c'était une belle arnaque, alors ils décident d'arrêter. Mais quand on leur dit que payer la fermeture ce sera 1000 euros, avec leurs emprunts, ils continuent finalement, à contre-cœur. Ce métier aujourd'hui, c'est "roule ou crève". »

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