IPv6 : Google, Facebook et Yahoo sont prêts... Et vous ?

08 juin 2011 à 13h43
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C'est le World IPv6 Day ! Les musettes ne résonnent pas encore tout-à-fait, tant la situation est loin d'être claire sur le passage de la norme IPv4 à IPv6, les conséquences de la rupture de stocks des adresses IPv4, etc. Plusieurs études montrent que les entreprises ne sont pas prêtes pour la migration. Mais Google, Yahoo et Facebook, entre autres, célèbrent aujourd'hui l'IPv6 avec un test grandeur nature. Et vous, êtes-vous prêts ?

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C'est un gros coup de communication pour le protocole réseau IPv6. Développé depuis les années 1990 pour remplacer un jour l'IPv4, en voie d'extinction rapide, l'IPv6 est aujourd'hui au centre d'un test grandeur nature. Google, Yahoo, Facebook, mais aussi Akamai, Youtube, Cisco, Bing, Mozilla et quelque 225 sites (et 418 organisations en tout) passent à l'IPv6 pour une journée (liste complète ici). Serait-ce le coup d'accélérateur attendu par Stéphane Bortzmeyer, de l'AFNIC, qui nous expliquait en février qu'en terme de migration, tout le monde avait intérêt « à rester au milieu du troupeau » ?

La France, pionnière ?
On pourrait penser que lorsque autant de grands sites font leur migration en même temps, la partie est gagnée : le troupeau a bougé, et les retardataires devront assumer les incompatibilités éventuelles et les surcoûts liés. Si en France, Free, la FDN (French Data Network, un FAI) et Nerim ont déjà sauté le pas depuis quelque temps, Orange annonce aujourd'hui sa participation à l'IPv6 Day. L'opérateur annonce avoir « lancé dès 2008 un plan d'introduction d'IPv6, couvrant les équipements réseaux, les plateformes de service, le système d'information et les règles de gestion d'adresses, et a été le premier à lancer, dès mai 2009, une offre de réseaux VPN en IPv6 à destination des entreprises. »

Sur les infrastructures, il semblerait donc bien que la France ne soit pas trop en retard. C'est d'ailleurs ce que nous disait Stéphane Bortzmeyer en février : « Nous sommes même l'un des pays les plus avancés au niveau mondial, et dans tous les domaines. Nous sommes l'un des rares pays où un opérateur grand public, Free, a mis en place une solution IPv6. » Mais on parle bien là d'infrastructures : pour ce qui est des sites web, Orange, pas plus qu'un autre, n'avait sauté le pas. C'est désormais fait, puisqu'à l'occasion de l'IPv6 Day, il fournira des contenus accessibles en IPv6. Pendant 24h, Orange Business Services sera par exemple disponible aux entreprises en IPv6.

World IPv6 Day : quel impact ?
De coup d'accélérateur, il ne saurait vraiment être question. D'abord parce que l'IPv6 Day porte assez bien son nom : il dure 24h. Après, retour aux bonnes vieilles configurations de la veille, et on voit les suites à donner. L'intérêt n'est pas à négliger pour autant.

D'abord parce qu'il s'agit de vérifier que tout fonctionne bien, et notamment la possibilité de délivrer des contenus web en dual-stack, pour permettre un accès à la fois en IPv4 et IPv6. De ce point de vue, Google a pris les devants, et précise qu'il pourrait y avoir quelques soucis d'accessibilité. Dans le blog officiel de Google, le gourou de l'IPv6 maison, Lorenzo Colitti, estime que « selon toute vraisemblance, vous ne remarquerez même pas le test. La grande majorité des gens (99,95%) pourra accéder aux services sans interruption : soit ils se connecteront en IPv6, soit leurs systèmes retourneront avec succès à l'IPv4. Cela dit, comme avec toute technologie de prochaine génération, il peut y avoir quelques cahots. Nous estimons que 0,05% des systèmes pourraient échouer à retourner à l'IPv4, donc certaines personnes pourraient trouver les sites de Google, Facebook, Yahoo, Bing et des autres participants lents ou avec des temps de réponse augmentés durant la journée du test. »

Les autres estimations avancent à peu près les mêmes chiffres : entre 0,03 et 0,05% de dérangements. L'un des buts de la journée mondiale de l'IPv6, c'est justement de déterminer avec précision quel taux de problèmes sera mesuré, et les raisons de ces dérangements. Pour Alain Fiocco, en charge du programme IPv6 chez Cisco, « pour l'instant, nous pensons que ce nombre est un pourcentage vraiment, vraiment bas. Mais ce test n'a jamais été fait à une échelle globale... Nous avons besoin de déterminer si un un gros problème ou un petit problème. »

Et après le World IPv6 Day ?
Le passage d'autant de sites et d'organisations à l'IPv6 peut-il avoir un impact globale sur Internet et son fonctionnement ? Tout dépend, en fait, puisqu'on est dans une logique de dual-stack : Google, Yahoo, Facebook ou Bing ont beau rendre leur site disponible à un accès IPv6, si celui-ci n'est pas activé côté client, cela ne changera rien. Le site reviendra tout simplement à sa version IPv4 et, en dehors du faible pourcentage de problèmes relevés, il ne se passera pas grand chose.

Dans une étude réalisée en avril dernier, Arbor Networks a suivi six fournisseurs d'accès à Internet américains pendant six mois d'expérience IPv6. L'étude n'est pas à prendre pour argent content, leur précédente recherche de 2007 ayant été très controversée (notamment parce qu'elle ne prenait pas en compte les accès IPv6 natifs). Mais Arbor Networks a semble-t-il corrigé quelques failles dans sa méthodologie. Sur les six mois étudiés, le trafic inter-domaines en IPv4 a connu une hausse de 40 à 60% en moyenne. Dans le même temps, l'accès en IPv6 (que ce soit en natif ou par translation) aurait chuté de 12%.

Il faut dire que si certaines solutions apparaissent depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, le principal moteur d'une migration massive ne peut être que du côté des services grand public (sites web, messagerie instantanée, peer-to-peer, etc). L'impact d'un test - et à terme, peut-être, d'une migration - serait donc probablement plus fort que la mise en place des infrastructures et équipements compatibles, pourtant un préalable à l'adoption de la technologie. Sur les suites à donner, ajoutons qu'en France, Orange annonce une mise en production dès 2012 pour tous, et SFR compte réaliser des tests au cours de l'été. Free, Nerim et la FDN sont déjà prêts.

Et vous, êtes-vous prêt ?
Dédramatisons cette journée avant toute chose : à moins d'avoir suffisamment peu de chance pour vous situer dans les quelques fractions de pourcentage des connexions qui subiront des problèmes, vous n'y verrez que du feu. Difficile dans ce cas-là d'être aussi « excité » que Don Lee, l'ingénieur de Facebook à l'origine de l'IPv6 Day avec Lorenzo Colitti (il est même « complètement excité »). Une fois intégré que le passage à l'IPv6 est vital, du fait de l'extinction des adresses IPv4 disponibles, et connu la bouffée de chaleur à l'annonce qu'une chose aussi globale et complète que le World IPv6 Day se déroulait, il n'y a plus qu'à attendre les conclusions des participants.

Là où l'IPv6 Day est intéressant pour les entreprises, c'est qu'il a donné lieu à la publication de plusieurs études sur leur préparation à la migration. D'où il ressort, dans la grande majorité, que les entreprises ne sont pas prêtes. Dans une étude réalisée par Infoblox, auprès de 2 400 entreprises du secteur hi-tech dans le monde (144 en Europe), il ressort que 80% des entreprises estiment manquer d'information sur la migration vers l'IPv6, et seules 24% des entreprises auraient consacré des ressources à ce problème.

Si on peut rester circonspect devant une étude proposée par un fournisseur de solutions IPv6 (notamment pour la transition vers le nouveau protocole), celle-ci recoupe d'autres publications, notamment de l'association commerciale américaine CompTIA, qui s'est rendu compte que seuls 23% des DSI aux Etats-Unis avaient débuté l'implémentation du nouveau protocole. Ce chiffre est cohérent avec celui d'Infoblox. Et si le manque d'information est là encore un point important soulevé par les entreprises, les acteurs autour de l'IPv6 semblent là encore faire quelques efforts.

L'organisation Internet Society a par exemple mis à disposition un outil de test et un portail d'informations en anglais. En français, il est possible de consulter le dossier thématique du bureau d'enregistrement et de gestion des noms de domaines, l'AFNIC. Disponible sur le site web de l'autorité, le voici en intégralité :

AFNIC IPv6


Pour le grand public, il n'y a pas grand chose de plus à faire. Si vous êtes chez Free ou un opérateur qui prend en charge le protocole IPv6, il suffit de vérifier que vous y avez bien accès, et d'activer l'option correspondante le cas échéant. Côté logiciel, les versions récentes de Windows (Vista et Seven sans souci, XP avec l'installation d'une couche de gestion), Mac OS X et Linux sont compatibles, et les mises-à-jour des grands navigateurs prennent en compte l'IPv6 sans trop de problème, qu'il s'agisse de Firefox (depuis la 1.5), Internet Explorer (depuis la 7.0), ou Google Chrome. Opera a bien connu quelques problèmes avec l'IPv6 de Free il y a deux ans, mais c'est résolu depuis.

En navigation mobile, l'accès en IPv6 est assuré par iOS et Symbian, mais cette page relate qu'Android disposait encore récemment d'une prise en charge incomplète. Il semblerait pour autant que la connexion en IPv6 fonctionne en WiFi, et ne pose désormais de problèmes plus qu'en 3G. Plusieurs forums signalent également des soucis d'attribution d'adresse sur des réseaux IPv6 pour Windows Phone 7, alors que Windows Mobile 6.5 n'a pas le moindre souci.

Le World IPv6 Day pourrait donc être au minimum un outil de vérification pour les grands services, qui peuvent ainsi estimer les taux de problèmes et leurs causes. Pour une migration définitive vers une solution qui supporte IPv4 et IPv6, la chaîne est très longue, des appareils - et logiciels - aux services, en passant par les réseaux et commutateurs, si longue qu'il faudra encore attendre avant que tout le monde s'y mette pour de bon.
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