Jean-François Pruvot, CA Technologies : "il faut aborder la mobilité de façon globale"

23 avril 2014 à 09h58
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Directeur général de la filiale française de CA Technologies, Jean-François revient dans cet entretien sur les grandes orientations stratégiques dévoilées par l'éditeur fin 2013, ainsi que sur la façon dont la DSI devrait selon lui aborder le sujet, ô combien dans l'air du temps, de la mobilité en entreprise.

Jean-François Pruvot, bonjour. Avec quelques mois de recul, quelles conclusions tirez-vous des grandes orientations stratégiques dévoilées pour CA fin 2013 ?

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Si on regarde les trois premiers trimestres de notre exercice fiscal, on est sur une trajectoire qui semble satisfaire les analystes et le marché. C'est notamment dû à l'impulsion de notre nouveau CEO, Mike Gregoire. CA se transforme pour être plus agile, et être reconnu comme un acteur innovant sur le marché. Bien sûr c'est la volonté de tous les acteurs, mais pour que ça marche il nous fallait quelqu'un qui ait envie de bousculer un peu l'ordre établi. CA est une société puissante, c'est facile de s'endormir sur ses lauriers. On a donc pris un virage extrêmement agressif sur les sujets liés à l'innovation, avec en premier lieu tout ce qui relève du devops.

Rappelez-nous ce que vous entendez par là ?

Aujourd'hui, la plupart de nos clients ont automatisé les opérations au sein de leurs datacenters. Ce qui les préoccupe maintenant, c'est de mettre en place des applications capables de soutenir de nouveaux services ou de nouveaux produits. Le time to market, qui était déjà important, le devient encore plus. Comment je passe d'une idée à une application en production ? Le cloud est un moyen de répondre à cette attente, mais pour se différencier, il faut construire de nouvelles applications. Celles-ci ne sont pas hors-sol : elles doivent s'intégrer à un SI, dans l'entreprise. Il faut donc mettre à niveau le back office et permettre de déployer plus rapidement.

On a donc pris le tournant devops, qui recouvre la chaîne de développement agile, le release management, le test etc, pour mettre en production le plus rapidement possible. CA investit lourdement pour devenir un acteur majeur dans ce domaine. Pas d'innovation sans time to market : c'est ce à quoi répond par exemple CA LISA, en permettant de virtualiser le système existant, en simulant le back-office pour éviter à nos clients d'acheter des environnements de test ou de qualification, de recréer le jeu de données, etc.

Une fois qu'on a fait des tests, il faut déployer. Aujourd'hui, certains de nos clients font jusqu'à cinq ou six releases par jour. La Fnac par exemple, utilise nos outils pour mettre à jour en permanence ses sites e-commerce, qui évoluent en permanence. Il s'agit donc d'aller plus vite tout en améliorant les standards de qualité.

Vos ambitions sont donc élevées ?

On ambitionne de devenir un acteur majeur sur ce marché : il faut que nos clients pensent automatiquement à CA lorsqu'ils attaquent un projet de type devops, de la même façon que nous sommes incontournables lorsqu'ils pensent à un projet de rationalisation sur l'environnement mainframe. Ce virage commence à porter ses fruits, puisque CA est aujourd'hui reconnu comme un acteur innovant par les analystes.

On procède de façon similaire pour ce qui a trait à la mobilité ou à la sécurité. Consommer l'informatique en cloud ou sous forme de services délivrés aux métiers remet en cause les principes qui étaient en place auparavant. Maintenant, il faut par exemple être un capable de mettre en place un identifiant unique entre le SAP interne à l'entreprise et un outil de CRM hébergé à l'extérieur : c'est un vrai sujet. Idem lorsqu'il s'agit de décommissionner simplement un employé qui quitte l'entreprise...

C'est toujours dans cette dynamique d'innovation que l'on a annoncé l'an dernier le rachat de Layer7 dans le domaine des API, l'enjeu étant ici de mettre en place des interfaces permettant de mettre en place de nouveaux modèles économiques. Ouvrir mon SI pour que mon service de réservation soit accessible depuis mon portail mais aussi celui de mes partenaires, c'est important. Amazon réalise 40% de son chiffre par l'intermédiaire de son réseau de partenaires.

Vous revendiquez une logique similaire en matière de mobilité ?

Prendre en compte la mobilité, le fait que les gens consomment aujourd'hui des services aussi bien depuis le navigateur que depuis une application, ça implique de repenser le système d'information. Prenez l'exemple d'une banque en ligne, qui voudrait proposer à des commerçants un module de paiement intégrant la possibilité de régler en plusieurs fois, de façon sécurisée, en temps réel et avec une qualité de service garantie : c'est un vrai différenciateur, qui permet d'aller chercher plus de clients que si l'on reste dans son agence. Aujourd'hui, c'est impérieux, les entreprises intègrent que l'arrivée de la mobilité impose cette ouverture.

Le fait d'être un acteur global de l'IT nous permet d'éviter de traiter par silos les différents problèmes que pose la mobilité. Le vrai différenciateur pour CA étant l'ajout d'une vision, qui couvre de nouveaux challenges allant du développement jusqu'à l'utilisation, l'expérience utilisateur et la sécurité du SI.

Le besoin sera d'ailleurs le même si l'on pense au fameux Internet des objets : il s'agira encore d'avoir une solution, sous forme d'API, permettant au SI de l'entreprise d'être sollicité par des dizaines de milliers d'appareils chaque seconde tout en garantissant la qualité de service.

On retrouve cette logique lorsqu'on commence à envisager la question des terminaux mobiles : c'est impossible de traiter ces questions par silos. Quand on parle de flotte d'entreprise aujourd'hui, il faut envisager un mélange de PC portables et de smartphones, avec des dirigeants qui souvent ont une tablette en plus. Le manager veut avoir la même expérience utilisateur quel que soit l'appareil utilisé : c'est à l'IT de lui fournir, tout en gardant la main sur la consommation des services, si elle se fait à des horaires trop exotiques par exemple...

En février, une étude commanditée par vos soins soulignait que seuls 40% des entreprises françaises ont des projets concrets en matière de mobilité ?

C'est malheureusement une réalité. On est encore relativement frileux à mettre en place de nouveaux appareils, à cause de la sécurité notamment. L'objection est compréhensible, mais on pense risque plus qu'opportunité. A l'inverse, les anglo-saxons pensent opportunité en premier, ce qui leur permet de concevoir des modèles économiques innovants. Il faut adopter la mobilité de façon globale, avec une vision holistique qui intègre aussi bien la gestion du mobile que des contenus ou des applications.

Comment changer cet état d'esprit ?

Nos efforts passent notamment par les partenaires, qui comprennent le mieux les enjeux des entreprises puisqu'ils travaillent en direct avec les métiers. Nous nous sommes donc rapprochés des intégrateurs, les CapGemini, Atos Accenture etc, pour leur montrer comment ils pouvaient se montrer innovants dans leurs réponses aux clients, en ne pensant pas uniquement réduction de coûts. On accompagne cet effort en consacrant plus de ressources à la formation de nos partenaires, au marketing, etc.

Avez vous le sentiment qu'il existe un frein similaire pour tout ce qui touche au cloud ?

Les choses changent : j'étais récemment avec un client , une entreprise du secteur public, qui m'a dit qu'il était passé sur Gmail, en dépit de la question de la localisation des données personnelles. La pression économique est telle, la nécessité d'aller vite s'impose de façon si forte que les entreprises sont obligées d'aller vers le cloud, le mouvement est irréversible... Aujourd'hui, bon nombre de grands comptes pensent cloud avant inrastructures sur site lorsqu'il s'agit de déployer une nouvelle application. Il y a cinq ans, ça n'était pas le cas. CA essaie de se positionner comme un facilitateur pour les entreprises qui souhaitent consommer des services dans le cloud, principalement sur la sécurité : gestion des accès, contrôle des ressources consommées, rapports sur les opérations... En parallèle, nous portons aussi nos propres applications, la plus diffusée aujourd'hui étant Portfolio Management, autour de laquelle 80% des projets se font maintenant dans le cloud.

Comment est-ce qu'on fait pour ne pas simplement parler d'innovation mais en délivrer quand on repose sur 40 ans d'historique et un catalogue produits où les logiciels se comptent par centaines ?

C'est le challenge auquel sont confrontés tous les acteurs qui ont plus de vingt ans d'expérience dans une industrie : comment je fais vivre mon portefeuille de solutions tout en introduisant de l'innovation, en sachant que ce sont mes revenus viennent de mes anciens produits. C'est là qu'on mesure l'impact des décisions stratégiques. Par exemple, on a investi sur le mainframe, à l'inverse du marché, il y a trois ans environ. L'objectif de cette offre, Chorus, est de simplifier l'administration des environnements mainframes. Pourquoi on a fait ça ? La pyramide des âges est ce qu'elle est, la plupart des experts mainframes partent à la retraite : si on veut attirer de nouveaux ingénieurs, plus jeunes, il faut modifier radicalement l'expérience utilisateur sur ces environnements. On a réalisé ces investissements ces trois ans, et aujourd'hui on en récolte les fruits face à la concurrence.

Ensuite, pour tout ce qui est distribué, notre grand challenge est de basculer du modèle on premise avec vente de licence perpétuelle à un modèle de type Saas. On est aidé ici par la culture d'entreprise de CA, qui connait déjà très bien la logique de redevance, mais ça ne suffit pas, il faut aussi simplifier les contrats. L'un des grands enjeux sera de réussir cette bascule : on ambitionne de délivrer l'essentiel de nos solutions en Saas d'ici deux ans.

Alexandre Laurent

Alex, responsable des rédactions. Venu au hardware par goût pour les composants qui fument quand on les maltraite, passé depuis par tout ce qu'on peut de près ou de loin ranger dans la case high-tech,...

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Alex, responsable des rédactions. Venu au hardware par goût pour les composants qui fument quand on les maltraite, passé depuis par tout ce qu'on peut de près ou de loin ranger dans la case high-tech, que ça concerne le grand public, l'entreprise, l'informatique ou Internet. Milite pour la réhabilitation de Après que + indicatif à l'écrit comme à l'oral, grand amateur de loutres devant l'éternel, littéraire pour cause de vocation scientifique contrariée, fan de RTS qui le lui rendent bien mal.

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