Charles Nouÿrit, MyID : "Il faut encadrer les relations entre start-up et grands groupes"

12 février 2013 à 17h32
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Estimant que certains grands groupes sont, avec les start-up, plutôt des prédateurs que des partenaires, Charles Nouÿrit veut mettre en garde les entrepreneurs sur les dangers de ce type de relation.

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Charles Nouÿrit - MyID is Certified.
Entrepreneur depuis 1994, Charles Nouÿrit a fondé en 2007 une start-up basée sur la certification numérique, MyID is Certified. En procès contre le groupe La Poste suite à la rupture de leur partenariat, il s'est fendu d'une tribune le 8 février dans lequel il veut attirer l'attention des entrepreneurs sur les relations entre les jeunes pousses et les grosses entreprises. Échaudé par son expérience personnelle, il invite les entrepreneurs à la rédaction d'une Charte de collaboration éthique vis­-à-vis de l'innovation qui poserait les bases de relations plus justes entre les start-up et les grosses entreprises.

Bonjour Charles Nouÿrit. D'abord, une start-up a-t-elle besoin de se rapprocher d'un grand compte pour se développer ?

Pas forcément, cela dépend du domaine. Mais dans certains cas, un grand groupe peut apporter une force de frappe considérable en soutenant un produit et en faisant bénéficier la start-up de son rayonnement. Il peut aussi apporter un soutien technique et son expertise pour améliorer le produit. Il peut enfin racheter la start-up. mais hormis Deezer et Dailymotion avec Orange, c'est plutôt rare.

Dans quelles conditions une jeune société doit-elle nouer un partenariat avec une grande entreprise ? Que conseillez-vous ?

Parfois, les grands groupes passent pas l'intermédiaire d'incubateurs, ce qui est excellent s'il y a une charte éthique de signée. Mais bien souvent, il n'y a rien de tel et la société reçoit directement la start-up. C'est une situation difficile, asymétrique, où l'on se retrouve face à sept ou huit représentants du groupe et on doit tout déballer pour convaincre. Ils vous assaillent de questions et pour y répondre on doit révéler toute sa vision, les langues se délient. Je conseille vraiment de s'armer d'un avocat dans ce cas, même si je suis conscient que ça n'est pas donné, afin de se protéger de potentiels problèmes.

Vous dénoncez le fait que certains de ces groupes pillent les idées innovantes de leurs petites partenaires. Comment est-ce qu'ils procèdent ? Avec quelles conséquences pour les start-up ?

J'ai vu beaucoup de start-up se faire approcher par ces groupes, ils discutent quelques mois ensemble, le porteur de projet transmet un certain nombre d'informations. En fait l'approche de certaines de ces sociétés relève plus de la prédation que du partenariat. Une fois qu'elles ont emmagasiné assez d'éléments, elles laissent mourir la jeune pousse et lancent leur propre service. Citons par exemple les cas de FriendsClear avec Renault ou ceux d'AppsGratuites avec SFR et TechToc TV face à la Caisse des Dépôts et Consignations. Si la start-up n'a pas les reins solides financièrement, c'est fini pour elle.



Pour être plus précis, quels problèmes dans le mode de fonctionnement actuel pointez-vous du doigt ?

Il existe en France un problème de confiance. Il est impossible de déposer un brevet pour protéger une idée ou un concept, comme en Amérique du Nord. Or il est indispensable que les relations entre grands groupes et entreprises innovantes se fassent en toute confiance. Il existe également un gros décalage au niveau du temps d'exécution entre les deux. Lorsqu'une jeune société doit attendre six mois ou un an avant que la collaboration débute, c'est intenable. Enfin, se pose le problème du financement : racheter une entreprise innovante, ça n'est pas juste mettre la main sur une techno, mais c'est intégrer la vision de l'entrepreneur.

En publiant une tribune, espérez-vous fédérer des entrepreneurs qui se sentent lésés comme vous ?

Je veux libérer la parole car beaucoup de start-up n'osent pas parler de peur de se fermer la porte à des opportunités avec d'autres grands groupes. Pour l'exemple, j'ai reçu il y a pas longtemps une lettre d'une de ces sociétés qui me prévenait que mon billet pourrait me fermer des portes. C'est de l'intimidation. Mon article a été retweeté 500 fois dont une fois par Laurence Parisot, la présidente du Medef. Je ne veux pas faire comme les Pigeons. Je souhaite inviter la communauté pour créer une charte.

Pensez-vous qu'une charte serait suffisante pour tenter d'enrayer les problèmes que vous dénoncez ?

Cette charte serait signée par les groupes qui sont en accord avec les principes qui y seront énoncés, dont la base sera la confiance. La liste des signataires sera accessible et les entrepreneurs auront ainsi une visibilité sur qui s'engage à la respecter. Je préfère la charte à la loi, car légiférer dans tous les sens n'apporte pas plus de fluidité dans les échanges. Si la charte n'est pas respectée, il n'y aura pas de sanctions applicables, mais cela fournira une arme supplémentaire à faire valoir devant un juge en cas de litige.


MyID is Certified attaque La Poste pour atteinte à ses droits de propriétés intellectuelles

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Le point de départ de cette prise de parole publique de Charles Nouÿrit est à trouver dans sa propre mésaventure. Fondateur de la start-up spécialisée dans la certification d'identité numérique MyID is Certified en 2007, il est contacté par La Poste en 2009 en vue d'une collaboration. Ceci dans le cadre de l'Appel à projets sur les services innovants du Web lancé par le gouvernement.

L'idée de base, indique l'entrepreneur sur son blog, est alors « de reprendre le système de vérification de MyID, pionnière sur le domaine de la certification de l'identité numérique avec plusieurs milliers d'utilisateurs inscrits dans 37 pays, en l'améliorant grâce à la capacité de La Poste de mobiliser sa flotte de facteurs, afin de délivrer une identité numérique certifiée en lien avec l'identité réelle »

Le 31 mars 2011, les deux parties signent un accord de consortium, « soit après presque deux années » : Charles Nouÿrit déplore le délai important entre la première prise de contact et le début du chantier. Seulement, le partenariat ne se déroule pas comme espéré. « S'en suit le début d'une très longue série de problèmes, tous plus ubuesques les uns que les autres, que je ne listerai pas ici, et qui débouchera sur la fin de notre collaboration » indique le patron de MyID.

La Poste « n'a pas attendu MyID pour travailler sur l'identité numérique »

Depuis, la start-up a porté plainte contre le groupe La Poste pour « exclusion illicite du consortium et atteinte à ses droits de propriétés intellectuelles ». Car la start-up accuse dans la foulée son ancien partenaire d'avoir sorti sa propre solution de certification d'identité numérique, moins d'un mois après la rupture du contrat, et « sans spécificité par rapport au projet développé avec MyID ».

Contactée par nos soins, La Poste répond s'être « aperçue au bout de plusieurs mois de collaboration que la solution présentée par MyID souffrait de gros problèmes de sécurité qui permettaient à un utilisateur mal intentionné d'usurper l'identitté d'un utilisateur ». Le groupe affirme avoir réalisé un audit sur la sécurité et avoir relancé MyID plusieurs fois, « sans que des solutions ne soient apportées ». Elle pointe également du doigt un « non respect des délais ». La Poste justifie ainsi son choix d'avoir mis un terme à leur relation en excluant la jeune société du consortium.

Concernant l'accusation de violation de propriété intellectuelle, le groupe français explique qu'il « travaille sur l'identité numérique depuis 1999 avec Certinomis » et qu'il « n'a donc pas attendu ce partenariat pour se pencher dessus ». Il répond ensuite que la solution développée après la rupture du contrat se base sur une autre façon de procéder, à savoir la vérification de l'identité par le facteur de visu, et non les coordonnées bancaires.

Et d'affirmer que de toute façon, « il n'y a pas des milliers de façons de contrôler une identité numérique ». La première audience a eu lieu le 24 janvier au tribunal de commerce de Paris.

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