Live Japon : Horiemon, de l'ombre à la lumière

30 mars 2013 à 19h56
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27 mars 2013, 9H58 à Tokyo: un tweet apparaît sur le compte d'un certain @takapon_jp, suivi par près d'un million de personnes: « j'ai été mis en liberté conditionnelle à environ 7h40 ! Merci à tous. Je suis sorti après avoir purgé sans problème 74% de la peine ». Le jeune loup japonais du Net, Takafumi Horie, ex-patron-fondateur du portail Livedoor, tombé de son piédestal pour avoir trafiqué les comptes de sa société, venait de sortir de prison. Un an et neuf mois sous les verrous, ça vous change un homme, surtout lorsqu'il a perdu 30 kg de trop, comme s'il s'était vidé.

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Répliqué des milliers de fois, son premier tweet d'ex-prisonnier fut suivi d'une multitude d'autres, pour dire qu'il avait mangé chez McDonald's, qu'il avait maigri, qu'il était allé chez le coiffeur et remerciait l'artisan, ou encore pour annoncer sa participation à une émission sur internet le matin ainsi qu'une conférence de presse à 19H00 locales. « Le premier mois a été vraiment difficile, mais par la suite j'ai travaillé, et la vie a été moins rude », a-t-il expliqué durant le premier programme, diffusé en direct sur le site de vidéo Nico Nico Douga dans la matinée depuis une voiture, en route de la prison (à Nagano) vers Tokyo.

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D'autres vidéos sont ensuite apparues sur YouTube:



Auparavant surnommé « Horiemon », du fait d'une prétendue ressemblance avec le personnage de manga « chat bleu venu du futur » Doraemon, Takafumi Horie a désormais 40 ans.

Du temps de sa splendeur et de la fascination qu'il exerçait sur les jeunes, M. Horie, enfant terrible, s'acharnait sans vergogne (ni cravate) contre les patrons japonais jugés ringards et complètement à côté de la plaque, ne comprenant rien à internet et encore moins à la nouvelle économie. Ne cachant pas alors son train de vie fastueux, ni ses nanas, il se vantait d'être capable de tout acheter, y compris, un de ces jours, le géant de l'électronique Sony. Courtisé à l'époque par le Premier ministre libéral Junichiro Koizumi, il avait brigué, sans le gagner, un siège de député aux élections de 2005, à Hiroshima.

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Las, après avoir tenté de s'emparer d'un « vieux média » (une chaîne de télévision privée), convaincu que la fusion internet-TV avait un sens, il fut rattrapé à 38 ans par ses façons peu orthodoxes de se jouer des règles comptables.

Condamné en 2007 par un tribunal de Tokyo pour falsification des résultats financiers de sa société en 2004, M. Horie a également été puni pour avoir organisé une complexe opération de manipulation de cours afin de faire grimper en Bourse le prix de l'action Livedoor. Débouté de ses appels en deuxième instance et par la Cour suprême, Takafumi Horie écopa de deux ans et demi de prison, sans sursis. Il fut enfermé fin juin 2011.

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Vêtu d'un T-Shirt « Allez en prison » inspiré du Monopoly, il s'est alors offert un passage par la case TV, d'où il a clamé son innocence lors d'une conférence de presse organisée après l'arrêt de la Cour suprême, affirmant que les procureurs l'ayant poursuivi n'avaient « pas compris les mécanismes de l'économie » et que cette peine portait atteinte à l'esprit d'entreprise.

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« Ma condamnation a découragé de nombreuses firmes de lancer des fusions et acquisitions. La société japonaise ne sait pas assouvir l'ambition de ses jeunes », a-t-il martelé. Vingt-et-un mois plus tard, il ressort de cellule aussi bavard qu'il y était entré, mais avec des propos d'une toute autre nature, qui le rendent autrement moins détestable.

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Mercredi 27, entre 19H00 et un peu plus de 20H00 à Tokyo, près de 130 000 personnes ont suivi sur Nico Nico Douga sa conférence de presse, au cours de laquelle, accompagné de son avocat, il s'est montré d'une humanité qu'on ne lui connaissait guère auparavant. « Avec l'affaire Livedoor, j'ai causé énormément de problèmes aux actionnaires et à de nombreuses personnes. Je demande pardon, sincèrement ». Toutes les poursuites judiciaires le concernant ont été soldées à l'amiable ou par la peine de prison, à l'exception d'une qui devrait être résolue aussi.

Et de raconter sans même qu'on le lui demande la vie de prisonnier, le travail qui était le sien (s'occuper de personnes handicapées ou âgées dans un centre particulièrement difficile), les relations avec les codétenus, avant de se lancer dans de longues tirades philosophiques. « Les gens en prison ne sont pas des gens particuliers. Du coup, on se dit que du jour au lendemain, le monsieur tout-le-monde que l'on croise dans la rue peut soudainement commettre un délit pour telle ou telle raison et se retrouver enfermé. Il est important ensuite, lorsque ces personnes sortent de prison, et c'est aussi valable pour moi, qu'elles puissent retrouver une vie sociale, qu'elles soient acceptées. Là où j'étais, la moitié des prisonniers sont des récidivistes, selon les gardiens ». Et le même de réfléchir au bénéfice de structures de réinsertion.

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Concernant sa vie future, celui qui a profité de sa détention pour s'instruire sur le pilotage d'avion et les sciences de la vie, dit avoir plein d'envies. Il parle toutefois plus concrètement de poursuivre la publication d'un mail-magazine, même si avant d'entrer en prison il se disait « gavé des technologies de l'information ». Alors que la tendance actuelle est aux jeux sociaux, lui, n'est pas tenté. « Si je m'investissais à fond dans une activité qui ne me plaît guère, cela redeviendrait comme du temps de Livedoor. Je ne ferai donc pas ce qui ne m'intéresse pas ». Il entend cependant donner corps à un projet de fusée.

M. Horie, qui a déjà écrit et publié plusieurs livres, dont deux gros volumes sur la prison et un troisième à venir, reconnaît qu'il a changé, physiquement et mentalement. « A vrai dire, jeune, j'étais plutôt maigre, mais du fait du stress lorsque j'étais sur le devant de la scène, hyper-occupé et sous pression, je buvais et mangeais beaucoup, et j'ai pris 30 kg. Je les ai reperdus par une vie saine en prison et je pense que désormais, même si je redevenais très occupé, je ne serais pas aussi tendu. J'étais jeune à l'époque, je n'avais nulle peur et je parlais beaucoup sans trop réfléchir. D'aucuns me répondaient vertement et me critiquaient, mais je m'en fichais ».

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« Aujourd'hui, je n'ai plus rien, je ne suis plus aussi important que lorsque j'étais patron d'une société, donc je n'ai pas besoin de ressentir une quelconque pression », dit-il. Il n'empêche, plus de 150 journalistes ont assisté à sa conférence de presse, sans compter bien entendu tous leurs homologues qui l'ont suivie en ligne. « Je suis très surpris d'intéresser autant », assure l'homme. Depuis cette prestation, il ne cesse de répondre via Twitter à divers messages et sollicitations de personnes plus ou moins connues. Il est ressorti de l'ombre, c'est clair.
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