Des chercheurs de Carnegie Mellon ont développé l’« autofocus spatialement variable », un prototype capable d’ajuster la mise au point sur chaque zone de la scène. L’appareil capture une image entièrement nette en une seule prise, sans empiler de clichés ni recourir à un traitement logiciel.

Dès qu’une scène comporte des éléments proches et d’autres très éloignés, il devient difficile de maintenir la netteté partout - ©Triff / Shutterstock
Dès qu’une scène comporte des éléments proches et d’autres très éloignés, il devient difficile de maintenir la netteté partout - ©Triff / Shutterstock

Si vous vous êtes un tant soit peu intéressé à la photographie, vous avez probablement buté sur les réglages de l’objectif de votre appareil photo. Dès qu’une scène comporte des éléments proches et d’autres très éloignés, il devient difficile de maintenir la netteté partout. On obtient souvent un plan net, tandis que tout ce qui se situe devant ou derrière tombe dans le flou.

Pour pallier ces limites, les fabricants ont exploré plusieurs solutions. Fermer le diaphragme élargit la zone de netteté, mais elle diminue la lumière et réduit la précision des détails. Les logiciels de retouche photo corrigent parfois le flou après la prise, mais leurs résultats varient selon la scène et ses contrastes. Empiler plusieurs clichés avec différentes focales fonctionne dans des conditions statiques, mais ne permet plus de photographier des sujets en mouvement.

C’est à partir de ces constats que les chercheurs de Carnegie Mellon ont imaginé l’« autofocus spatialement variable ». Ce prototype ajuste la mise au point pour chaque zone pendant la capture. Chaque portion de l’image reçoit un réglage distinct, et la photo sort nette, même lorsque la scène combine des éléments très proches et très éloignés.

La mise au point devient locale et réglable

L’« autofocus spatialement variable » utilise un objectif programmable associé à un modulateur spatial de lumière. La lentille computationnelle s’inspire du principe de la lentille de Lohmann : deux lentilles cubiques incurvées se déplacent pour ajuster la mise au point selon les zones de l’image. Le modulateur contrôle la réfraction de la lumière au niveau de chaque pixel.

Pendant que la lumière traverse l’optique, chaque zone de la scène reçoit son réglage. Un objet situé à quelques centimètres apparaît net en même temps qu’un élément à plusieurs mètres de distance. Le capteur lit directement ces informations et produit une image nette sans traitement ultérieur.

Matthew O’Toole, professeur associé à Carnegie Mellon, explique que le système « laisse l’appareil photo décider quelles parties de l’image doivent être nettes, attribuant en quelque sorte à chaque pixel sa propre petite lentille réglable ». Cette décision intervient lors de l’exposition et non après, et elle change totalement la logique traditionnelle de l’autofocus.

Le prototype applique deux méthodes pour définir la profondeur de chaque zone. L’autofocus à détection de contraste divise l’image en superpixels et ajuste la netteté de chacun. L’autofocus à détection de phase s’appuie sur un capteur à double pixel pour déterminer la direction du réglage et corriger la mise au point en une seule prise. Cette méthode atteint jusqu’à 21 images par seconde et fonctionne même sur des sujets en mouvement.

Ainsi, le flou cesse d’être une limite imposée par l’optique : il devient un paramètre que l’appareil peut moduler selon la géométrie réelle de la scène.

À gauche : une photo classique prise avec un objectif standard, où les objets situés sur un même plan focal apparaissent nets. À droite : une photo entièrement nette, obtenue grâce à une mise au point automatique spatialement variable. Pour ce faire, nous combinons (i) un objectif programmable avec contrôle spatial de la mise au point et (ii) un algorithme de mise au point automatique spatialement variable pour piloter la mise au point de cet objectif. Il est important de noter qu'il s'agit d'une image capturée optiquement d'une scène réelle, sans aucun traitement ultérieur. - Capture d'écran ©Carnegie Mellon University / Mélina Loupia pour Clubic
À gauche : une photo classique prise avec un objectif standard, où les objets situés sur un même plan focal apparaissent nets. À droite : une photo entièrement nette, obtenue grâce à une mise au point automatique spatialement variable. Pour ce faire, nous combinons (i) un objectif programmable avec contrôle spatial de la mise au point et (ii) un algorithme de mise au point automatique spatialement variable pour piloter la mise au point de cet objectif. Il est important de noter qu'il s'agit d'une image capturée optiquement d'une scène réelle, sans aucun traitement ultérieur. - Capture d'écran ©Carnegie Mellon University / Mélina Loupia pour Clubic

La netteté totale devient un choix technique

On l'a vu, avec les objectifs classiques, il faut toujours faire des compromis. Une ouverture très fermée réduit la lumière et crée des effets de diffraction. L’empilement de plusieurs images demande plusieurs déclenchements et empêche de capturer des scènes animées. Quant aux logiciels, ils corrigent parfois le flou, mais leur efficacité dépend du contenu de l’image.

Le prototype « autofocus spatialement variable » effectue la mise au point optiquement sur chaque zone tout en conservant une ouverture large. Les tests montrent que la netteté reste élevée sur toute la scène, même avec beaucoup de relief. Pendant la capture, l’appareil produit également une carte de profondeur. Cette donnée sert à observer plusieurs plans simultanément en microscopie, à améliorer la perception de la profondeur en réalité virtuelle, ou à offrir une lecture plus précise de l’environnement pour la vision embarquée des véhicules autonomes. Le dispositif utilise plusieurs optiques et un modulateur spatial de lumière, ce qui réduit la quantité de lumière captée.

Aucun appareil commercial n’utilise cette technologie pour l’instant.

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