Des chercheurs japonais ont modifié le carbone utilisé dans les anodes pour réussir à allier vitesse de recharge, quantité d’énergie stockée et longévité.

Au lieu d’améliorer les batteries classiques, les auteurs de l'étude ont cherché à transformer la matière même de l’anode, un élément essentiel du système de stockage - ©Rahayu footage / Shutterstock
Au lieu d’améliorer les batteries classiques, les auteurs de l'étude ont cherché à transformer la matière même de l’anode, un élément essentiel du système de stockage - ©Rahayu footage / Shutterstock

Constructeurs comme automobilistes ont toujours couru après l’autonomie, le temps de charge et la durabilité des batteries des voitures électriques.

Récemment, d’ailleurs, Stellantis a validé des cellules à électrolyte solide qu’on peut recharger de 15 % à 90 % en seulement 18 minutes tout en atteignant une densité énergétique de 375 Wh/kg, un chiffre qui attire l’attention des ingénieurs et des conducteurs.

C'est sans doute ce qui a motivé les chercheurs de l’université de Tohoku, mais qui ont attaqué le problème d'une autre manière. Au lieu d’améliorer les batteries classiques, ils ont cherché à transformer la matière même de l’anode, un élément essentiel du système de stockage. Ils proposent une version modifiée de molécules de carbone appelées fullerènes. Le résultat est un matériau qui pourrait cocher toutes les cases.

Comment du carbone réinventé change le stockage du lithium

Pour comprendre ce qui se passe, il faut remonter aux fondamentaux. Les anodes des batteries lithium‑ion actuelles utilisent le graphite. Ce matériau fonctionne bien mais il atteint ses limites quand on veut aller plus vite ou stocker plus d’énergie. Avec le graphite, les ions lithium entrent et sortent de la structure couche après couche. Quand trop d’ions s’accumulent en surface, le métal peut former un dépôt extérieur, ce qu’on appelle lithium plating, et cela détériore la batterie.

Les chercheurs ont donc exploré une alternative. Ils ont repris des molécules de fullerène, aussi connues sous la forme C₆₀, et les ont reliées entre elles avec des atomes de magnésium pour créer une structure nouvelle appelée Mg₄C₆₀. Cette construction n’est plus une simple collection de molécules solitaires, mais un réseau de carbone plus dense et plus connecté, ce qui change profondément la manière dont les ions lithium peuvent y entrer et en sortir.

Avec la structure Mg₄C₆₀, le lithium ne se heurte pas à des transitions de phase brutales comme c’est le cas avec les fullerènes purs. Il s’insère de façon plus douce, ce qui rend le processus de charge moins stressant pour la matière. Quand on teste ces matériaux dans des cellules, les cycles de charge et décharge montrent une capacité à stocker et relâcher l’énergie sans que la structure se désagrège. Cet équilibre tient à la façon dont les atomes de magnésium relient les cages de carbone les unes aux autres, renforçant l’ensemble contre les aléas du fonctionnement.

Ce que les scientifiques observent, c’est que le matériau garde sa forme même après de nombreuses insertions et extractions de lithium. C’est une indication que la batterie pourrait rester performante plus longtemps. En d’autres termes, la matière ne se brise pas, et elle n’abandonne pas d’atomes de carbone au fil des cycles, ce qui est souvent le problème avec des anodes moins stables.

©La plupart des batteries lithium-ion actuelles utilisent du graphite comme matériau d'anode. Le graphite présente des limitations physiques quant à la vitesse à laquelle il peut se charger - ©IM Imagery/ Shutterstock
©La plupart des batteries lithium-ion actuelles utilisent du graphite comme matériau d'anode. Le graphite présente des limitations physiques quant à la vitesse à laquelle il peut se charger - ©IM Imagery/ Shutterstock

Ce que ça signifie pour l’autonomie, la charge et la durée de vie

Quand une batterie accepte plus facilement les ions lithium et qu’elle garde sa structure interne, plusieurs bénéfices apparaissent en même temps. D’un côté, si les ions entrent avec moins de résistance, on peut appliquer un courant plus fort et donc recharger l’appareil plus vite. De l’autre, quand le matériau ne se dégrade pas, la batterie peut encaisser un plus grand nombre de cycles avant de perdre une partie significative de sa capacité.

Dans les simulations et tests de laboratoire, la configuration Mg₄C₆₀ a montré qu’elle peut supporter une énorme quantité d’insertions de lithium sans effondrement interne. On observe aussi une densité d’énergie qui rivalise avec celle du carbone mou traditionnel, ce qui veut dire qu’on pourrait obtenir une autonomie comparable tout en profitant d’un temps de recharge plus court.

Les chercheurs parlent d’une « architecture bidimensionnelle ordonnée » car la matière elle présente une manière de stocker le lithium qui ressemble à celle du carbone mou mais avec plus de régularité et de stabilité. Ce genre de résultat ouvre des pistes sérieuses pour imaginer des batteries de voiture électrique qui combinent des vitesses de charge plus élevées, une grande quantité d’énergie stockée et une longévité accrue.

L’équipe de Tohoku veut étendre cette logique de liaison covalente à d’autres réseaux de carbone et de fullerènes, dans l’idée d’identifier une famille de matériaux encore plus performants. Pour y arriver, il faut travailler avec des partenaires industriels et tester ces matériaux dans de véritables cellules complètes, pas seulement dans des configurations de laboratoire.

Ce passage du prototype à la cellule réelle est souvent le moment où des idées prometteuses se heurtent à des contraintes pratiques. Il faut que la matière soit compatible avec la fabrication à grande échelle, qu’elle supporte les conditions de fonctionnement des véhicules et qu’elle puisse être produite à un coût viable.

Ce type de développement prend du temps. En âge de recherche, une découverte pure peut sembler rapide, mais l’adaptation à l’industrie exige des étapes d’ingénierie, des validations, des tests de sécurité et d’intégration. Il reste encore des obstacles avant que ce matériau soit utilisé dans une voiture sur route, mais le chemin est tracé.