Le roi du silicium n'a jamais été aussi riche, mais il n'a jamais eu autant de migraines face à une industrie qui lui réclame l'impossible. Entre des chaînes de production au bord de l'asphyxie et des aventures américaines qui virent au gouffre financier, le géant taïwanais découvre avec amertume que le monopole a parfois un goût de cendre.

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Tout le monde veut sa puce et TSMC ne sait plus où donner de la tête. Alors que l'intelligence artificielle remplit les carnets de commandes jusqu'à la rupture, l'envers du décor ressemble moins à une salle blanche aseptisée qu'à un chantier chaotique où les nerfs sont à vif. Derrière les graphiques boursiers qui grimpent vers les sommets, la machine à cash commence sérieusement à grincer sous son propre poids.

L'art délicat de dire non à la terre entière

Il faut imaginer la scène dans les bureaux de Hsinchu. Le téléphone sonne sans discontinuer et au bout du fil se trouvent les plus grandes puissances technologiques de la planète qui supplient pour obtenir un créneau de production. La situation est devenue ubuesque puisque la demande réelle dépasse désormais de trois fois ce que les usines sont physiquement capables de gravurer. Le patron de TSMC, C.C. Wei, a même dû avouer l'impensable publiquement : l'entreprise ne peut plus suivre la cadence. Ce n'est plus un carnet de commandes, c'est une liste de vœux pieux qui s'allonge indéfiniment.

Cette popularité écrasante force le fondeur à jouer les arbitres impitoyables. Les clients historiques comme Apple ou NVIDIA passent par l'entrée VIP pendant que les autres doivent patienter dans la salle d'attente, parfois durant plusieurs trimestres. Mais cette position dominante rend paranoïaque. TSMC voit des espions partout et l'affaire récente impliquant Intel ne va pas apaiser ses craintes. Voir un ancien cadre supérieur partir chez l'ennemi américain avec potentiellement quelques secrets de fabrication dans ses valises a provoqué une réaction épidermique. Des perquisitions aux saisies de matériel, la riposte fut brutale. Quand on possède les joyaux de la couronne technologique, on ne laisse personne s'approcher du coffre-fort sans montrer les crocs.

Le rêve américain vire au casse-tête comptable

Si la situation à domicile est tendue, l'escapade américaine en Arizona tourne à la douche froide financière. L'idée de bâtir des usines aux États-Unis semblait séduisante sur les estrades politiques, mais la réalité des bilans comptables est nettement moins glamour. La première unité de production commence à peine à rapporter quelques deniers que la seconde, la fameuse Fab 2, plombe déjà les comptes avant même d'avoir sorti sa première plaque de silicium.

Les chiffres donnent le vertige et pas dans le bon sens. Les bénéfices liés à cette expansion ont fondu comme neige au soleil entre le deuxième et le troisième trimestre 2025, passant de plusieurs milliards à une poignée de millions. C'est le prix exorbitant de l'apprentissage américain. Construire une ligne de production en trois nanomètres outre-Atlantique coûte une fortune et l'entreprise réalise avec douleur que l'électricité, la main-d'œuvre et les matériaux y sont bien plus onéreux que sur son île natale. Cette deuxième usine ne tournera à plein régime qu'en 2027, mais elle agit déjà comme un boulet au pied du géant. TSMC apprend à ses dépens que s'éloigner de sa base arrière pour faire plaisir à l'Oncle Sam est un luxe que même un monopole a du mal à se payer.

Source : WCCFTECH