Les humains sont devenus minoritaires sur leur propre terrain de jeu numérique. Cloudflare vient de publier des statistiques qui feraient pâlir n'importe quel éditeur de contenus.

Voilà une nouvelle qui ne va pas arranger l'humeur des créateurs de contenus. Matthew Prince, le patron de Cloudflare, vient de lâcher une bombe statistique : depuis juillet dernier, son entreprise a bloqué 416 milliards de requêtes provenant de robots d'intelligence artificielle. Ce chiffre colossal illustre une réalité que beaucoup préféraient ignorer : le web n'appartient plus vraiment aux internautes en chair et en os. Les machines ont pris le contrôle, et elles n'ont visiblement pas l'intention de rendre les clés.
Les robots ont gagné la bataille du trafic
Le constat est brutal : selon le rapport 2025 d'Imperva, les robots représentent désormais 51% de tout le trafic internet. Les humains, eux, se contentent du reste. Il y a dix ans à peine, les machines ne pesaient que 27% du gâteau. Que s'est-il passé entre temps ? L'appétit gargantuesque des géants de l'IA pour les données, tout simplement.
OpenAI, Anthropic, Google et consorts ont transformé le web public en garde-manger à ciel ouvert. Leurs robots d'indexation parcourent les sites sans relâche pour nourrir leurs modèles de langage. GPTBot, le robot d'OpenAI, a multiplié sa présence par trois en un an. ClaudeBot d'Anthropic n'est pas en reste. Ces visiteurs mécaniques ne font pas dans la dentelle : ils réclament 2,5 fois plus de données par requête que le bon vieux robot de Google.

Le plus savoureux dans l'affaire ? Ces robots aspirent les contenus mais ne renvoient quasiment personne vers les sites pillés. Cloudflare a calculé ce déséquilibre avec une métrique éloquente : le ratio entre visites du robot et visiteurs humains redirigés. Anthropic affiche un score vertigineux de 70 900 pour 1. Autrement dit, pour 70 900 passages de Claude sur un article, le site source ne reçoit qu'un seul lecteur en retour. OpenAI fait à peine mieux avec des ratios oscillant entre 250 et 1 217 pour 1. Les éditeurs de sites web apprécieront.
L'addition commence à piquer
Cette invasion robotique coûte cher. Le projet Read the Docs a tenté une expérience instructive : en bloquant les robots IA, son trafic a chuté de 75%, passant de 800 à 200 gigaoctets quotidiens. Résultat : 1 500 dollars d'économies mensuelles en bande passante. Multipliez ce chiffre par des milliers de sites, et la facture devient astronomique.
Face à ce pillage organisé, quelques solutions émergent timidement. Cloudflare propose un modèle où les entreprises d'IA paieraient une fraction de centime à chaque visite de leurs robots. D'autres imaginent une rémunération à chaque fois qu'un contenu alimente une réponse générée par l'IA. Reste à convaincre les géants de la technologie d'ouvrir leur portefeuille.
Matthew Prince a choisi l'action unilatérale : depuis juillet, Cloudflare bloque par défaut tous les robots IA sur les sites qu'il protège. Un geste symbolique, certes, puisque l'entreprise ne couvre que 20% du web mondial. Mais le message est clair : les créateurs de contenus possèdent encore quelques cartes à jouer. À condition de les abattre rapidement, avant que le web ne devienne une immense machine à recycler du vide, où les robots ne feront plus que se parler entre eux.
Source : Wired