Sur TikTok, il se faisait appeler DadtheDish. Avec ses recettes de cuisine filmées à la maison et son ton bienveillant, Simon Hannigan incarnait le père de famille cuistot que tout le monde aurait aimé avoir dans son entourage, il rassemblait d'ailleurs plus de 520 000 abonnés.

Une peine de sursis et quelques heures de travaux d'intérêt général, "DadtheDish" s'en sort bien.  © Sharkshock / Shutterstock
Une peine de sursis et quelques heures de travaux d'intérêt général, "DadtheDish" s'en sort bien. © Sharkshock / Shutterstock

Derrière cette image d'influenceur tranquille, le britannique menait un business moins reluisant, mais sans doute plus rémunérateur. Il s'était en effet lancé dans la revente d’abonnements IPTV pirates, ces offres illégales qui permettent d’accéder à des milliers de chaînes payantes à prix cassé.

Quand les influenceurs franchissent la ligne

L’affaire a commencé par une enquête menée par Sky, décidée à frapper fort contre les revendeurs d’IPTV afin de protéger ses droits. Le géant britannique des télécoms a fini par remonter jusqu’à Hannigan, dont plusieurs groupes Facebook servaient de vitrines pour ses offres illégales : 3 500 chaînes, dont celles de Sky, pour 28 £ les six mois ou 50 £ l’année. L’influenceur utilisait une application Android et faisait passer les paiements pour de simples "publicités sponsorisées".

Entre 2019 et 2022, l’opération aurait ainsi généré plus de 150 000 £ de revenus. "Business is booming", se vantait-il dans des messages privés. Pour un influenceur déjà habitué à monétiser sa notoriété, le passage à l’économie parallèle semblait presque naturel.

Sky voulait en faire un exemple, la justice a tempéré

Arrêté en mars 2022, Hannigan a reconnu les faits, tout en affirmant n’avoir été qu’un "revendeur secondaire" d’un réseau européen desservant jusqu’à 50 millions d’utilisateurs. Le tribunal de Preston l’a condamné à deux ans de prison avec sursis et 250 heures de travail d’intérêt général. Une peine légère au regard des profits générés selon le point de vue des ayant-droits, mais aussi une occasion ratée pour Sky de faire de ce cas un exemple dissuasif.

L’entreprise, pourtant à l’origine de l’enquête, n’a fait aucun commentaire après le verdict. Un silence inhabituel, qui en dit long sur la déception d’un diffuseur habitué à des sanctions plus lourdes. Même les autorités locales ont gardé le silence, comme si cette victoire judiciaire avait perdu tout son effet dissuasif.

Une visibilité qui ouvre la voie à des revenus faciles

L’affaire Hannigan met en lumière un phénomène plus large, celui d'une véritable industrie spécialisée dans le piratage de flux télévisés. Toujours plus organisée, rentable et banalisée, elle s'appuie sur des milliers de vendeurs (souvent invisibles) qui distribuent des abonnements illégaux via Telegram, Discord ou Facebook. Les utilisateurs, de leur côté, profitent d’un accès complet à la Premier League, à Netflix ou à Sky Sports pour une fraction du prix.

Et désormais, ce ne sont plus seulement les "geeks" ou les petits revendeurs qui s’y risquent. L’IPTV attire aussi des créateurs de contenu en quête de revenus rapides, parfois inconscients du risque juridique. En se servant de leur visibilité pour écouler ces offres, ils brouillent la frontière entre monétisation légitime et activité frauduleuse, comme d'autres affaires l'ont déjà prouvé. Fraudes, escroqueries, publicités mensongères, arnaques aux cryptomonnaies et autres reventes illégales et contrefaçons sont presque devenues monnaie courante dans ce milieu.

Simon Hannigan, lui, promet aujourd’hui de "travailler avec Sky News et le British Copyright Council" pour sensibiliser le public…

Source : Torrent Freak