Dans la foulée de sa sanction par l'Autorité de la concurrence jeudi, Doctolib contre-attaque. La plateforme annonce faire appel et conteste point par point la décision ayant abouti à une amende de près de 5 millions d'euros.

Doctolib fait appel de la décision de l'Autorité de la concurrence, qu'elle déplore. © Alexandre Boero / Clubic
Doctolib fait appel de la décision de l'Autorité de la concurrence, qu'elle déplore. © Alexandre Boero / Clubic

Doctolib n'a pas tardé à réagir. Quelques dizaines de minutes seulement après la sanction annoncée ce jeudi 6 novembre 2025, le service de prise de rendez-vous médicaux en ligne a publié un communiqué pour le moins offensif, qui démonte les accusations de l'Autorité de la concurrence presque une à une. Qu'il s'agisse de l'abus de position dominante, d'un rachat anticoncurrentiel ou de clauses d'exclusivité illégales, l'entreprise rejette ce que lui reproche l'institution. Entre la version livrée par l'enquête de l'Autorité et celle défendue par Doctolib, vous allez voir que le fossé est abyssal.

Doctolib rejette totalement les accusations de position dominante

Sur le fond, Doctolib attaque frontalement la notion même de position dominante. Là où les enquêteurs ont calculé des parts de marché oscillant entre 50% et 90% dans certains segments depuis 2017, la plateforme avance des chiffres bien plus modestes. Elle revendique couvrir à peine un tiers des professionnels de santé français, contre un sur dix lors du dépôt de plainte en 2019.

L'entreprise va même plus loin dans sa défense. Elle affirme être bien plus petite que les mastodontes européens du logiciel médical, trois fois moins importante qu'eux. Son seul tort ? Avoir bousculé un marché installé depuis trois décennies. « Nous avons bousculé un marché endormi et verrouillé depuis 30 ans », dit précisément Doctolib. Sa position est simple : comment pourrait-elle abuser d'une position dominante qu'elle ne possède même pas ?

Quant au rachat de MonDocteur en 2018, pointé du doigt comme une acquisition faite dans le but de tuer un concurrent potentiel, Doctolib le réduit à une simple opération de croissance externe. MonDocteur était, à ses yeux, une toute petite start-up touchant à peine 2% des praticiens à l'époque. Pourtant, les documents internes dévoilés lors de l'enquête évoquaient MonDoctor comme le « concurrent #1 », avec un objectif semble-t-il assumé de tuer le produit dans l'œuf.

Deux versions irréconciliables d'une même histoire

Le problème, c'est que ce récit se fracasse contre les preuves accumulées par l'Autorité de la concurrence. Les perquisitions de 2021 ont exhumé des notes internes sans ambiguïté. On y lit la volonté stratégique de devenir l'interface incontournable entre médecins et patients, ou encore l'ambition de ne céder aucun cabinet aux concurrents. Difficile, du point de vue de l'institution, d'y voir de l'innovation bienveillante.

Sur les fameuses clauses d'exclusivité, la dissonance est encore très forte. Doctolib les présente comme un vieux souvenir datant des débuts de l'entreprise, simplement destiné à éviter les dérives. Sauf que l'enquête démontre leur maintien actif jusqu'en septembre 2023, malgré les alertes répétées de la direction juridique interne qui martelait leur illégalité. Le président aurait même refusé de les supprimer pour des raisons purement tactiques.

Le dernier point de friction concerne l'obligation faite aux médecins de s'abonner au service de prise de rendez-vous pour accéder à la téléconsultation. L'Autorité y voit une vente forcée, Doctolib invoque une nécessité technique. Selon l'entreprise, il était impossible de séparer les deux services sans casser l'accès au dossier médical et à la gestion des ordonnances. Alors face à ces versions contradictoires, ce sera désormais à la justice de trancher. Le dossier est loin d'être refermé.