Le projet de loi anti-fraude du gouvernement prévoit le croisement massif des données fiscales et sociales. Parmi les mesures envisagées, la géolocalisation des taxis, avec GPS obligatoire, des contrôles sous fausse identité en ligne, et le partage automatisé des données fiscales.

Les 20 milliards d'euros de fraudes publiques détectées l'an dernier ont laissé des traces. Le gouvernement a donc déposé, le 14 octobre 2025, un projet de loi à l'Assemblée nationale qui mise en bonne partie sur la technologie pour traquer les fraudeurs. L'interconnexion des bases de données, la traçabilité GPS obligatoire et les infiltrations en ligne dans les organismes de formation sont autant de moyens de contrôle proposés. Décryptage des principales mesures qui vont transformer la lutte contre les fraudes fiscales et sociales.
Des bases de données qui vont enfin se parler
Avec un montant des fraudes détectées qui est passé de 9 milliards d'euros en 2020 à 20 milliards en 2024, l'urgence est là. Le texte du gouvernement décloisonne donc les échanges d'informations entre les administrations. Concrètement, les organismes de sécurité sociale pourront désormais accéder directement aux fichiers du fisc. Cela comprend les déclarations fiscales, transactions immobilières, et contrats d'assurance-vie et de capitalisation. Fini donc, sur le papier, les demandes au cas par cas, puisque l'accès deviendrait automatique pour les agents habilités.
L'interconnexion concerne aussi les mutuelles santé complémentaires. Elles pourront échanger des informations avec la Caisse nationale d'assurance maladie pour mieux détecter les fraudes dans les secteurs dentaire, optique et de l'audiologie. Le projet encadre strictement ces échanges. Les données doivent être stockées exclusivement dans l'Espace économique européen, à l'abri d'accès non autorisés par des autorités étrangères.
Du côté de l'autonomie, les maisons départementales des personnes handicapées entreront également dans la boucle des échanges d'informations sur les fraudes sociales. L'objectif est de repérer plus facilement les incohérences entre différents fichiers administratifs, un travail jusqu'ici laborieux qui nécessitait des procédures longues. Mais les choses vont, vous allez le voir, beaucoup plus loin encore.
Taxis et ambulances sous surveillance GPS en 2027
À partir du 1er janvier 2027 au plus tard, si la loi venait à être adoptée évidemment, tous les véhicules de transport sanitaire et taxis conventionnés devront embarquer deux équipements : un système de géolocalisation certifié par l'assurance maladie et un logiciel de facturation électronique intégré. Cette obligation a pour but d'éliminer les surfacturations de kilomètres qui grèvent les comptes de la Sécurité sociale.
Le principe est simple, chaque trajet sera tracé par GPS et automatiquement corrélé à la facture émise. Les contrôleurs pourront croiser ces données pour identifier les anomalies tels que les kilomètres facturés mais non parcourus, les trajets fantômes, ou les multiplications suspectes de courses. La certification par l'assurance maladie garantit que les systèmes ne pourront pas être trafiqués.
Pour les plateformes de VTC, les obligations se renforcent aussi. Elles devront vérifier que les chauffeurs qu'elles mettent en relation avec des passagers ne pratiquent pas de travail dissimulé. En cas de manquement, l'amende pourra atteindre 150 euros par mise en relation frauduleuse, avec un plafond assez dissuasif de 150 000 euros par an, porté à 300 000 euros en cas de récidive.

Les contrôleurs s'infiltreront sous fausse identité dans les formations en ligne
Les contrôleurs de la formation professionnelle obtiennent un nouveau pouvoir dans le texte. Ils pourront utiliser une fausse identité pour s'inscrire en ligne auprès d'organismes suspects. Cette technique d'infiltration numérique leur permettra de vérifier de l'intérieur si le contenu des formations correspond réellement à l'offre commerciale, souvent trompeuse.
Le fameux CPF, le Compte Personnel de Formation, fait lui aussi l'objet d'une vigilance accrue, lui qui est l'un des instruments favoris des arnaqueurs. Les organismes certificateurs devront transmettre au système informatique du CPF des données détaillées, à savoir l'identité complète des personnes inscrites aux sessions d'examen (dont leur numéro de Sécurité sociale), la présence effective aux épreuves, et l'obtention des certifications. Cette traçabilité complète doit aider à détecter les formations bidons qui émettent des attestations sans examen réel.
Nouveauté importante, les titulaires du CPF devront obligatoirement se présenter aux examens. En cas d'absence injustifiée, la formation ne sera pas prise en charge. Et si des manœuvres frauduleuses sont détectées, la Caisse des dépôts et consignations pourra émettre une contrainte de remboursement, équivalant à un jugement en cas de non-contestation. Vous le voyez, la loi proposée par le gouvernement Lecornu II promet de taper fort.