Ils parlent avec aplomb, synthétisent en un clin d’œil et conseillent comme des vendeurs zélés. Pourtant, derrière leur verbe policé, les assistants conversationnels n’ont rien d’un arbitre neutre du bon achat.

Leur confiance inspire, mais leurs réponses reflètent des choix de sources, des objectifs économiques et des réglages algorithmiques bien concrets. Les modèles de langage s’appuient sur des corpus où fiches produits, avis clients et contenus marketing occupent une place de choix. Et plus ces compagnons se rapprochent de l’acte d’achat, plus la frontière entre conseil et intention commerciale devient ténue.
Ce qui biaise vraiment
Le premier problème de ces assistants, c'est leur régime alimentaire. Pour formuler une recommandation, un grand modèle de langage a besoin de s'abreuver de données. Or, il est bien plus simple et économique de lui faire ingérer des milliers de fiches produits et d'argumentaires marketing que des tests comparatifs indépendants réalisés par des journalistes. Le résultat ? L'IA devient un expert... en communication de marque.
C'est un peu comme demander des conseils nutritionnels à quelqu'un qui ne lit que des emballages de sucreries. Ses réponses seront parfaitement logiques et structurées, mais basées sur des informations fondamentalement orientées. Cette opacité sur les sources est un vrai souci, car elle empêche l'utilisateur de démêler le vrai conseil du placement de produit déguisé. Les éditeurs de presse accusent déjà les géants de la tech d'utiliser leur robot d'indexation pour piller leurs contenus au profit de leurs propres services d'IA. La valeur ajoutée des analyses critiques se retrouve diluée dans une bouillie informationnelle où tout se vaut.
Quand l’assistant devient marchand
Le second biais est économique. Quand un assistant virtuel est intégré à une plateforme marchande, comme Rufus chez Amazon, son but n'est pas seulement de vous informer, mais de vous faire acheter. Surprise : il aura une fâcheuse tendance à privilégier les produits vendus sur sa propre plateforme, voire ses marques maison. La frontière entre le conseil, la publicité et le produit « sponsorisé » devient alors particulièrement floue.
Alors que des outils comme ChatGPT s'apprêtent eux aussi à pouvoir faire du magasinage pour vous, le risque est de voir se multiplier ces parcours d'achat ultra-simplifiés où le consommateur perd toute capacité de recul. On entre dans une ère « post-SEO », où l'objectif n'est plus d'apparaître dans les liens de recherche, mais d'être la réponse finale fournie par l'IA, coupant l'herbe sous le pied des comparateurs indépendants.
Face à cette tendance, les régulateurs commencent à hausser le ton, notamment la FTC américaine qui s'attaque aux faux avis et aux promotions masquées. Mais pour le consommateur, la meilleure défense reste la vigilance. Un conseil : avant de cliquer sur « acheter » sur la foi d'un agent conversationnel, une petite vérification auprès de sources fiables et indépendantes ne fait jamais de mal. Après tout, un ami qui vous veut du bien ne devrait pas avoir de secrets pour vous.
Source : ZDNET