Amazon Kuiper, l'internet par satellite du géant du e-commerce, vient de recevoir le feu vert de l'ARCEP, l'autorité française des télécoms. L'entreprise décroche des fréquences pour les dix prochaines années.

C'est désormais officiel : Amazon peut déployer sa constellation de satellites Kuiper en France. L'ARCEP, l'autorité de régulation des télécommunications, avait déjà tranché il y a quelques mois, en accordant les fréquences demandées pour dix ans. Mais elle a laissé le temps aux concurrents désignés de s'exprimer. Certains, comme Eutelsat et Viasat, étaient opposés à la décision du régulateur. Mais Amazon pourra bien s'ériger en alternative face à Starlink, et fournir des communications par satellite en France, pour le grand public notamment.
Amazon Kuiper divise l'industrie spatiale française et européenne
Amazon ne s'attendait peut-être pas à autant de résistance pour son projet de constellation Internet. Le géant américain voulait obtenir les fréquences nécessaires pour connecter les zones blanches françaises, grâce à sa constellation de plus de 3 000 satellites en orbite basse. Le projet ambitieux est porté par la société Amazon Kuiper Services Europe SARL, une filiale donc du mastodonte américain, qui divise le secteur spatial européen.
Car derrière les promesses de connectivité universelle se cachent, vous vous en doutez, de gros enjeux économiques. Arianespace, qui a décroché 18 lancements avec Kuiper, défend naturellement son client. « Sur les 10,3 milliards d'euros investis dans le projet Kuiper, environ 2,6 milliards seront directement injectés dans le secteur spatial européen », plaide l'opérateur de lancement.
Chez Eutelsat et Viasat, le discours n'est évidemment pas le même. « Eutelsat Group n'a reçu aucune proposition de la société Amazon Kuiper pour protéger ses stations terriennes », dénonce le premier. L'opérateur français craint des interférences avec ses satellites géostationnaires déjà en service. Viasat va plus loin en présentant des calculs montrant que les limites d'interférences seraient dépassées à Lyon. Ce dernier regrette aussi l'absence d'analyse technique préalable par l'ARCEP.
L'ARCEP autorise Amazon Kuiper, non sans surveillance
Certains diront que l'ARCEP aurait pu temporiser. Mais l'autorité française a préféré accorder les fréquences demandées pour dix ans, tout en posant ses conditions. Amazon devra « interrompre immédiatement toute activité liée à l'utilisation de ces fréquences si des brouillages étaient constatés », précise la décision.
Cette autorisation « sans garantie de non brouillage et avec une obligation de non-interférence » est vue comme un pari sur l'innovation. L'ARCEP mise sur les mécanismes de surveillance plutôt que sur l'excès de précaution, pour dynamiser ainsi la concurrence dans le secteur satellitaire français. L'objectif est d'offrir plus de choix aux consommateurs face à Starlink, déjà autorisé en France. Une approche qui pourrait profiter aux consommateurs, mais qui laisse certaines interrogations techniques en suspens. Reste à voir si la coexistence entre tous ces systèmes satellitaires se déroulera sans accrocs.
L'association AVICCA se dit, elle, favorable à cette « composante du mix technologique », mais rappelle néanmoins que « le raccordement à la fibre doit demeurer la norme » pour le pays. Elle s'interroge aussi sur « les enjeux de souveraineté et de cybersécurité » liés aux « opérateurs non-européens ». Un débat qui ne fait que commencer.
Pour les Français, ce feu vert signifie donc l'arrivée d'une alternative à Starlink, peut-être dès les prochains mois, avec la promesse d'une connectivité haut débit, même dans les zones les plus isolées.