15 ans d'actu high tech en mode troll

Stéphane Ruscher
Spécialiste informatique
22 mai 2015 à 17h22
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Il s'en passe des choses en 15 ans de high tech, et pas que des agréables. Les évolutions techniques sont pavées de bugs, de problèmes de sécurité, de mises à jour ratées, de querelles plus ou moins stériles (on ne vous avait pas attendu pour ça avec nos Atari ST et Amiga d'ailleurs). Aussi, comme on a déjà eu maintes occasion de revenir sur les faits marquants de ces 15 dernières années, voici un petit tour trollesque de cette décennie et demie, à lire sans trop se prendre au sérieux !

Windows Me : le bug de l'an 2000

Et ça tombe bien, car Clubic est né la même année que Windows Me. La même année que Windows 2000 aussi, mais celui là c'était pour les pros. Nous, sur nos portables gros comme des camions et sur les tours HP de nos parents, on a dû mener un rude combat contre cette chose étrange sortie à l'aube du nouveau millénaire, alors qu'on pensait échapper une fois pour toutes à Windows 9x.

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La pire version du logiciel préféré au monde

Pas de bol, il aura fallu supporter Windows Me qui, quelque part, inaugure officiellement le motif de la décennie : « une version de Windows réussie, une version ratée ». Windows Millenium Edition - on aurait dû se méfier avec un nom pareil, pourtant - part d'une bonne intention : intégrer dans le successeur de Windows 98 quelques innovations de la branche NT. Et à vrai dire, on est franchement ingrat avec Me, qui a tout de même apporté plusieurs nouveautés majeures comme les points de récupération.

Disons juste que ça passerait mieux si l'édition du millénaire n'était pas atteinte d'un étrange mal qui provoquait des BSOD à répétition, parfois sans rien faire. Je vous jure : il m'est arrivé d'utiliser le HP Pavillon familial, lancer Windows, attendre 5 minutes et PAF ! Écran bleu, sans rien faire, sans rien exécuter ! Heureusement, Windows XP allait inverser la tendance...

P2P : fans de musique vs artistes pas contents

C'est qu'en 2000, alors qu'on roulait encore avec nos forfaits AOL illimités (voir plus bas), fallait pas qu'un BSOD pointe le bout de son nez alors qu'on était en train de télécharger nos copies de sauvegarde de la discographie de Metallica sur Napster, le premier service de téléchargement en P2P.

Vous n'avez peut-être pas connu Napster au moment où c'était génial, et vous ne savez pas ce que ça fait de voir apparaître une application qui fait absolument tout ce dont rêve un fan de musique, qui n'a qu'à saisir un artiste ou un album, pour télécharger l'oeuvre au format MP3, qui commence alors à s'imposer, sans avoir à faire le moindre effort.

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Temps estimé : 5 jours

Bien évidemment, un truc aussi bien fait, convivial, rapide et au catalogue exhaustif (on y trouve tout ce que les utilisateurs viennent y mettre), ça ne peut pas plaire aux majors du disque, qui aiment les services compliqués, avec plein de restrictions, des tarifs prohibitifs et un catalogue limité aux deux ou trois morceaux que l'artiste veut bien consentir, dans sa grande mansuétude, à balancer à la foule.

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"Je t'ai vu télécharger And Justice For All !"

Lars Ulrich, le batteur de Metallica est de ces artistes ronchons, qui va influer sur une première moitié de décennie absolument horrible, pleine de DRM, de protections sur les CD Audio empêchant leur lecture sur les autoradios, de campagnes hypocrites, de services légaux complètement tordus. On a fini par en sortir, mais douloureusement. Et si 15 ans après, l'offre musicale s'est considérablement améliorée, c'est le cinéma qui a pris le relai.

Antivirus : LA BASE DES SIGNATURES DE VIRUS A ETE MISE A JOUR !!!!!!!!!!!!!!!

Au cours de ces 15 ans écoulés, trois sons vous ont potentiellement rendu dingue, quand vous pensiez naïvement, à 23h30, avoir baissé le volume de votre kit d'enceintes. Le démarrage de Windows XP, le type d'AOL (quoique ça, c'est plutôt l'ordi de vos parents), et la charmante hôtesse de Avast qui vous indique que, oui, cette fichue base des signatures de virus a bien été mise à jour.

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On ne dirait pas comme ça, mais c'était un antivirus

Parce que le début des années 2000, c'est aussi à cette époque qu'on commence à avoir un peu besoin d'installer un antivirus sur son PC. Avant, on était à la cool, genre « non, mais moi je fais gaffe à ce que je télécharge ». Malgré leurs défauts de jeunesse, les antivirus gratuits comme Avast ou Antivir apportent une bouffée d'air frais. La plupart de leurs gros concurrents payants, Symantec en tête, n'ont pas encore compris qu'imposer l'utilisation d'une usine à gaz impossible à désinstaller, qui transforme le PC le plus rapide en un veau, et qui fait passer Clippy pour un timide qui n'ose pas trop vous déranger, ça n'est pas le meilleur moyen de donner envie de protéger son PC.

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On ne dirait pas comme ça, mais c'était un boulet

Donc, à côté de ça, Avast, son tableau de bord d'autoradio futuriste et son assistante un peu trop au fait des mises à jour de la base VPS, est un moindre mal ! Et pressés par cette concurrence, les « géants » ont su, pour la plupart, réagir : même Symantec a compris en 2008 que Norton Antivirus était devenu insupportable, avec une refonte complète du logiciel. Aujourd'hui, Windows est devenu plus sûr, mais on gagne toujours à se protéger contre ces saletés... Mais l'hôtesse, que l'on peut d'ailleurs désactiver, est toujours là !

Firefox vs Internet Explorer (et Opera !)

On est en 2004, et utiliser Internet Explorer 6, en fait, ça n'est plus possible. On a aimé Internet Explorer, quand c'était vraiment bien, quand c'était même meilleur que Netscape, et puis il n'y avait plus que lui qui comptait pour les web designers, alors on s'était résigné. On appréciait beaucoup Mozilla et Opera pour toutes les innovations qu'ils apportaient, mais il fallait, trop souvent, choisir entre un navigateur aux fonctionnalités innovantes et se retrouver avec des sites mal mis en page, voire carrément incompatibles.

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IE6 : à un moment, ça n'était plus possible

En 2004, donc, la donne change : notamment en raison de ses multiples problèmes de sécurité, et puis aussi parce qu'il commence à sacrément vieillir, Internet Explorer n'a besoin que d'un concurrent suffisamment fort, novateur, léger, sécurisé et compatible avec des standards modernes pour entamer une lente chute. Ce concurrent, c'est Opera. Ah non, c'est Mozilla Firefox, une version allégée du dinosaure un peu lourdaud Mozilla, c'est à dire expurgé de son client mail et de son éditeur de pages web, hérités de Netscape Communicator. Et petit à petit, le renard de feu prend des parts de marché au géant IE, surtout en Europe, grâce à sa simplicité, mais aussi à ses possibilités d'extensions assez inédites à l'époque. Progressivement, il va également prendre du poids, trainant une mauvaise réputation d'aspirateur de mémoire vive.

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Mozilla Firefox : C'est un panda roux ! Non, un renard de feu !

Mais les vrais, ceux qui savent, utilisent Opera, le navigateur norvégien tragiquement abonné aux parts de marché à 1 chiffre ; « tragiquement » parce que malgré une certaine complexité de l'interface à ses débuts, Opera est à l'origine de nombre d'innovations, à commencer par les onglets qu'il avait adoptés longtemps avant Mozilla (et ne parlons pas de IE !), un moteur en avance sur le support du web sémantique et des standards « modernes » (ceux qu'on balaie encore d'un revers dédaigneux en 2004), et toutes ces fonctionnalités originales, parfois même bizarres.

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Opera : l'éternel outsider

Citons notamment Opera Unite qui le transforme en serveur, le speed dial qu'on a fini par voir sur tous les navigateurs, les CSS alternatives pour l'accessibilité ou le fun (souvenez-vous : le mode Commodore 64 !)... Malheureusement, Opera n'a jamais décollé, et s'est fait voler sa place d'outsider par Google Chrome, avant de baisser les bras et de se métamorphoser justement en fork de Chromium.

Impossible de ne pas avoir non plus de pensée émue pour les Maxthon, Avant Browser, Flock, Rockmelt... Et pour la version malheureuse de Safari pour Windows. C'était sympa d'essayer !

iTunes : L'application Windows la plus lourde de tous les temps

Un peu plus tôt, en 2003, il gèle en enfer avec la sortie de la version Windows de iTunes, autoproclamée « meilleure application Windows de tous les temps ». Le lecteur audio d'Apple, et son iTunes Music Store qui ne vend pas encore de la vidéo, font défaut aux utilisateurs de PC. L'iPod, au grand dam de Steve Jobs, est compatible Windows, mais nécessite de passer par le redoutable Musicmatch Jukebox pour le synchroniser, et pour ceux qui ont connu cette usine à gaz, que Jobs décrivait comme « le meilleur qu'on ait trouvé », vous comprendrez pourquoi on a gagné au change !

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iTunes : au début, c'était bien. Au début.

Le problème, c'est que iTunes va lui aussi produire beaucoup de gaz, à mesure qu'il accueille de nouvelles fonctionnalités : lecture vidéo, synchronisation des contacts, des photos... iTunes porte tellement cette réputation de logiciel boulet qu'on est obligé d'installer, qu'il continue à en souffrir, alors qu'il est possible de s'en passer presque intégralement.

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Foobar2000 : ça ne paye pas de mine, mais ça sonne !

En face, les l33t, les utilisateurs d'Opera, lui préfèrent un bon vieux Winamp (mais 2.x uniquement, hein !) ou Foobar2000, un lecteur audio très performant, mais à l'interface effrayante tant elle est rudimentaire même si « un lecteur audio c'est pas fait pour être joli, d'ailleurs en installant 50 plugins il devient tout à fait utilisable ». Ou aujourd'hui, un Clementine Player !

Windows Vista : Gotta get me some !

On a parlé de Windows Me, on n'a pas mentionné Windows XP, puisque XP malgré de gros problèmes de sécurité, c'était drôlement bien. Et c'était tellement bien que Microsoft va mettre longtemps à lui trouver un successeur, en revoyant largement ses ambitions à la baisse en cours de route. Et quand, en 2006, Windows Vista voit finalement le jour, ça n'est pas vraiment le système en lui-même qui est raté, c'est son adéquation avec les PC de l'époque, et le retard à l'allumage des constructeurs qui pèchent.

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Windows Vista : la boite était bien !

Vista, avec sa belle interface Aero, qui transforme les fenêtres en panneaux de verre, son indexation des fichiers locaux, ou son nouveau noyau, est trop lourd pour les PC existants, et les incompatibilités encore nombreuses à sa sortie. Il n'en faut pas plus pour créer une mauvaise réputation, d'autant plus que la vague des netbooks, trop peu puissants pour l'accueillir, rallonge la durée de vie de Windows XP. Comme souvent, Microsoft va corriger le tir, avec Windows 7, avant de diviser à nouveau les utilisateurs avec Windows 8.


OUR ECOSYSTEM ROOOOCKS !

Mais s'il fallait retenir une seule chose de Windows Vista, c'est cette perle de communication interne, une magnifique reprise de Bruce Springsteen destinée à booster les commerciaux de Microsoft en leur fournissant des arguments-massue pour séduire les entreprises avec le Service Pack 1, censé corriger les défauts de jeunesse du système. Mention spéciale pour Bitlocker, un super héros trop fort pour intégrer les Avengers.

iPod, iPhone, iPad : Ceci est un retournement de veste

En 15 ans, Apple est passé du statut d'entreprise cherchant son second souffle à celui de géant dont les réserves en cash pourraient racheter des pays entiers. Et une constante : le reality distorsion field de feu Steve Jobs, capable de tordre la réalité selon ses désirs, et d'annoncer, d'une année sur l'autre, tout et son contraire. Morceaux choisis :

En 2004, Jobs critique ouvertement sur scène les baladeurs vidéo. La vidéo, ça ne sert à rien, l'avenir, ce sont les photos, et les concurrents ne font que « creuser au mauvais endroit ». En 2005, Apple lance un iPod permettant de lire des vidéos. Un peu plus tôt dans l'année, il avait réussi à faire passer l'absence d'écran de l'iPod Shuffle pour une feature : il n'y a pas d'écran, l'utilisateur peut se laisser porter par le mode aléatoire !

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La vidéo sur les iPod ? JAMAIS !

En 2010, l'iPad sort et révolutionne le marché des tablettes, suivi un an plus tard de l'iPad 2, beaucoup plus fin et léger. L'iPad 3 est plus lourd et épais que le 2. En 2013, TADAAA, sort l'iPad Air : plus fin et plus léger.

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"Voici l'iPad ! L'an prochain, il sera plus fin. Et l'année d'après, plus épais !"

Car l'esprit survit au cofondateur d'Apple : Jobs avait déclaré que les tablettes de moins de 10 pouces n'avaient aucun avenir... Avant de donner son feu vert à l'iPad Mini qui sortira finalement en 2012. Et que dire du discours marketing autour de l'écran 4 pouces de l'iPhone 5, la taille idéale pour la main, jusqu'à ce que les iPhone 6 et 6 Plus ne viennent prouver le contraire ? Les grands principes, c'est bien... Les ventes en Chine, c'est mieux !

Intel ViiV vs AMD Live ! : la guerre du PC certifié multimédia

Tout au long de ces 15 dernières années, Intel et AMD se sont livré une concurrence acharnée pour équiper nos PC. Mais de toutes ces batailles mémorables, aucune n'est semblable au combat Intel ViiV vs AMD Live !, qui ne laissera absolument aucun souvenir.

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AMD Live ! Mais LIVE, quoi !

Nous sommes en 2006 et le PC Media Center, qui permet de regarder et enregistrer la TV, de consommer du divertissement numérique et de se piloter avec une télécommande est encore une grande idée. Microsoft s'apprête à promouvoir Windows Media Center dans Windows Vista, la Xbox 360 peut faire office de Media Center Extender, bref c'est l'Avenir !

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Avouez que ce sticker vendait du rêve !

Il n'en faut pas plus pour que AMD et Intel lancent chacun leur certification « PC multimédia du futur qui va bien », AMD Live ! (avec un point d'exclamation genre on y croit à mort, et non ça ne sonne pas du tout comme Viiv), et Intel... Viiv. Oui, Viiv, comme dans « on a mis deux i parce que c'était cool, et non ça ne sonne pas du tout comme Live ». Acheter un PC certifié Live! ou Viiv, c'est s'assurer que ses spécifications techniques correspondent bien à un usage multimédia/media center. Le truc, c'est qu'il y avait déjà des spécifications précises pour vendre un PC avec Windows Media Center, mais l'intention était là.

Bien évidemment, 5 ans plus tard, Microsoft enfouira Media Center dans les tréfonds de Windows 8, avant de l'abandonner complètement dans Windows 10. Triste.

Et dans 15 ans ?

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Ainsi s'achève cette petite rétrospective. On aurait sans doute pu en trouver encore des dizaines d'autres, et l'avenir nous réserve certainement encore de quoi troller dans les 15 ans à venir. Apple sortira-t-elle une Watch capable de lire de la vidéo ?

Microsoft va-t-il conjurer son cycle Un Windows bien, un Windows raté en mettant purement et simplement fin aux mises à jour majeures de son OS ? AMD et Intel nous inventeront-ils d'autres certifications à coller sur nos PC ? La base de virus va-t-elle ENFIN être mise à jour pour de bon ? Rendez-vous en 2030 !
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