Blu-ray Pure Audio : on a essayé pour vous

27 mai 2013 à 17h39
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Annoncé dans la matinée du 14 mai par Universal Music France, le Blu-ray Pure Audio a surpris les foules et laissé flotter une brise de perplexité. L'idée que Pascal Nègre, président du label, défend avec ce nouveau support physique est louable : proposer la meilleure qualité de son possible pour les mélomanes les plus pointilleux. Mais entre le concept et la réalisation, il y a parfois un monde. Pour nous faire une idée concrète du potentiel du Blu-ray Pure Audio, nous nous sommes procuré l'Histoire de Melody Nelson, par Serge Gainsbourg. Le seul Blu-ray Pure Audio de l'offre actuelle qui contienne un mixage en 5.1.

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Sortir un nouveau support audio physique est un pari osé, à une époque où le dématérialisé règne (iTunes, Google, Amazon, Spotify, Deezer, Qobuz, etc.) et le CD souffre (baisse de 58,7% des ventes depuis 2004, d'après les chiffres du SNEP). À l'annonce du Blu-ray Pure Audio, nous n'avons pas pu nous empêcher de repenser au DVD Audio, enterré rapidement, et au SACD, qui végète depuis sa création. Deux supports pourtant prometteurs sur le papier. Qu'importe, les Blu-ray Pure Audio débarquent bel et bien, notamment à la Fnac où 36 albums pour l'heure sont disponibles. Notez que la France a été choisie comme pays test pour le Blu-ray Pure Audio. Courant septembre, le format devrait gagner le reste de l'Europe, tandis qu'une vingtaine d'autres albums viendront s'ajouter à la liste actuelle.

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Un constat, un postulat

Le constat que fait la major est le suivant : les vinyles redeviennent à la mode (notamment pour la fidélité analogique qu'eux seuls peuvent procurer) tandis que le marché du casque continue de croître en tendant vers davantage de qualité. Le postulat qui en découle semble logique : il y a de la place pour un nouveau format haut de gamme, en numérique. Et le Pure Audio, fort de son support Blu-ray lisible par toute platine déjà existante, permet le stockage de sons numériques pas ou finement compressés. Le cheminement part du master original (enregistrement studio sur bande), qui est numérisé avec un échantillonnage élevé de 96 kHz sur 24 bits, pour arriver à des flux en PCM (non compressés), ou compressés sans perte en Dolby TrueHD ou DTS-HD Master Audio. Sur les 36 albums de l'offre actuelle, seule l'Histoire de Melody Nelson propose du son multi-canal en 5.1. Les autres sont tous en stéréo classique. Normal après tout, les artistes en studio enregistrent leur musique sur deux canaux, sauf exceptions. Pour notre album de Serge Gainsbourg, nous avons le choix entre les pistes suivantes :

  • son stéréo en PCM, 96 kHz / 24 bits ;
  • son stéréo DTS-HD Master Audio, 96 kHz / 24 bits ;
  • son 5.1 PCM, 96 kHz / 24 bits ;
  • son 5.1 DTS-HD Master Audio, 96 kHz / 24 bits.

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Notez que le Blu-ray renferme le mixage original de l'album mais aussi les prises alternatives (en stéréo uniquement), déjà sorties sur certaines éditons CD par le passé.

Le produit Blu-ray Pure Audio, déballage

Pour vingt euros tout ronds, l'acheteur acquiert... une boîte de Blu-ray standard. À ce stade, nos pensées vont aux vinyles pris en exemple par Universal Music France et une première observation s'impose : aucun effort n'a été fait sur le packaging. Ce qui plait dans le vinyle, c'est évidemment le son analogique, mais aussi l'objet, parfois aussi artistique que l'œuvre qu'il matérialise dans ses sillons. Même le digipack CD (avec un DVD en prime !) est plus élégant que la boîte en plastique dont on hérite avec ce Blu-ray Pure Audio...

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En haut, le Blu-ray Pure Audio, en bas le CD édition digipack déployé


Bon point en revanche, Universal Music propose un code permettant de télécharger l'album, en MP3 (320 kbps) et FLAC. Il suffit d'aller sur le site www.hifipureaudio.com, de rentrer son code, de saisir un email pour recevoir le lien de téléchargement du format souhaité. Chaque format peut être téléchargé deux fois. On se demande juste pourquoi exiger une adresse email, sauf à prendre un contact pour envoyer d'ultérieures informations et offres promotionnelles, puisque les fichiers ne comportent aucune données personnelles dans les tags.

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Par ailleurs, alors que Universal Music précise que les FLAC sont limités à un échantillonnage de qualité CD (44,1 kHz / 16 bits), nos FLAC de Melody Nelson sont identiques aux masters originaux, en 96 kHz sur 24 bits ! Nous avons vérifié en comparant la première piste, Melody, avec le Studio Master de Qobuz équivalent : ce sont les mêmes morceaux. Les courbes d'analyse spectrale sous Adobe Audition CS6 sont d'ailleurs parfaitement superposables.

Interface du Blu-ray Pure Audio et matériel nécessaire

Le Pure Audio est lisible par n'importe quel lecteur de Blu-ray. Nous avons essayé depuis un PC avec le logiciel PowerDVD 12 et une Playstation 3. L'interface met du temps à se lancer, surtout sur la PS3. Certes, le mélomane qui veut savourer paisiblement son master ne sera probablement pas aussi pressé que le DJ improvisé qui doit jongler entre une infinité de morceaux pour animer une soirée sans coupure. Une attente bien méritée ? Quand on voit le peu qu'il y a à charger, on fronce légèrement les sourcils. La pochette d'album, les titres, un lien vers les prises alternatives et le détail des encodages disponibles. Ceci étant valable pour ce cas précis du Blu-ray Pure Audio de Serge Gainsbourg, mais aussi pour les autres artistes passés en démonstration le jour de la conférence de lancement. Il y a de fortes chances que tous les disques soient pareils...

Pour changer de qualité, vous pensez qu'il suffit de cliquer sur l'intitulé voulu ? Non, ces mentions ne sont pas cliquables. Sur PowerDVD, il faut choisir la bonne piste (de 1 à 4 pour le mixage d'origine, de 1 à 2 pour les prises alternatives, en stéréo seulement) dans le menu des langues, sous-titres, etc. Sur PS3, l'interface est identique. Il faut donc là aussi choisir la piste appropriée via le menu option (touche triangle). Autre bémol à souligner : la barre de progression de la lecture porte sur l'intégralité de l'album, soit 28 minutes. Ainsi, la navigation au sein d'une piste devient peu précise.

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Un lecteur Blu-ray standard suffit, soit. Mais Universal Music va un peu trop vite en besogne... Il faut en effet que le reste de l'équipement suive aussi. Des enceintes dignes de ce nom bien sûr. Dans ce domaine, les écoles sont aussi nombreuses que les mélomanes. Aussi, chacun choisira en son âme et conscience, en fonction de ses goûts et son budget. Autre maillon vital qui pourrait bien devenir faible : l'amplificateur. Car pour décoder les flux compressés en Dolby TrueHD ou DTS-HD Master Audio, il faut que l'amplificateur soit compatible (ou que le lecteur assure le décodage). Dans le cas contraire, et Universal Music France a prévu le coup, il sera toujours possible de sortir en PCM, c'est-à-dire avec le flux brut non compressé. À noter que le DTS-HD Master Audio est rétro-compatible (avec les équipements décodant les autres formes de DTS) alors que le Dolby TrueHD ne l'est pas.

Reste un paramètre de taille : la connectique. Car toutes les solutions ne se valent pas. En numérique, c'est le débit maximum supporté qui détermine le type de flux pouvant être véhiculé. En la matière, l'optique se place en dernière position, avec un plafond empirique à 1 536 kbps, c'est-à-dire de l'audio non compressé en stéréo, échantillonné en 48 kHz sur 16 bits. Insuffisant pour le PCM 96 kHz/24 bits des Blu-ray Pure Audio. Arrive ensuite le coaxial, qui permet de lire des flux stéréo non compressés, échantillonnés en 192 kHz sur 24 bits (10 Mbps en théorie), ou des flux 5.1 compressés en 96 kHz sur 24 bits. Mais pour lire le Dolby TrueHD ou le DTS-HD Master Audio en 5.1, il faut un câblage HDMI (v1.3 minimum). Et là, avec une bande passante de 10,2 Gbps, point de restriction.

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Que se passe-t-il si on n'utilise pas la bonne connectique ? Le lecteur se rabattra sur l'échantillonnage maximum supporté (48 kHz sur 16 bits en optique) ou lira un flux DTS standard, davantage compressé et avec pertes. Le Dolby TrueHD ne devrait à priori pas passer du tout.

La qualité audio vaut-elle le coup ?

Pour jauger notre Blu-ray Pure Audio, nous nous sommes basés principalement (mais pas uniquement) sur la première piste de l'album, Melody, très riche « instrumentalement » parlant. Et nous avons confronté ce morceau du Blu-ray à ses homologues sous différents formats : la version CD, un AAC acheté sur iTunes, les versions MP3 et Flac téléchargées sur hifipureaudio.com ainsi qu'un Studio Master 96/24 de Qobuz. D'emblée, deux groupes se forment en matière de rendu sonore : le CD et l'AAC d'une part, le Blu-ray, ses versions dématérialisées et le Studio Master Qobuz d'autre part.

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À l'écoute, la différence entre ces deux univers, le remastérisé versus le mixage original, est flagrante. La version remastérisée pour le support CD, sur laquelle s'est basé le titre iTunes, dispose d'un volume plus bas, mais a surtout été feutrée derrière un filtre antibruit manifeste. A contrario, quand on a l'habitude d'écouter le CD, on est presque choqué d'entendre tout ce souffle sur la bande originale ! D'autres traitements sonores sont passés par là, dont vraisemblablement un coup de compresseur qui tasse un peu la dynamique et une égalisation différente, rendant le son plus cosy. Sur la version originale, on perçoit beaucoup plus de clarté dans le registre des aigus et une présence plus marquée dans le bas du spectre, tandis que les voix restent à peu près aux mêmes niveaux. Nettement plus mordant et détaillé. Il ne suffit donc pas d'ajouter du gain à la version CD pour retrouver le son du mixage original. Si on essaye, en ajoutant 3,9 dB au MP3 issu du CD et qu'on compare les analyses spectrales, voilà ce que l'on obtient :

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En bleu, le MP3 téléchargé sur hifipureaudio.com, en jaune un MP3 320 kbps tiré du CD, avec une amplification de gain de 3,9 dB


Une réelle redécouverte, assurément ! Maintenant, l'intérêt de l'échantillonnage supérieur, à 96 kHz sur 24 bits, se révèle moins manifeste. Il va falloir du très bon matériel, une écoute attentive, et une expertise suffisante pour savoir de quelles subtilités se délecter. En comparant le Blu-ray Pure Audio et sa version dématérialisée en MP3 (casque Audio-Technica ES10 et ensemble ampli Onkyo A-9070 + enceintes KEF iQ90), on note un meilleur détachement des instruments, une spatialisation plus enveloppante, davantage de finesse dans les détails comme les vibrations des cordes ou les bruits de bouche de Monsieur Gainsbourg, et un son globalement moins sec, plus chatoyant. Mais il faut tendre l'oreille assidûment, avec des conditions d'écoute adaptée.

Côté 5.1, le bon point c'est que le passage en son multi-canal a été fait à la main, en studio, et non pas par le biais d'un traitement sonore de spatialisation. Sur un système 5.1, avec le titre Melody, on perçoit distinctement la répartition instrumentale qui a été décidée :

  • batterie, légères basses et violons et autres cordes sur l'enceinte avant gauche ;
  • guitare, légère voix et violons sur l'enceinte avant droite ;
  • voix et basse et contre-basse sur la centrale ;
  • échos de batterie, effets sonores, et légers violons sur les enceintes arrière.

Parfois, comme sur le titre En Melody, il faut attendre 2 min 07 pour que les arrières sortent des sons (le violon distordu). Pas de doute, ce mixage sur six canaux est bien réalisé à la main. Ce rendu en 5.1 tout à fait soigné est vraiment plaisant (sous réserve d'avoir une installation adéquate). Maintenant, c'est une exception dans l'offre actuelle de Blu-ray Pure Audio. Et les puristes préféreront rester sur du 2.0, tel que l'artiste l'a conçu.

Conclusion

La qualité de cet enregistrement de l'Histoire de Melody Nelson par Serge Gainsbourg nous a séduits, c'est indiscutable. Par rapport aux versions remastérisées des CD, la différence est nette, et en faveur du mixage d'origine. Le fait qu'Universal Music France permette le téléchargement de versions dématérialisées d'aussi bonne facture est un atout certain. Maintenant, plusieurs problèmes se posent sur le choix du support. D'abord, considérer la compatibilité avec n'importe quel lecteur Blu-ray comme une force est certes vrai, mais surtout très réducteur. Ce n'est que le premier maillon d'une chaîne, qui demandera beaucoup de soin (et pas mal d'argent) pour exploiter pleinement le potentiel des contenus audio proposés. Enceintes, amplificateur et câblage devront se montrer à la hauteur, points sur lesquels Universal Music France n'est pas très loquace. On ne parle même pas du fait que seulement un tiers des foyers français sont équipés en lecteur de Blu-ray (32 % pour être précis d'après le SEVN, Syndicat de l'Edition Vidéo Numérique, et confirmé par GfK).

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Ensuite, le Blu-ray Pure Audio déçoit sur certains aspects, peut-être plus importants qu'il n'y paraît. L'expérience utilisateur, en termes d'ergonomie, est pauvre. Du moins, sur l'oeuvre de Serge Gainsbourg prise en exemple. Pourtant avec seulement 9,2 Go d'occupés sur les 25 Go d'un Blu-ray simple couche, il y avait de la marge pour faire mieux. Au passage, cet espace vacant aurait pu être utilisé pour stocker les MP3 et FLAC proposés au téléchargement, et/ou pour compiler différents albums du même artiste à prix attractif. Par ailleurs, le packaging est une boîte de Blu-ray tout ce qu'il y a de plus quelconque. En termes d'image et de « sex-appeal », non seulement le Blu-ray Pure Audio ne tient pas la comparaison avec le vinyle, mais il risque en plus de se fondre dans la masse des films Blu-ray en rayon, brouillant la communication auprès du grand public.

Enfin, en l'état, le catalogue nous laisse sur notre faim. Certes, Universal Music France se trouve en phase d'expérimentation, et la sobriété reste généralement de mise au lancement d'un nouveau support. Cependant 36 albums, d'artistes pour la plupart plus de ce monde (Alain Bashung, Nina Simone, Serge Gainsbourg, Bob Marley, Jacques Brel, Miles Davis, Ella Fitzgerald, John Coltrane...), ça insuffle une fraîcheur toute relative dans le paysage musical actuel. Après les avoir découverts en vinyles, aimés en cassettes, adorés en CD, transportés en MP3, on peut maintenant les re-re-re-découvrir en Blu-ray Pure Audio ! Derrière cette pointe d'ironie de notre part, nous voulons souligner que cette incitation à l'achat répété d'œuvres déjà acquises est lassante. Même si les artistes cités sont des pointures. Face au catalogue de près de 2700 albums en qualité Studio Master chez Qobuz, à tarifs généralement moindres, comment appâter l'audiophile ? Le fantôme du SACD doit en hanter quelques-uns chez Universal Music...



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