Des ingénieurs de l’université de Leicester ont conçu des dispositifs capables de rendre des objets indétectables aux champs magnétiques. Le champ se referme autour de la structure sans perturbation mesurable à l’extérieur.

Pour Harold Ruiz, professeur à l'université de Leicester et auteur principal de l'étude, « Cette étude démontre que des dispositifs d’invisibilité pratiques et réalisables pour des géométries complexes sont à portée de main » - ©New Africa / Shutterstock
Pour Harold Ruiz, professeur à l'université de Leicester et auteur principal de l'étude, « Cette étude démontre que des dispositifs d’invisibilité pratiques et réalisables pour des géométries complexes sont à portée de main » - ©New Africa / Shutterstock

Les champs magnétiques répondent aux équations de Maxwell. Ces lois décrivent la façon dont le champ se propage, se déforme et interagit avec la matière. Lorsqu’un objet conducteur ou magnétique se trouve sur son passage, le champ change de trajectoire. C'est cette perturbation qui sert de signature et permet de détecter l’objet.

Dans une étude publiée en décembre 2025 dans Science Advances, des ingénieurs de l’université de Leicester montrent qu’il est possible d’empêcher cette perturbation. Leur dispositif guide le champ autour d’un objet, puis le restitue dans son état initial. Pour un capteur placé à proximité, le champ paraît intact. L’objet ne laisse aucune trace mesurable. Cette démonstration s’applique à des formes complexes, proches de celles rencontrées dans les équipements réels.

Le champ magnétique contourne l’objet sans trahir sa présence

Ce sont les équations de Maxwell qui expliquent les règles du champ magnétique. Elles décrivent sa propagation et sa réaction au contact de la matière. Dès qu’un objet conducteur ou magnétique se place sur son trajet, la trajectoire se déforme. Cette modification suffit à signaler sa présence à un capteur.

Les chercheurs se sont attaqués à ce mécanisme précis. Leur dispositif agit sur le champ, pas sur l’objet. Le champ arrive, dévie sur les côtés, puis retrouve sa configuration initiale après le passage. À distance, les instruments mesurent le même champ qu’en l’absence totale d’obstacle.

La structure du dispositif s’organise en deux couches. À l’intérieur, un supraconducteur repousse le champ vers l’extérieur. Une enveloppe ferromagnétique douce entoure cet élément central et canalise les lignes de champ. Le flux longe alors la surface de l’objet, suit un trajet contrôlé, puis se referme derrière lui. À l’extérieur, ni l’orientation ni l’intensité du champ ne trahissent la présence de la structure.

Les calculs partent directement des équations de Maxwell, sans forme idéale imposée. Chaque géométrie impose une réponse magnétique spécifique. Un carré ne réagit pas comme un losange. Une structure à plusieurs lobes modifie encore la distribution du champ. Les chercheurs ajustent donc localement les propriétés du matériau pour chaque forme étudiée.

Les modèles numériques portent sur des géométries proches de composants techniques réels. Autour du dispositif, les mesures indiquent une déformation très limitée du champ. Dans plusieurs configurations, l’écart reste inférieur à un pour cent, y compris avec des champs alternatifs comparables à ceux utilisés dans les réseaux électriques.

Pour le professeur à l’université de Leicester, Harold Ruiz, « cette étude démontre que des dispositifs d’invisibilité pratiques et réalisables pour des géométries complexes sont à portée de main ». Les formes étudiées correspondent à des objets techniques courants, comme des faisceaux de câbles ou des modules électroniques.

Les chercheurs auteurs de l'étude ont démontré, analytiquement et expérimentalement, que pour des cylindres infiniment longs (pratiquement réalisés comme des cylindres dont la longueur dépasse largement leur rayon) et à section parfaitement circulaire, deux couches concentriques de matériaux homogènes et isotropes pouvaient rendre un objet « invisible » sous des champs magnétiques statiques - Capture d'écran ©ScienceAdvances /Mélina Loupia pour Clubic
Les chercheurs auteurs de l'étude ont démontré, analytiquement et expérimentalement, que pour des cylindres infiniment longs (pratiquement réalisés comme des cylindres dont la longueur dépasse largement leur rayon) et à section parfaitement circulaire, deux couches concentriques de matériaux homogènes et isotropes pouvaient rendre un objet « invisible » sous des champs magnétiques statiques - Capture d'écran ©ScienceAdvances /Mélina Loupia pour Clubic

Des matériaux industriels et des usages liés aux technologies sensibles

Les chercheurs ont retenu des matériaux déjà présents dans l’industrie. Les supraconducteurs utilisés correspondent à des rubans à haute température critique, employés dans des systèmes cryogéniques existants. Les matériaux ferromagnétiques prennent la forme de composites à base de ferrite et de résine époxy, largement répandus dans les chaînes de fabrication.

Ces choix autorisent une fabrication adaptée à chaque objet. La géométrie impose ses propres contraintes, et le dispositif s’ajuste en conséquence. Il ne s’agit donc pas d’un blindage générique, mais d’un élément conçu pour un composant donné.

Pour parvenir à ce résultat, l’équipe a développé des outils de calcul spécifiques. Ces logiciels déterminent la répartition du matériau ferromagnétique autour de l’objet. L’épaisseur, la position et les propriétés locales varient selon la forme et les contraintes techniques. Chaque configuration aboutit à un dispositif calibré pour une situation précise.

Les systèmes d’imagerie médicale dépendent fortement de la stabilité du champ autour des capteurs. Les capteurs quantiques exigent un environnement magnétique extrêmement contrôlé. Les infrastructures énergétiques et certains projets de fusion utilisent aussi des instruments exposés à des champs intenses, où la moindre perturbation complique les mesures.

Le fonctionnement à basse température correspond aux contraintes liées aux supraconducteurs. Ces conditions existent déjà dans de nombreux laboratoires et équipements médicaux. Les chercheurs prévoient maintenant des essais expérimentaux avec des prototypes physiques, soumis à des champs variables et à des configurations proches de celles rencontrées sur le terrain.