Le géant chinois ne se contente plus de jouer à domicile et déploie une stratégie audacieuse pour écouler ses processeurs Ascend hors de Chine. Une offensive qui prouve que les sanctions américaines, loin d'étouffer la concurrence, ont peut-être réveillé un rival inattendu.

Pendant que NVIDIA savoure sa quasi-hégémonie mondiale avec plus de 80% du marché, Huawei s'active en coulisses pour jouer les trouble-fêtes. Le constructeur, habitué aux vents contraires venus de Washington, change son fusil d'épaule et vise désormais les marchés émergents du Golfe et d'Asie du Sud-Est. L'objectif est clair : séduire les nations riches en capitaux mais nerveuses face aux restrictions américaines. Cette manœuvre dessine une nouvelle carte technologique où la performance pure compte parfois moins que la disponibilité immédiate du matériel.
Pourquoi Huawei vide ses greniers au Moyen-Orient
Huawei fait preuve d'un pragmatisme redoutable en transformant ses vieux stocks en opportunité diplomatique. L'entreprise cible spécifiquement l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et la Thaïlande avec ses puces Ascend 910B, une génération qui n'est certes pas la plus récente, mais qui a le mérite d'être disponible immédiatement. C'est une aubaine pour ces pays qui, bien qu'ayant déjà sécurisé des stocks chez NVIDIA, cherchent à diversifier leurs alliances pour ne pas dépendre du bon vouloir de l'Oncle Sam.
Le tour de passe-passe est habile. Huawei dispose d'un trésor de guerre estimé à près de 3 millions de matrices électroniques accumulées avant le durcissement des sanctions. Plutôt que de laisser ces composants prendre la poussière, le groupe les écoule massivement pour financer sa R&D. Et pour les clients exigeant le dernier cri, comme la puce Ascend 910C, Huawei a trouvé la parade : un accès à distance via le cloud. Les clients ne possèdent pas physiquement les puces (ce qui contourne l'embargo), mais ils en louent la puissance de calcul depuis des serveurs basés en Chine. Une location longue durée qui permet à Huawei de garder la main sur sa technologie la plus sensible tout en facturant le service au prix fort.
L'arme secrète qui fait grimper la facture d'électricité
NVIDIA a beau jeu de regarder de haut ses concurrents, la firme au caméléon a fini par admettre que la compétition devenait sérieuse. Et pour cause, Huawei ne joue pas la carte de la finesse, mais celle de la force brute. Son système CloudMatrix 384, une grappe massive de processeurs interconnectés, affiche des performances théoriques décoiffantes de 300 pétaflops, dépassant sur le papier certaines solutions américaines.

Mais il y a un hic de taille qui ferait pâlir n'importe quel responsable RSE. Pour atteindre cette puissance, l'architecture chinoise consomme l'énergie avec la voracité d'une ville moyenne. Le système engloutit plus du double de l'électricité nécessaire à une machine NVIDIA équivalente pour effectuer le même travail. En Chine, où le kilowatt-heure reste abordable, ce détail passe encore, mais il risque de faire tiquer les clients internationaux soucieux de leur facture électrique.
Huawei compense ce manque d'efficacité par une intégration verticale agressive. En s'appuyant sur le fondeur local SMIC, la production des puces de nouvelle génération s'accélère, passant d'un demi-million d'unités en 2024 à plus de 800 000 pour 2025. C'est encore loin des volumes de NVIDIA, qui accapare la majorité des tranches de silicium mondiales, mais la machine est lancée. La fragmentation du marché est désormais une réalité : d'un côté le bloc occidental sous pavillon NVIDIA, de l'autre une alternative chinoise gourmande mais résiliente, prête à ramasser toutes les miettes laissées par les sanctions américaines.
La tentative de Huawei de s'imposer hors de ses frontières ressemble à un pari risqué mais calculé. Si ses puces ne brillent pas par leur sobriété énergétique, elles offrent une bouée de sauvetage politique aux pays refusant l'alignement total sur les standards américains.
Source : WCCFTECH