Dans les années 1950, Walt Disney a créé une centaine d'insignes militaires pour l'armée française. Deux de ces emblèmes ornent encore aujourd'hui les uniformes de certaines unités.
Avant de régner sur son empire d'animation, le jeune Walt Disney conduit une ambulance pour la Croix-Rouge à Neufchâteau, dans les Vosges, pendant la Première Guerre mondiale. Il y bariole son véhicule de dessins personnels, le rendant instantanément reconnaissable sur le front. Cette expérience lui fait comprendre l'immense pouvoir des symboles militaires, tant pour le moral des troupes que pour l'identification sur le terrain. Trente ans plus tard, cette intuition se transformera en collaboration inédite. Disney dessinera près de 1 200 insignes pour l'armée américaine, et une centaine pour la France.
Pluto et la Fée Clochette partent au front pour l'armée française
À partir de 1939, l'armée américaine passe commande aux studios Disney, fraîchement créés en 1923 à Hollywood. En cinq ans à peine, l'équipe du dessinateur produit environ 1 200 insignes pour les forces américaines, autant pour les armées britannique et canadienne, et une centaine pour les troupes françaises. Ces créations serviront durant la Seconde Guerre mondiale, la guerre d'Indochine et l'après-guerre, faisant de Mickey, Donald et leurs amis des emblèmes de guerre surprenants.
L'exemple de Pluto montre bien cette réappropriation militaire. Pour une escadrille d'aviation légère d'appui, le fidèle compagnon de Mickey se métamorphose, coiffé d'un fez nord-africain et montrant les crocs, il incarne la loyauté canine appliquée au combat. Sa mission consiste à soutenir les soldats au sol par l'observation aérienne et le feu des mitrailleuses, en les tirant des situations critiques comme un chien de garde qui protège ses maîtres face au danger immédiat.
Dans les années 1950, l'armée française sollicite directement Walt Disney avec de nouvelles commandes. Un commandant de dragueur de mines lui demande même un insigne montrant la Fée Clochette en train de nettoyer les mines sous-marines. L'imagination Disney au service du déminage, voilà qui résume bien l'originalité de cette collaboration entre Hollywood et les états-majors français, où la fantaisie rencontre les réalités du métier militaire.

Deux insignes Disney survivent aux normes militaires actuelles
Aujourd'hui, les normes strictes d'héraldique militaire française bannissent les motifs Disney, jugés incompatibles avec la solennité attendue des symboles régimentaires. La plupart dorment désormais dans les vitrines du Service historique de la Défense. Pourtant, on dénombre deux rescapés qui témoignent d'une période où créativité et esprit de corps fusionnaient sous le crayon du plus célèbre dessinateur américain.
Le premier survivant, c'est le « Chien jaune », personnage tiré de La Belle et le Clochard, film sorti en 1955. Sur les porte-avions, ce surnom désigne affectueusement les directeurs de pont d'envol-hangar, vêtus de jaune pour être visibles lors des opérations aériennes. Il est vrai qu'ils « aboient » sur tout le monde pour dégager complètement le pont avant chaque envol. L'insigne PEH (pont d’envol-hangar) perpétue la tradition avec un humour qui parfois adoucit peut-être la tension des manœuvres.

L'autre rescapé est une escadrille d'aéronavale qui arbore Donald, escopette posée sur l'épaule. Le choix du canard colérique s'imposait naturellement. Dans les dessins animés, Donald porte déjà le costume de marin. Fait rare, donc, l'unité historique n'a jamais changé d'emblème depuis sa création, conservant son canard comme porte-bonheur à travers les décennies. Une fidélité qui montre que ces insignes Disney, loin d'être de simples fantaisies, sont devenues de véritables marqueurs identitaires pour les militaires qui les portent.