Le rideau tombe enfin sur le feuilleton interminable opposant Epic Games à Google, avec un accord qui sent bon la trêve des braves. Cette paix armée, scellée pour près de sept ans, promet de rebattre les cartes sur Android, mais à quel prix ?

Cinq longues années de procédure, des millions dépensés en frais d’avocats et une Cour suprême qui sonne le glas des espoirs de Google… Il était temps que la raison, ou du moins le pragmatisme, l’emporte. Le 4 novembre, les deux meilleurs ennemis ont soumis au juge une proposition d’accord mondial. L’enjeu : mettre fin à une querelle qui menaçait de transformer la refonte du Play Store en un véritable casse-tête pour la firme de Mountain View.
Google consent enfin à revoir sa dîme
Le nerf de la guerre, c’était bien sûr l’argent. Et sur ce point, Google lâche du lest, du moins en apparence. Fini le taux quasi unique et souvent jugé exorbitant de 30% sur les transactions. La firme, dans un élan de générosité toute relative, consent à ne prélever « que » 9% ou 20% de commission, selon la nature de l’achat. Pour les jeux offrant un « avantage ludique significatif », ce sera 20%. Pour le reste, et notamment les abonnements, on tombe à 9%.
Bien sûr, Google se garde la possibilité de facturer à part l’utilisation de son système de paiement maison. Mais la grande avancée, c’est que les développeurs pourront enfin proposer des alternatives sans être pénalisés. Une petite victoire pour la concurrence, qui met fin à une situation de monopole de fait que beaucoup dénonçaient depuis des années.
Cette baisse de la dîme n’est pas qu’un chiffre. Elle redonne de l’oxygène aux développeurs qui pourront, au choix, baisser leurs prix ou augmenter leurs marges. On se souvient qu’Epic Games avait justement cherché à séduire les joueurs en installant son propre magasin d’applications pour contourner ces frais, une manœuvre qui avait mis le feu aux poudres.
L’ouverture d’Android, entre promesses et faux-semblants
L’autre pilier de cet accord est la simplification de l’installation des boutiques d’applications tierces. Google s’engage à mettre en place un système de « boutiques enregistrées » bénéficiant d’un traitement de faveur. Concrètement, installer l’Epic Games Store ou une alternative comme F-Droid deviendra aussi simple que de télécharger n’importe quelle application, sans les messages d’alerte anxiogènes qui freinaient les utilisateurs les moins téméraires.
C’est une avancée notable pour l’écosystème. Pourtant, un certain scepticisme reste de mise. Alors que Google ouvre la porte d’un côté, il semble en barricader une autre. La firme a en effet récemment annoncé vouloir imposer une vérification d’identité plus stricte à tous les développeurs, sous couvert de sécurité. Une mesure qui complique la vie des projets communautaires et des créateurs indépendants, et qui avait déjà déclenché une fronde des développeurs attachés à un Android ouvert.
Le diable se cachera donc dans les détails. L’accord prévoit des critères « neutres » pour l’enregistrement de ces boutiques, mais Google conserve un droit de veto en cas de risque pour la sécurité. On attend de voir comment ce pouvoir sera utilisé, et si cette ouverture ne se transformera pas en une liberté très surveillée.
Un accord planétaire pour une paix durable ?
Là où Google surprend, c’est sur la portée de l’accord. Alors que la justice américaine ne l’avait condamné que pour son marché domestique et pour une durée de trois ans, la firme a préféré étendre la trêve au monde entier, et ce, jusqu’en 2032. Un geste qui peut être interprété comme une volonté d’anticiper les foudres d’autres régulateurs, notamment en Europe avec le Digital Markets Act.
Pour les utilisateurs, le changement le plus visible sera sans doute l’émergence plus franche de boutiques concurrentes, proposant peut-être des exclusivités ou des tarifs plus attractifs. Epic Games, avec son trésor de guerre et ses jeux gratuits hebdomadaires, est évidemment en première ligne pour profiter de cette nouvelle ère.
Reste à savoir si cet armistice marque un réel changement de philosophie pour Google ou s’il s’agit simplement d’une manœuvre habile pour calmer le jeu tout en conservant le contrôle. Le juge James Donato doit encore valider les termes de cet accord. Mais une chose est sûre : après des années de combat, le paysage d’Android ne sera plus tout à fait le même. La guerre est finie, mais la compétition, elle, ne fait que commencer.
Source : The Verge
