Les géants de la technologie intensifient leurs efforts d'influence auprès des institutions européennes. Selon une analyse de Corporate Europe Observatory et LobbyControl, les dépenses annuelles de lobbying du secteur numérique ont grimpé à 151 millions d'euros, soit une hausse de 33,6% en deux ans.

DMA, DSA, comment Meta, Microsoft et Apple veulent faire pencher la balance de leurs côtés ©Shutterstock
DMA, DSA, comment Meta, Microsoft et Apple veulent faire pencher la balance de leurs côtés ©Shutterstock

D'après les chiffres révélés par ces deux organisations de surveillance, les investissements destinés à peser sur les décisions de l'Union européenne enregistrent une forte progression. Sans surprise, cette augmentation coïncide avec l'entrée en vigueur de réglementations du Digital Markets Act (DMA) et du Digital Services Act (DSA). Et les entreprises américaines sont en ligne de mire.

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Big Tech : les champions du lobbying à Bruxelles

Selon cette étude, ce n'est finalement qu'une poignée d'entreprises qui concentre ces dépenses. Dix acteurs représentent à eux seuls 49 millions d'euros de dépenses annuelles, soit près d'un tiers du budget total. Meta occupe la première place avec 10 millions d'euros par an, suivi de Microsoft, Apple et Amazon qui ont déboursé chacune 7 millions d'euros. Google et Qualcomm complètent ce classement avec 4,5 millions d'euros chacune.​

Depuis 2023, plusieurs entreprises ont largement augmenté leur budget. C'est le cas d'Amazon (+4,3 millions d'euros), de Microsoft et Meta (+2 millions d'euros chacune), ainsi que de l'association patronale DIGITALEUROPE (+1,25 million d'euros). D'ailleurs, parmi ses membres, celle-ci compte ces mêmes géants technologiques. À titre de comparaison, Apple déclarait entre 3,5 et 3,75 millions d'euros de dépenses annuelles en 2021, ce qui signifie que la firme de Cupertino a presque doublé son investissement en quatre ans.​

Le secteur technologique dépasse désormais largement d'autres industries réputées pour leur influence. Les dix premières entreprises numériques dépensent trois fois plus que les dix premières des secteurs pharmaceutique, financier et automobile réunis, et deux fois plus que le secteur de l'énergie.​

La Tech US s'immisce dans les débats européens

Entre janvier et juin 2025, les grandes entreprises technologiques ont organisé 146 réunions avec des hauts fonctionnaires de la Commission européenne. Amazon a participé à 43 de ces rencontres, Microsoft à 36, Google à 35, Apple à 29 et Meta à 27.​

Et c'est l'intelligence artificielle qui s'est immiscée en tête de ces échanges. L'IA est mentionnée dans 58 des 146 réunions avec la Commission. Les centres de données et le cloud ont été abordés à 23 reprises, le DSA dans 17 rencontres, le DMA dans 16, et le futur Digital Fairness Act également dans 16 échanges.​ Pour rappel, ce dernier devrait s'intéresser aux mécanismes des entreprises visant à créer une addiction numérique et l'usage de dark patterns.

Les entreprises ne se limitent pas aux contacts directs. Elles investissent également plus de 9 millions d'euros par an dans des cabinets de conseil, des agences de relations publiques et des think tanks pour amplifier leur message. Apple y consacre 2,3 millions d'euros, Amazon 2,84 millions et Meta 1,5 million. Plusieurs centres de réflexion à Bruxelles, dont Bruegel, le Centre for European Reform et le Centre for European Policy Studies, reçoivent désormais des financements de l'ensemble des cinq géants américains.​

On le sait, l'administration Trump exerce une pression directe sur l'Union européenne concernant ses règles numériques. En février, le vice-président JD Vance a déclaré que "la liberté d'expression recule en Europe", tandis qu'en août, le secrétaire d'État Marco Rubio a appelé les diplomates américains à saper le DSA. Le président Trump lui-même a averti les pays dont les réglementations technologiques nuisent aux entreprises américaines de "montrer du respect ou d'en subir les conséquences".​ La situation est telle qu'aujourd'hui il y aurait plus de lobbyistes embauchés à temps plein pour influencer les politiques numériques de l’Union européenne que de députés au Parlement européen.

Selon EuroNews, pour Bram Vranken, chercheur de Corporate Europe Observatory, cette montée en puissance du lobbying des GAFAM est "hautement alarmante". Selon lui, "la Commission devrait renforcer l'application de son cadre réglementaire numérique plutôt que de céder à des intérêts privés puissants".