L’an dernier, le gouvernement se félicitait d’un raz de marée. Le leasing social, cette formule de location longue durée pour voitures électriques à petit prix, avait conquis plus de 50 000 ménages en quelques jours à peine. Un an plus tard, la fièvre est retombée.

Relancé fin septembre, le dispositif peine à séduire… À peine 40 000 dossiers validés en trois semaines, alors qu’il était prévu que le dispositif mène à "une ruée". Même les concessionnaires, autrefois débordés, parlent désormais de "vaguelette". Sur le papier, 40 000 réservations en trois semaines n’a rien d’un échec. Mais le contraste avec la frénésie de 2024 change tout et le leasing social n’est plus un phénomène, il est devenu un simple dispositif parmi d’autres.
Moins d’aides, plus de méfiance
Le diagnostic est simple : les conditions ont changé. En 2024, l’État finançait directement l’opération et pouvait accorder jusqu’à 13 000 euros d’aide par véhicule. Cette année, le plafond chute à 7 000 euros, et les fonds proviennent désormais des certificats d’économie d’énergie, un mécanisme bien moins souple. Il en résulte que les loyers s'envolent… Là où certains modèles pouvaient s'afficher avec des loyers à 50 euros par mois l’an dernier, il faut désormais compter entre 150 et 200 euros.
Cette hausse, qui reste mesuré sur le papier, change tout dans les faits. Pour les ménages modestes, 100 euros de plus par mois, c’est souvent rédhibitoire. Et le rêve d’une voiture électrique "à prix d’abonnement téléphonique" s’éloigne. « Les offres sont beaucoup moins intéressantes pour les clients », admet Olivier Hossard (président du groupe Vauban) dans les colonnes du Parisien. Même chez Stellantis, leader incontesté du dispositif, on concède que "le rythme est bien plus lent que prévu".
À cela s’ajoute une forme de défiance grandissante envers l’électrique. Après plusieurs années de discours volontariste, les acheteurs se montrent plus prudents. Le marché de l’occasion thermique s’envole, les bornes publiques peinent encore à rassurer, et le coût d’assurance des véhicules à batterie fait grincer des dents. Beaucoup redoutent de s’enfermer dans une technologie perçue comme instable : trop dépendante des aides, trop soumise aux aléas du réseau et du prix de l’électricité.
Un dispositif en perte d'élan
Le gouvernement avait pourtant promis une "seconde vague". Mais le contexte n’est plus le même. En 2024, le leasing social était un geste fort, presque symbolique : une main tendue aux classes populaires, un signal politique de transition juste. En 2025, le message s’est brouillé. En cherchant à rendre le dispositif "soutenable" budgétairement, Bercy en a gommé sa portée symbolique. Plus de grand élan collectif, juste une mécanique d’aide parmi d’autres.
Chez les constructeurs, le contraste est saisissant. Stellantis, fort de ses quatorze marques, continue de tirer son épingle du jeu, avec une Peugeot e-2008 en tête des commandes, suivie de la 208, de la Citroën e-C3 et de la Fiat Grande Panda. Le groupe tente d’entretenir l’intérêt en ajustant ses prix avec une e-C3 sans peinture métal à 82 €/mois, par exemple, mais l’effet d’aubaine a disparu. Renault, de son côté, reste muet : la R5 électrique, censée incarner la démocratisation du genre, n’a pas (encore) créé la surprise.
Là où la première édition avait fait naître un enthousiasme collectif, celle-ci révèle la fragilité du marché. L’an passé, les Français ne s’étaient pas convertis à l’électrique : ils avaient simplement profité d’une aubaine économique. Supprimez la subvention, et l’adhésion s’évapore.
Un virage manqué ?
Ce ralentissement est plus qu’un simple échec commercial. Il questionne la stratégie même de la transition électrique à la française. Peut-on encore miser sur des aides ponctuelles et sur un volontarisme politique sans s’attaquer aux vrais obstacles : infrastructures, fiscalité, production locale de batteries ?
Le leasing social devait incarner un modèle vert et populaire ; il risque aujourd’hui de symboliser la désillusion. L’électrique continue de progresser, mais sans le souffle d’adhésion qu’on lui prêtait. Et si l’automobiliste français n’est pas encore prêt à tourner la page du moteur thermique, ce n’est pas par conservatisme : c’est peut-être simplement parce que la promesse d’un "nouveau départ" est moins crédible qu'on pouvait le penser.
Source : Le Parisien