La Direction interministérielle du numérique annonce mardi devenir le premier État partenaire de la Fondation Matrix, qui est derrière le protocole open source qui fait fonctionner Tchap, la messagerie instantanée sécurisée des agents publics.

Tchap, la messagerie sécurisée des fonctionnaires français, ne tourne pas sur les serveurs de Microsoft ou de Google. Elle s'appuie sur Matrix, un protocole de communication libre développé par une fondation internationale. Ce mardi 21 octobre, à l'issue de la récente conférence Matrix à Strasbourg, la Direction interministérielle du numérique (DINUM) a annoncé qu'elle soutient, sous diverses formes et très officiellement, la fondation. Un engagement financier et technique qui fait de la France le tout premier État à franchir ce pas.
Matrix, un protocole open source chéri par la France et adopté par plusieurs États européens
Matrix n'est pas une simple application. C'est une technologie de communication décentralisée, sur le modèle d'Internet lui-même. Concrètement, chaque organisation peut installer son propre serveur Matrix tout en communiquant avec les autres. Le principe séduit déjà l'Allemagne, la Belgique, la Suède, le Luxembourg et les Pays-Bas, qui l'ont également adopté pour leurs services publics.
Ce choix répond à l'objectif clair de reprendre le contrôle. Cela veut dire quoi ? En s'appuyant sur une technologie ouverte plutôt que sur des solutions propriétaires, l'État limite sa dépendance aux acteurs extra-européens. Une stratégie de souveraineté numérique qui prend tout son sens à l'heure où les données sensibles circulent massivement sur des infrastructures américaines ou chinoises.
Avec ce partenariat, Paris ne se contente pas d'utiliser gratuitement un logiciel libre. La DINUM s'engage à participer aux décisions stratégiques du protocole, en collaboration avec les autres pays européens utilisateurs. L'idée est de construire collectivement une infrastructure de communication sur laquelle administrations et entreprises pourront s'appuyer durablement, sans risque d'obsolescence programmée ou de rachat hostile.
Les équipes françaises développent de nouvelles fonctionnalités pour Matrix
Le soutien français envers Matrix ne se limite pas à un simple chèque. Les équipes techniques de la DINUM disent contribuer de façon active au développement du protocole. Elles travaillent par exemple sur l'amélioration de « Sliding Sync », un algorithme qui optimise les performances et l'expérience utilisateur. Plus fluide, plus rapide, c'est exactement ce qu'on attend d'une messagerie moderne.
Le développement d'une passerelle de sécurité entre organisations distinctes, appelée « border gateway », est un autre chantier en cours. L'outil doit renforcer la sécurité des communications quand plusieurs administrations ou entreprises doivent échanger des informations. Ces développements seront d'ailleurs présentés au FOSDEM en février 2026 et à l'Open Source Experience en décembre prochain.
« Avec ce partenariat, nous faisons le choix d'un investissement de long terme dans un commun numérique stratégique, au bénéfice de l'écosystème européen », explique Stéphanie Schaer, la directrice de la DINUM. Un discours qui tranche avec la tendance habituelle des États à consommer l'open source sans y contribuer financièrement. Amandine Le Pape, co-fondatrice de Matrix.org, espère d'ailleurs que « le parrainage de la DINUM encouragera les autres pays et organisations à joindre le geste à la parole ». Car les logiciels libres, aussi gratuits soient-ils, nécessitent des moyens pour se maintenir et évoluer.