Nous sommes des millions à en respirer quotidiennement sans le savoir, mais cette substance très courante, le dioxyde de soufre (SO2) vient d'être pointée du doigt par une étude canadienne. Une exposition chronique à cette dernière pourrait contribuer au développement de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de maladie de Charcot.

Aujourd'hui, en France, le transport routier ne représente heureusement qu'une faible fraction des émissions de SO2, de l'ordre de quelques pourcents. © Toa55 / Shutterstock
Aujourd'hui, en France, le transport routier ne représente heureusement qu'une faible fraction des émissions de SO2, de l'ordre de quelques pourcents. © Toa55 / Shutterstock

Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont comparé 304 patients atteints de SLA à 1 207 personnes en bonne santé, en estimant leur exposition passée aux principaux polluants à partir des données environnementales de leur lieu de vie. Ils ont constaté que les personnes malades avaient « des antécédents d’exposition significativement plus élevée au SO₂ », un polluant pourtant présent à des concentrations respectant les normes officielles de qualité de l’air.

Il a été observé que l'exposition au SO2 était bien plus élevée au cours des années précédant l'établissement du diagnostic. Ce qui suggère bien que la toxicité du polluant se manifeste à un moment où la maladie est déjà en phase de développement actif, mais encore asymptomatique. Tous les résultats de leur étude ont été publiés dans le volume 284 de la revue Environmental Research.

Pour rappel, la SLA est une maladie neurodégénérative rare et grave qui affecte progressivement certaines cellules nerveuses de notre cerveau et de la moelle épinière. Ces neurones sont responsables de l'envoi des commandes aux muscles volontaires ; leur destruction entraîne donc une paralysie musculaire (amyotrophie) généralisée et évolutive.

La SLA finit, au long terme, par empêcher les personnes atteintes de se mouvoir, de respirer et de déglutir et est fatale dans la majorité des cas, généralement de trois à cinq ans après son diagnostic. Selon les données de la Fondation pour la Recherche Médicale, elle « affecte environ 6 000 personnes en France ».

Un air « propre » déjà nocif pour le cerveau

Le SO2 est omniprésent dans notre environnement depuis la première grande révolution industrielle du XIXᵉ siècle, même ses concentrations sont moins importantes qu'auparavant dans l'atmosphère terrestre. Produit par la combustion du charbon, du pétrole et autres carburants fossiles, il s’échappe des centrales thermiques, des raffineries et du transport maritime, avant de se mélanger à l’air ambiant. Il y avait déjà consensus sur le fait que son inhalation provoquait des affections respiratoires (irritations, toux, asthme chronique), mais nous n'en savions que très peu sur ses effets neurologiques.

Cette étude canadienne a démontré qu'une exposition chronique à ce gaz pourrait altérer les motoneurones, des cellules nerveuses spécialisées assurant la transmission des ordres du cerveau vers les muscles. Ce sont ces cellules qui sont la cible principale de la neurodégénérescence caractéristique de la SLA, finissant par être détruites au fil des années.

Ce résultat est d’autant plus préoccupant que les concentrations de dioxyde de soufre observées restaient dans les limites fixées par les normes de qualité de l’air canadiennes. Des seuils considérés comme « acceptables » sur le plan réglementaire, mais qui ne garantissent en rien son innocuité neurologique à long terme.

Pour s’assurer que le dioxyde de soufre n’était pas simplement corrélé à la maladie de Charcot en raison d’autres paramètres extérieurs, les chercheurs ont comparé ses effets à ceux d’autres gaz, notamment le dioxyde d’azote (NO₂). Après avoir intégré dans leur modèle des variables comme le niveau de revenu, l’éducation et la densité de population, la corrélation persistait uniquement pour le SO₂. Aucun biais socio-économique ne pouvait donc être invoqué pour expliquer cette association.

 La quasi-totalité des émissions de SO2 est due à la combustion des combustibles fossiles (charbon, fioul lourd, pétrole) contenant du soufre.  © Vovantarakan / Shutterstock
La quasi-totalité des émissions de SO2 est due à la combustion des combustibles fossiles (charbon, fioul lourd, pétrole) contenant du soufre. © Vovantarakan / Shutterstock

Des seuils de pollution à revoir d’urgence

Même si la SLA est une maladie rare (affectant environ 1 à 2 nouvelles personnes sur 100 000 chaque année), ses conséquences sont dévastatrices à l'échelle individuelle et il n'existe actuellement aucun traitement curatif. Les personnes qui en souffrent n'ont donc aucune perspective de guérison et nécessitent une prise en charge médicale et palliative lourde pour gérer l'évolution de la paralysie, notamment pour qu'elles puissent continuer à respirer et à déglutir convenablement.

C'est pourquoi, compte tenu de leurs conclusions, les auteurs insistent sur l'urgence d'une réévaluation des normes de qualité de l'air et d'un renforcement des mesures de contrôle concernant le SO2.

« Il est impératif de mettre en place des stratégies de prévention et d’améliorer les interventions réglementaires, dans l’intérêt de la santé publique, concernant les niveaux d’exposition à la pollution de l’air », écrivent-ils, exhortant les pouvoirs publics à agir, même si la cause exacte de la SLA reste multifactorielle.

En effet, si cette étude ne démontre pas une causalité absolue entre le SO2 et la SLA, la corrélation qu'elle met en lumière doit tout de même être prise très au sérieux. En épidémiologie, attendre une preuve formelle revient à retarder inutilement des politiques de prévention qui pourraient, plus tard, sauver des vies. Bien que le doute fasse intégralement partie de la démarche scientifique, il ne doit pas devenir un prétexte pour excuser l'inaction ; les chercheurs ont apporté leur contribution : il revient désormais aux régulateurs de faire de même.

Source : Science Alert