Le parquet de Paris enquête sur l’usage d’enregistrements Siri réalisés à l’insu des utilisateurs. Cette procédure fait suite à une plainte de la Ligue des droits de l’Homme, appuyée par un lanceur d’alerte.

Les écoutes de Siri prennent une tournure judiciaire ©Tada Images / Shutterstock
Les écoutes de Siri prennent une tournure judiciaire ©Tada Images / Shutterstock

La polémique entourant les prétendues écoutes effectuées par Siri collent aux basques d'Apple et prennent une tournure judiciaire. Le parquet de Paris a ouvert une enquête visant l’assistant vocal Siri, soupçonné d’avoir collecté et conservé des enregistrements d’utilisateurs sans leur consentement. L’affaire trouve son origine dans le témoignage de Thomas Le Bonniec, un ancien sous-traitant du groupe, qui affirme avoir écouté des milliers d’extraits audio dans le cadre de son travail d’analyse pour améliorer la qualité de Siri. Recruté en 2019 par Globe Technical Services, il travaillait depuis Cork, en Irlande, pour Apple. Ces enregistrements, censés servir à des fins techniques, auraient parfois capté des conversations privées, des données sensibles ou des éléments permettant d’identifier les utilisateurs.

Une procédure judiciaire ouverte pour évaluer les

La procédure judiciaire, confiée à l’Office anti-cybercriminalité (OFAC), fait suite à une plainte déposée en février par la Ligue des droits de l’Homme. Celle-ci s’appuie sur les révélations de Thomas Le Bonniec, qui alerte depuis plusieurs années sur les dérives du programme d’amélioration de Siri. Le lanceur d’alerte espère que l’enquête permettra enfin de faire toute la lumière sur ces pratiques : « Il faut savoir combien d’enregistrements ont été réalisés depuis 2014, combien de personnes ont été affectées, et où sont stockées ces données », a-t-il déclaré à Politico, qui révèle l'existence de cette procédure.

Le dossier français relance une polémique déjà ancienne. Une action collective similaire avait été initiée aux États-Unis en 2019. Apple y avait finalement accepté, fin 2024, de verser 95 millions de dollars pour clore les poursuites intentées par des consommateurs américains, tout en continuant de nier les allégations présentes dans la plainte. En France, une procédure collective a également été engagée cette année par l’avocat et ancien député Julien Bayou, qui appelle les utilisateurs d’iPhone à se joindre au recours.

Avant de se tourner vers la justice, Thomas Le Bonniec avait saisi plusieurs autorités de protection des données, dont la Cnil en France et son équivalent irlandais, sans succès. Cette dernière, pourtant compétente pour les dossiers européens impliquant Apple, avait classé le signalement sans suite en 2022.

Apple conteste les accusations depuis le début de l'affaire

Apple assure depuis plusieurs années n’avoir jamais utilisé les données de Siri à des fins publicitaires, ni vendu d’informations à des tiers. « Apple n’a jamais utilisé les données Siri pour établir des profils marketing, ne les a jamais rendues disponibles pour la publicité et ne les a jamais vendues à qui que ce soit », a déclaré un représentant de l’entreprise.

Dans une note publiée en janvier sur son site web, la société rappelait ne pas conserver les enregistrements audio des interactions avec Siri, sauf si l’utilisateur donne explicitement son accord. Elle indique aussi avoir modifié sa politique dès 2019, en rendant optionnelle la participation au programme d’amélioration du logiciel et en cessant de stocker les enregistrements déclenchés par erreur.

L’enquête ouverte en France pourrait néanmoins relancer le débat sur les limites de la collecte de données par les assistants vocaux, déjà pointés du doigt pour leur manque de transparence. Pour Apple, qui prépare une version de Siri reposant sur l’intelligence artificielle générative, le sujet est d’autant plus sensible qu’il touche à l’un de ses arguments commerciaux les plus importants : la protection de la vie privée de ses utilisateurs.

Source : Politico