Depuis lundi, l'Afghanistan subit une coupure totale d'Internet et des télécommunications. Elle a été décidée par les Talibans, qui veulent notamment lutter contre le « vice ».

Une tour de télécommunication en Afghanistan © Mieszko9 / Shutterstock
Une tour de télécommunication en Afghanistan © Mieszko9 / Shutterstock

Le blackout est total. Cela fait maintenant quarante-huit que l'Afghanistan est déconnecté du reste de la planète. La connectivité, qui affichait encore 30% de son niveau habituel lundi matin, a basculé sous le seuil symbolique de 1% en fin de journée dans le pays. Les talibans invoquent la nécessité de combattre les « ennemis de l'Islam » et le « vice », quitte à impacter la vie de 40 millions d'Afghans.

Les talibans ont progressivement éteint le réseau afghan ces dernières semaines

Si les talibans n'avaient encore jamais complètement coupé les communications depuis le retour au pouvoir en 2021, cette survenue cette semaine remonte à un long processus. Au début du mois de septembre, le mollah Haibatullah Akhundzada, Guide suprême installé à Kandahar, a dans un décret affirmé que l'Internet haut débit représente une menace morale directe. Mi-septembre, les premières coupures ont frappé le nord, d'abord Balkh, puis Badakhshan et Takhar, qui ont perdu leur accès à la fibre optique.

Les provinces du sud ont ensuite subi le même sort. Kandahar, fief du Guide suprême taliban, a basculé dans le noir numérique, suivie par Helmand et Oruzgan. L'est n'est pas épargné, avec Nangarhar. On a assisté à une progression géographique allant du nord au sud puis à l'est, étalée sur plusieurs semaines avant de culminer avec la coupure de Kaboul lundi dernier.

Lundi soir, on a atteint le point de non-retour. Kaboul et ses 9 350 kilomètres de câbles à fibre optique, héritage de l'ancien régime soutenu par les États-Unis, ne servent désormais plus à rien. C'est bien une première, depuis le retour des talibans. Jamais ils n'avaient osé toucher aux infrastructures numériques de communication jusqu'à présent, et cette décision de lutter contre le vice et la pollution des esprits « jusqu'à nouvel ordre ».

Un pays complètement à l'arrêt ou presque, et des familles brisées

« Je ne peux plus parler avec ma famille. Internet a été coupé et tout le monde est inquiet. Toute la famille est angoissée », témoigne Nooriya Qaderi, 58 ans, réfugiée en Inde, angoissée sans doute comme des milliers d'autres Afghans exilés. Au-delà du silence imposé, la coupure bloque aussi les transferts bancaires en ligne. La diaspora ne peut plus envoyer l'argent vital qui permettait aux familles de survivre sur place.

L'économie afghane est paralysée. « Je suis venu travailler ce matin, mais nous ne pouvons rien faire car les clients n'ont pas accès aux services bancaires en ligne, aux transactions, aux retraits d'argent ou aux autorisations de paiement », raconte anonymement à l'AFP un employé de banque de Kaboul. Le commerce en ligne s'effondre, les systèmes bancaires sont à l'arrêt. Même les bureaux de poste ont dû fermer, puisqu'ils ont besoin des services bancaires pour mener à bien leurs activités.

Les répercussions dépassent sans surprise le cadre économique. Mardi, tous les vols internationaux ont été annulés à l'aéroport de Kaboul. Les ONG bricolent avec de vieux téléphones satellites et leurs radios HF. Rukaiya Saai, réfugiée en Allemagne depuis 2024, confie au Monde avoir « l'impression d'étouffer ». L'ONU alerte sur un préjudice considérable pour le peuple afghan et l'aggravation d'une crise humanitaire déjà catastrophique.

Sources : Le Monde, Ouest-France, AFP