Une puce qui recycle sa propre énergie, voilà une promesse qui semble tout droit sortie de la science-fiction. En s'inspirant du mouvement d'un pendule, des chercheurs ont pourtant réussi à récupérer près d'un tiers de l'énergie habituellement perdue en chaleur.

Le prototype « Ice River » combine deux leviers connus des chercheurs mais rarement validés ensemble sur silicium: la reversible logic et l’adiabatic computing- © Vaire Computing
Le prototype « Ice River » combine deux leviers connus des chercheurs mais rarement validés ensemble sur silicium: la reversible logic et l’adiabatic computing- © Vaire Computing

Alors que la consommation énergétique des infrastructures d'intelligence artificielle est un sujet de préoccupation majeur, la quête d'efficacité est devenue capitale pour l'industrie. Face à ce défi, une nouvelle approche matérielle vient de faire ses preuves. Le processeur « Ice River » de la société Vaire Computing a récemment démontré qu'il est possible de recycler une partie de l'énergie au cœur même du silicium.

Le secret du pendule : une physique plus douce

Les processeurs actuels fonctionnent un peu comme des marteaux. Chaque calcul est un coup sec qui commute un transistor, une opération qui dissipe irrémédiablement l'énergie sous forme de chaleur une fois terminée. La puce « Ice River » adopte une philosophie radicalement différente, celle du pendule : l'énergie oscille, allant et venant pour être en partie réutilisée dans le cycle de calcul suivant.

Pour y parvenir, elle combine deux techniques connues des physiciens mais rarement appliquées sur du silicium moderne. D'une part, le calcul adiabatique, qui module la tension en douceur pour éviter les pertes brutales d'énergie. D'autre part, la logique réversible, qui permet de « dé-calculer » une opération pour retrouver l'état initial sans effacer l'information, et donc sans gaspiller l'énergie associée. Le résultat de cette démonstration de faisabilité est tangible : une récupération d'environ 30% de l'énergie lors des tests.

Une avancée prometteuse, mais pas encore une solution miracle

Cette avancée technique, bien que notable, ne va pas équiper les centres de données dès demain. Le principal compromis du calcul adiabatique réside dans sa vitesse. Des variations de tension plus lentes signifient des calculs moins rapides, un désavantage dans la course à la performance qui anime le secteur de l'IA. Cette approche, bien que validée sur une technologie de gravure établie (22 nm), demande encore à mûrir.

ICE RIVER - © Vaire Computing
ICE RIVER - © Vaire Computing

Pour les géants du cloud, l'équation est complexe. Ils doivent arbitrer entre ce gain énergétique et les contraintes de coût, de vitesse et d'intégration dans des infrastructures existantes. La route est donc encore longue avant que cette technologie ne devienne une norme, même si elle vient nourrir l'idée que la panique énergétique de l'IA n'est pas une fatalité.

Le processeur « Ice River » a le mérite de rouvrir un chapitre de la physique des semi-conducteurs, prouvant que des gains d'efficacité sont encore possibles au niveau matériel. S'il ne constitue pas à lui seul la réponse à l'appétit énergétique de l'IA, il représente une voie d'exploration crédible. Cette piste s'ajoute aux efforts d'optimisation menés à tous les niveaux, comme lorsque des fondeurs tels que TSMC utilisent l'IA pour améliorer leurs propres puces, dessinant les contours d'un avenir technologique plus sobre.

Source : Tech Radar