Et si la crise énergétique promise par l’intelligence artificielle n’avait pas lieu ? Une nouvelle analyse suggère que les prévisions apocalyptiques sur la consommation électrique des centres de données sont largement exagérées.

Derrière des annonces tonitruantes, le pipeline américain de centres de données est truffé de « demandes fantômes ». © N/A
Derrière des annonces tonitruantes, le pipeline américain de centres de données est truffé de « demandes fantômes ». © N/A

La montée en puissance de l’IA générative a fait naître une inquiétude grandissante : celle d’une explosion de la demande électrique, au point de menacer la stabilité de nos réseaux. Des chiffres spectaculaires ont circulé, comparant parfois la consommation d’un agent conversationnel à des milliers de vols transatlantiques. Pourtant, un examen plus approfondi des données révèle une réalité plus complexe et moins alarmiste que les gros titres ne le laissent penser.

Des prévisions à prendre avec des pincettes

Le principal défaut des projections actuelles est de reposer sur des données brutes et souvent spéculatives. Les fournisseurs d’électricité fondent leurs prévisions sur les demandes de raccordement de futurs centres de données. Or, ces carnets de projets sont gonflés par des « demandes fantômes » : des projets déposés en multiples exemplaires ou qui ne verront jamais le jour. Cela crée une distorsion entre la demande annoncée et les besoins réels du réseau.

De plus, ces scénarios catastrophes ignorent les contraintes physiques qui ralentissent naturellement ce déploiement. La construction et le raccordement d’un centre de données majeur prennent plusieurs années, freinés par la pénurie de transformateurs et de semi-conducteurs. Ainsi, même si l’ambition des géants de la technologie est immense, la capacité du monde réel à la concrétiser impose un rythme plus mesuré.

Une croissance réelle, mais maîtrisable

Loin des scénarios de fin du monde, les estimations plus rigoureuses, comme celles de l’Agence Internationale de l’Énergie, anticipent un doublement de la consommation des centres de données d’ici 2030. Cette hausse est significative, mais elle ne représente qu’une fraction de la croissance globale de la demande électrique, tirée par l’industrie et l’électrification des transports. Il faut également se souvenir que les progrès en matière d’efficacité matérielle et logicielle ont, par le passé, permis de contenir la consommation énergétique du numérique malgré l’explosion des usages. Sur ce point, de nombreux progrès sont fait dans l'IA : sur le plan purement logiciel, des technologies comme le MoE (Mixture of Experts), la quantisation et la distillation (popularisée et détaillée par DeepSeek) permettent de réduire les besoins en ressource et moduler l'échelle de fonctionnement des modèles. Notre décacorne nationale Mistral s'est d'ailleurs imposée sur l'efficience de ses modèles.

La forte densité énergétique des processeurs graphiques, indispensables à l’IA, reste un défi majeur qui pousse les acteurs comme Google ou Microsoft à explorer des solutions énergétiques alternatives, y compris le nucléaire. La solution ne résidera donc pas uniquement dans la production d'énergie supplémentaire, mais dans une planification plus intelligente des réseaux et une optimisation continue des infrastructures. En somme, l'essor de l'IA constitue un défi énergétique certain, mais pas l'apocalypse annoncée.

Source : The Verge