L'État américain, pris d'une soudaine fringale d'investisseur, se verrait bien actionnaire d'un projet minier majeur. Après les puces électroniques, c'est au tour du lithium de susciter l'intérêt de Washington, qui envisage une prise de participation dans la société Lithium Americas. Une méthode qui, semble-t-il, est en passe de devenir une habitude.

Le précieux métal alcalin rejoint les nombreuses préoccupations de l'administration Trump. © Lithium Americas
Le précieux métal alcalin rejoint les nombreuses préoccupations de l'administration Trump. © Lithium Americas

Décidément, l'Oncle Sam a trouvé un nouveau passe-temps : collectionner les participations dans les entreprises jugées « stratégiques ». La dernière cible en date est Lithium Americas, qui exploite le prometteur gisement de Thacker Pass, au Nevada. Washington fait ainsi miroiter une prise de participation de 10% au capital, en échange d'un petit aménagement sur un prêt public de plus de deux milliards de dollars. Naturellement, la bourse a applaudi ce montage d'une main, faisant s'envoler l'action de l'entreprise, et de l'autre, elle a pris des notes. Car la manœuvre rappelle étrangement le récent épisode Intel.

Un État stratège, mais surtout bon comptable

Quelle admirable sollicitude. L'administration américaine, se souciant du bien-être financier de Lithium Americas, serait prête à assouplir les conditions de remboursement de son prêt colossal. Mais cette générosité a un prix. En échange, l'État demande des actions, histoire de s'assurer, selon les mots d'un responsable, d'un retour « juste pour les contribuables ». On découvre soudainement les vertus de la bonne gestion.

Il ne s'agirait donc pas d'un cadeau. Après avoir accordé un prêt conséquent, Washington se souvient qu'il « n'y a pas d'argent gratuit » et entend bien transformer son rôle de créancier en celui, bien plus gratifiant, d'actionnaire. Le tout, avec une continuité politique qui force le respect : le projet, initié sous un mandat, financé sous le suivant, est maintenant courtisé par l'administration actuelle. Quand il s'agit de sécuriser des actifs, les couleurs politiques s'effacent.

Le précieux métal alcalin rejoint les nombreuses préoccupations de l'administration Trump. © Shutterstock
Le précieux métal alcalin rejoint les nombreuses préoccupations de l'administration Trump. © Shutterstock

La méthode Intel, une recette qui fonctionne

Ce n'est pas un coup d'essai. Fin août, l'État américain avait déjà mis un pied chez Intel, s'offrant environ 10% du géant des semi-conducteurs pour la modique somme de 8,9 milliards de dollars. La belle affaire consistait à convertir des subventions en actions, une façon astucieuse de passer du statut de bienfaiteur à celui d'associé. Le message était clair : l'aide publique n'est plus un chèque en blanc.

Cette approche, visiblement jugée satisfaisante, pourrait bien s'appliquer à d'autres. Les noms de Micron, Samsung ou TSMC, tous bénéficiaires de la manne du CHIPS Act, circulent déjà. Le lithium n'est donc que la nouvelle pièce d'un puzzle industriel que Washington assemble avec une détermination nouvelle. Après les cerveaux électroniques, la matière première de leurs batteries. La logique est implacable.

General Motors, prié de jouer sa partition

Dans cette opération, General Motors se retrouve avec un rôle de premier plan, qu'il le veuille ou non. Déjà fortement engagé financièrement dans Lithium Americas pour des raisons évidentes de transition vers la mobilité électrique, le constructeur automobile se voit maintenant prié de garantir ses achats futurs. Washington aimerait bien s'assurer que le lithium extrait de son précieux gisement trouvera preneur. Une suggestion qui ressemble fort à une offre que l'on ne peut refuser.

Le précieux métal alcalin rejoint les nombreuses préoccupations de l'administration Trump. © Shutterstock

Il faut dire que Thacker Pass est présenté comme le plus grand projet de lithium du monde occidental. De quoi alimenter des centaines de milliers de véhicules électriques par an et, surtout, de réduire la dépendance à des fournisseurs étrangers moins... coopératifs. En orchestrant ce ballet entre le mineur, le constructeur et les deniers publics, l'État américain sécurise une ressource qui, à l'instar du silicium avec Intel, met en scène sa propre vision de la souveraineté industrielle.

En s'invitant au capital du lithium après celui du silicium, l'administration américaine semble savourer son nouveau rôle d'investisseur avisé. Reste à savoir quelle sera la prochaine industrie à recevoir la visite de cet actionnaire au portefeuille si bien garni. Les paris sont ouverts.

Source : Tech Crunch