Neuroo, start-up française spécialisée dans la vidéosurveillance algorithmique, traverse une zone de turbulences. Placée en redressement judiciaire depuis juillet, l'entreprise tente de rebondir malgré des dettes conséquentes.

Créée fin 2020 par Yassir Karroute, Neuroo promettait de révolutionner la sécurité urbaine grâce à son intelligence artificielle capable d'analyser les flux vidéo en temps réel. Quatre ans plus tard, la jeune pousse normande se retrouve dans l'œil du cyclone. Elle cumule 1,5 million d'euros de dettes, pour seulement 660 000 euros de chiffre d'affaires. Une situation paradoxale pour cette entreprise qui compte pourtant des municipalités prestigieuses parmi ses clients.
Neuroo accumule les impayés malgré ses caméras intelligentes
Selon les informations révélées par nos confrères de l'Informé, le tribunal de commerce de Rouen a placé Neuroo en redressement judiciaire le 8 juillet dernier. L'entreprise n'a pas pu honorer ses engagements financiers, à savoir 37 082 euros de salaires impayés au mois de juin, 475 484 euros de charges sociales et fiscales en souffrance, et près d'un million d'euros dus aux fournisseurs.
Pourtant, la technologie développée par la start-up semblait prometteuse. Son système peut détecter automatiquement des situations à risque, comme des départ de feu, des mouvements de foule suspects, la présence d'armes ou des bagages abandonnés dans les gares. La commune d'Aulnay-sous-Bois, équipée de 500 caméras, figure parmi ses principaux clients, même si le projet est actuellement suspendu.
Le coup de grâce est venu du refus de l'administration fiscale de verser un crédit d'impôt recherche de 311 487 euros. Le tribunal administratif de Rouen a estimé que l'entreprise n'avait pas fourni suffisamment de justificatifs détaillés sur le temps consacré par ses ingénieurs aux activités de recherche et développement, une décision contre laquelle Neuroo a fait appel.
L'international et la défense comme dernières cartes à jouer
Yassir Karroute pointe du doigt plusieurs facteurs explicatifs. D'abord, le cadre législatif flou autour de la vidéosurveillance algorithmique, introduit pour les JO 2024, aurait créé une frilosité chez les collectivités. « Par prudence, plusieurs villes ont mis leur projet sur pause », confie-t-il à l'Informé. Un attentisme renforcé par la censure du Conseil constitutionnel en avril dernier.
La crise énergétique a également pesé lourd dans la balance. Les municipalités ont dû arbitrer leurs budgets, et les investissements dans la sécurité ont souvent été reportés pour absorber la hausse des coûts énergétiques. Un contexte post-Covid morose a achevé de fragiliser les finances de l'entreprise, qui n'a pas trouvé son équilibre économique malgré des perspectives technologiques séduisantes.
Alors comment s'en sortir ? Neuroo explore plusieurs pistes de survie. L'international devient une priorité avec des projets pilotes prometteurs, notamment avec la police de Bogota pour la reconnaissance faciale dans la lutte contre les cartels. Un mystérieux acteur français de la défense a également injecté 400 000 euros en urgence, signe que la technologie conserve son potentiel malgré les difficultés actuelles.