L'accord commercial conclu entre Bruxelles et Washington il y a quelques jours enterre le projet de contribution des plateformes numériques aux réseaux télécoms européens. Les opérateurs voient s'envoler leur rêve de faire payer Netflix et consorts.

Les opérateurs français perdent leur bataille contre Netflix et Meta sur le "fair share" © Alexandre Boero / Clubic
Les opérateurs français perdent leur bataille contre Netflix et Meta sur le "fair share" © Alexandre Boero / Clubic

Exit le fair share, bienvenue au statu quo. Dans le grand poker diplomatique qui s'est joué jeudi entre l'Europe et les États-Unis, Bruxelles a sauvé ses régulations stars – le DMA (Digital Markets Act et le DSA (Digital Services Act) – mais a dû jeter l'éponge sur la contribution des Big Tech aux infrastructures télécoms. Un coup de massue pour Orange, Free, Bouygues Telecom et SFR, qui regardent impuissants les géants Netflix, Amazon ou encore Meta engloutir la moitié de leur bande passante sans débourser un centime supplémentaire.

Les géants du streaming vampirisent les réseaux des opérateurs télécoms sans franche contrepartie

C'est sans doute un élément qu'une bonne partie du grand public ne réalise pas, mais qui est une implacable réalité. Netflix, Google, Amazon, Akamai et Meta trustent ensemble environ 50% de la bande passante des réseaux français, selon les chiffres de l'ARCEP, le régulateur des télécoms. Un squattage en règle qui fait bouillir les opérateurs, déjà étranglés entre des investissements pharaoniques et une guerre des prix sans merci.

Comme le révèle Les Echos, cette situation pousse le secteur à envisager un retour à trois acteurs, avec la possible vente de SFR par Patrick Drahi. Une consolidation qui témoigne de l'urgence économique : il est impossible de continuer à investir des milliards dans la fibre et la 5G tout en bradant les forfaits.

L'espoir s'appelait fair share, ce principe de partage équitable défendu bec et ongles par l'ex-commissaire européen au Marché intérieur, le Français et ancien ministre Thierry Breton. Mais dans la déclaration conjointe du bloc UE-USA, la sentence est tombée. « L'Union européenne confirme qu'elle n'instaurera ni ne maintiendra de frais d'utilisation du réseau. » Rideau.

Les opérateurs télécoms misent sur un plan B face au veto américain

Le Digital Network Act (DNA), ce futur texte prévu mi-décembre ne sera même pas le sauveur espéré. D'après Contexte et Les Echos, cette grande réforme des télécoms européens fera également l'impasse sur le fair share. À Bruxelles, on botte en touche, en expliquant ne pas avoir « considéré l'imposition de redevances de réseau comme une solution viable ».

« Tant que la proposition de la Commission n'est pas sortie, on ne sait pas ce qu'il y a dedans », tempère Romain Bonenfant, directeur général de la Fédération française des télécoms, qui refuse de baisser les bras. A-t-il un plan B ? Oui, celui d'étendre aux mastodontes du web le mécanisme de règlement des différends qui existe depuis 2002 entre opérateurs.

Avec le rouleau compresseur Trump et le lobbying des GAFAM, les télécoms européens rabattent leurs ambitions. Plutôt que la taxation frontale, ils plaident maintenant pour « un usage plus sobre des réseaux. » On entend ici une résolution qui s'adapte à votre écran, une compression vidéo optimale, ou la fin de la lecture automatique, qui dévore votre data. Des rustines sur une jambe de bois ? L'avenir le dira.