Le ministère des Armées a détaillé sa Revue nationale stratégie 2025, autrement dit sa nouvelle feuille de route militaire, avec onze objectifs. L'Armée française doit être prête à affronter une guerre de haute intensité d'ici 2030.

Avec le retour de la guerre en Europe et la multiplication des menaces hybrides, la France était presque obligée d'actualiser sa doctrine de défense. La Revue nationale stratégique 2025 est un document qui ne mâche pas ses mots sur les dangers qui nous guettent. Avec onze objectifs aussi précis qu'ambitieux, la France abandonne l'idée d'une paie éternelle, pour se préparer concrètement au combat à haute intensité.
La France a bien identifié ses nouveaux adversaires et les menaces qui en découlent
L'environnement sécuritaire s'est complètement dégradé depuis la publication de la précédente revue, c'était en 2022. La simultanéité des conflits frappe désormais partout, en Ukraine, au Proche-Orient, sans oublier les tensions asiatiques. Combinée à l'accroissement des menaces transnationales, la multiplication des foyers de crise redessine complètement la carte des dangers pour l'Europe.
La Russie représente aujourd'hui la menace la plus directe et la plus immédiate pour la France. Moscou ne se contente plus de mener sa guerre d'agression en Ukraine avec près d'un million de morts et blessés. Le Kremlin développe une stratégie globale de déstabilisation avec des cyberattaques contre nos hôpitaux, des assassinats d'opposants en exil, ou des tentatives de manipulation de nos élections. Tout cela vise à fragiliser le modèle démocratique européen dans son ensemble.
L'Iran et la Chine complètent ce tableau inquiétant. Téhéran alimente les tensions au Moyen-Orient et crée les conditions d'une guerre généralisée dans la région. La Chine, elle, a durci sa posture pour devenir la première puissance mondiale à l'horizon 2050.
Dissuasion nucléaire et résilience cyber au programme français
La Revue nationale stratégique 2025 fixe donc une ambition claire : d'ici 2030, la France doit être « réarmée, matériellement et moralement, pour prévenir, faire face et gagner avec ses alliés une guerre majeure de haute intensité dans le voisinage de l'Europe ». La vision tricolore se concrétise à travers onze objectifs stratégiques qui mobilisent l'ensemble des moyens nationaux.
Premier commandement : maintenir une dissuasion nucléaire robuste et crédible. La France modernise ses deux composantes, aéroportée et océanique, tout en étendant leur protection à la dimension européenne. Cette capacité souveraine constitue le socle de la crédibilité française face aux menaces d'intimidation nucléaire russes.
Deuxième objectif : forger une France unie et résiliente, en contribuant au réarmement moral de la Nation. Il s'agit de mobiliser tous les citoyens, collectivités et entreprises dans une logique de cohésion nationale face aux crises. La société française doit être capable d'absorber les chocs, d'y répondre et de se relever.
Troisième priorité : développer une économie qui se prépare à la guerre. L'économie française doit garantir la continuité des approvisionnements stratégiques, renforcer les capacités industrielles de défense et assurer la soutenabilité budgétaire. La transformation suppose un changement d'échelle dans les investissements et une révision profonde des modèles industriels pour disposer de tous les matériels nécessaires en quantité suffisante.
Quatrième commandement : bâtir une résilience cyber de premier rang. La France entend rester dans le premier cercle des puissances cyber mondiales. Pour cela, elle doit renforcer ses capacités de défense et développer des stratégies de dissuasion, pour rendre les cyberattaques coûteuses pour leurs auteurs.

L'armée française vise l'autonomie stratégique totale d'ici 2030
Poursuivons, avec le cinquième objectif, le cinquième commandement : être un allié fiable dans l'espace euro-atlantique. Dans un contexte de tension avec la Russie et d'incertitude sur l'engagement américain, la France assume son rôle d'allié fiable et soutient un pilier européen plus fort et équilibré au sein de l'OTAN.
Sixième priorité : devenir un moteur de l'autonomie stratégique européenne. La France milite pour un changement d'échelle en matière de capacités européennes, tant technologiques qu'opérationnelles. L'objectif est ainsi de bâtir une Europe capable de défendre seule ses intérêts stratégiques en acceptant des « champions européens » dans les secteurs critiques.
Septième commandement : être un partenaire de souveraineté fiable et pourvoyeuse de sécurité crédible. De l'Afrique à l'Indopacifique, la France diversifie ses partenariats de sécurité, renforce sa présence outre-mer et contribue à la stabilité régionale. Le multilatéralisme reste au cœur de son engagement international.
Huitième objectif : garantir une autonomie d'appréciation et une souveraineté décisionnelle, une question plus que primordiale. Il s'agit de renforcer les services de renseignement, d'anticiper les crises et d'intégrer davantage les chercheurs stratégiques aux décisions nationales pour garantir l'indépendance de jugement de l'État.
Neuvième priorité : développer une capacité à agir dans les champs hybrides. Des stratégies d'influence diverses et variées, aux cyberattaques et à la guerre économique, la France doit savoir contraindre et décourager ses adversaires en articulant mieux les réponses dans tous les domaines de conflictualité.
Dixième commandement : acquérir la capacité d'emporter la décision dans les opérations militaires. La France poursuit l'effort de réarmement engagé depuis 2017 pour que ses armées puissent agir en toute autonomie, protéger les Français et affronter une guerre de haute intensité en Europe avec un modèle cohérent, réactif et crédible.
Enfin, le onzième et dernier objectif consiste à maintenir une excellence scientifique et technologique au service de la souveraineté française et européenne. L'accélération des ruptures technologiques pousse la France à investir massivement dans la recherche et l'excellence académique, pour garantir son avance stratégique et sa souveraineté technologique.