Depuis l’automne 2023, la France impose trois euros minimum pour la livraison de livres neufs. Amazon semble avoir trouvé une faille dans ce cadre strict, en passant par ses casiers automatiques. Une méthode que conteste le Médiateur du livre, et qui pourrait finir devant les tribunaux.

- La loi française impose dès octobre 2023 un minimum de trois euros pour la livraison de livres neufs.
- Amazon esquive cette règle en offrant le retrait gratuit via des lockers, contournant selon certains la législation.
- Le débat s'intensifie avec la possibilité d'un affrontement juridique, impliquant même la Cour de justice européenne.
Amazon et les autorités françaises sont loin de passer leurs vacances ensemble. Depuis l’entrée en vigueur, en octobre dernier, de la loi sur l’économie du livre, un bras de fer juridique et politique s’est engagé. Le texte oblige les plateformes à facturer un minimum de trois euros pour toute livraison à domicile d’un livre neuf. Si l'objectif affiché est de mieux protéger les librairies indépendantes, Amazon n’a pas tardé à proposer une alternative. En offrant le retrait gratuit dans ses lockers, le géant américain estime respecter la législation. Le Médiateur du livre n’est pas de cet avis. Il dénonce un contournement et demande un ajustement. La tension monte, les recours se préparent, et la question s’étend désormais à l’échelle européenne.
Amazon défend ses lockers, mais l’État y voit un tour de passe-passe
Pour éviter de facturer trois euros à ses clients, Amazon propose depuis plusieurs mois le retrait de livres dans ses casiers automatiques. L’entreprise considère ces lockers comme des points de retrait physiques, installés dans des lieux accessibles au public. Elle estime donc que cette solution entre dans les exceptions prévues par la loi, qui n’impose pas de frais de port quand l’acheteur retire son ouvrage dans un commerce vendant des livres.
Problème : ces casiers n’ont rien d’une librairie. C’est ce que rappelle le Médiateur du livre. Dès février, il avait pris position contre cette lecture. Pour lui, seuls les commerces réels disposant d’un espace de vente de livres peuvent bénéficier de cette exonération. Cela inclut les supermarchés avec rayon culturel, mais sûrement pas des machines implantées dans un parking.
L’avis rendu par l’institution publique le confirme : Amazon ne respecte pas l’esprit du texte. Le Médiateur estime qu’un tiers des points de retrait gratuits proposés par Amazon entre dans cette catégorie litigieuse. Ce sont donc potentiellement des milliers de commandes qui échapperaient à la nouvelle règle.
Du côté d’Amazon, on campe sur ses positions. Le groupe considère ses lockers comme des lieux physiques, puisque les clients s’y rendent en personne pour récupérer leurs colis. Il conteste la définition donnée par le Médiateur et évoque une interprétation restrictive de la loi. Le débat devient technique, mais ses conséquences pourraient peser lourd dans le paysage du livre.

Le conflit déborde désormais vers la justice et Bruxelles
L’affaire aurait pu rester cantonnée à un désaccord administratif. Mais l’échec de la médiation ouvre désormais la voie à un affrontement juridique plus large. Dès le mois de décembre, la ministre de la Culture Rachida Dati avait prévenu. Elle accusait Amazon de contourner les règles et promettait une réponse ferme. De son côté, en février, Le Médiateur du Livre avait rendu un avis défavorable quant à l'intégration des lockers d'Amazon dans le principe de gratuité de livraison de livres.
Le Syndicat de la librairie française (SLF) a depuis appuyé cette position. Il accuse Amazon de pratiquer une stratégie de prix qui désavantage les librairies indépendantes, déjà fragilisées. « Il ne s’agit pas simplement d’une astuce logistique. C’est un moyen d’échapper à une règle conçue pour protéger un écosystème entier », a rappelé un représentant du SLF.
La tension ne se limite plus à Paris. La Cour de justice de l’Union européenne doit se pencher prochainement sur la loi française de 2021, à l’origine du tarif minimum de livraison. Amazon soutient que cette mesure restreint la liberté de concurrence et pourrait donc enfreindre les règles du marché intérieur.
La France, de son côté, défend un modèle culturel qui dépasse la simple logique commerciale. Dans l'Hexagone, le livre bénéficie en effet d’un statut particulier. Depuis 1981, il est protégé par une série de lois, dont le prix unique. La loi de 2021 s’inscrit dans cette tradition, en cherchant à limiter les effets d’une guerre des prix menée par les plateformes.
Source : Mac 4 Ever, Le Médiateur du Livre