Jean-Marie MESSIER : Une question sur Vizzavi

Patron pressé, Jean-Marie MESSIER a néanmoins bien voulu répondre à une question au sujet de Vizzavi, le nouveau portail multi accès de Vivendi et Vodaphone, et sur la pertinence de son alliance avec Universal.

JB - Monsieur MESSIER, bonjour. Dans votre livre, vous définissez Vizzavi, votre portail multi accès, comme un distributeur de contenus numériques, un robinet à informations. Sachant que Carrefour n'a pas besoin de fusionner avec Danone ou Procter & Gamble pour vendre des yaourts ou des lessives, pourquoi éprouvez vous le besoin de marier Vizzavi et les contenus d'Universal ? Ne reproduisez vous pas l'erreur des japonais Sony et Matsushita dans leur aventure hollywoodienne des années 80 ?

J2M - Je pense que les japonais n'ont pas su gérer ces majors et j'ai d'ailleurs une anecdote à ce sujet. Quand les japonais sont allés la première fois dans les studios, les managers leur ont expliqué que l'industrie des contenus était une industrie à risque, que sur 10 films, 5 étaient des succès, 5 étaient des échecs. Les japonais leur ont donc demandé pourquoi ils produisaient les échecs !

Il est nécessaire de comprendre qu'un film, ce n'est pas un yaourt. Le yaourt, vous pouvez, à quelques petits ajustement prêts, vendre le même sous sa marque ou sous une marque blanche, partout dans le monde. Par contre, pour l'industrie de la culture, l'industrie des disques, des films et des livres, il s'agît d'une industie de création. Or dans une industrie de création, nous sommes dans une industrie de prototypes. Chaque produit est différent. Chaque produit est un risque en soi.

Face à l'explosion de la demande de produits culturels, il est donc nécessaire de maîtriser son offre de contenus et en particuliers de contenus de qualité. C'est un élément essentiel qui justifie que nous développions à la fois la production et la distribution de ces contenus, pour en garantir la qualité auprès de nos clients.

JB - Monsieur MESSIER, je vous remercie.
Entretien réalisé en Octobre 2000, à l'occasion de la Cité de la Réussite (Sorbonne, Paris)