K. Swaminathan, Accenture : "Dans un monde globalisé, la compétition concerne les talents"

01 avril 2008 à 13h44
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En tant que 'Chief Scientist' d'Accenture, Kishore Swaminathan est chargé de la prospective technologique du groupe américain de conseil en management et services informatiques. Il encadre également quatre centres de recherche et développement basés à Chicago (US), Palo Alto (US), Sophia Antipolis (France) et Bangalore (Inde). A l'occasion d'une visite au siège d'Accenture France, l'ingénieur informatique fait le point sur les opportunités et les défis à relever pour les entreprises sur un marché globalisé et numérique.

AB - Kishore Swaminathan, bonjour. En quelques mots, quels sont les principaux actifs et le coeur de métier d'Accenture ?

KS - Accenture est la plus importante société au niveau mondial de services professionnels, management, conseil technologique et outsourcing. Le groupe emploie plus de 100.700 collaborateurs répartis sur 50 pays. L'actif majeur de la société : ses collaborateurs. Tous ont été formés aux mêmes méthodes. Ainsi, des experts Accenture de New York, de Paris, de Zurich ou de Manille sont en mesure de « parler le même langage » et de travailler de concert pour mener à bien un projet au service du client. Un autre actif consiste en une méthodologie cohérente (meilleures pratiques, outils, etc.) Les laboratoires de recherche sont également un des points forts d'Accenture, comme le sont ses partenariats avec de solides acteurs tels que et .

AB - Pour une entreprise, comment être efficace aujourd'hui dans un monde globalisé et numérique ?

KS - Il y a deux opportunités que les entreprises devraient saisir : la diversité culturelle et les nouvelles générations formées à l'ère numérique. Pour obtenir des résultats tangibles, une organisation doit investir dans cette matière grise. En Inde, par exemple, nous assistons depuis cinq ans à une première vague de recrutements massifs de profils qualifiés, d'informaticiens. Il est nécessaire, par ailleurs, d'éduquer, de respecter la culture locale, d'être sensible à la législation du pays, de proposer des pratiques globales acceptables.

Les grandes entreprises comprennent l'enjeu, mais investir dans d'autres cultures, je n'en suis pas sûr. Accenture peut les aider à franchir le pas, peut accompagner une entreprise qui chercherait à définir ce qu'elle va faire dans un autre pays et comment elle va le faire. Une entreprise qui souhaiterait externaliser sa production en Slovaquie ne ferait pas forcément un choix pertinent en y associant d'autres activités. Sa gestion des ressources humaines, par exemple, pourrait être gérée à un niveau global, plutôt que local.

Dans un monde globalisé, la compétition se fait au niveau des talents. Une société qui souhaite obtenir le meilleur dans ce monde, doit penser et agir en tant que société globalisée. Il se trouve que le siège de cette entreprise pourra être installé à Paris, Londres, NYC ou Bangalore, qua sa R&D pourra être basée dans un autre pays, le design dans une autre région, le développement et la production également, et ce, en fonction des besoins et du marché. Dans les technologies de l'information, le message est passé. Dans la production, on vend global, mais on pense encore local.

AB - Comment la croissance des données, la mobilité, le web social et les contenus générés par les utilisateurs changent la manière de faire du 'business' ?

KS - La montée en puissance du web, ces cinq dernières années, des plates-formes de partage de vidéos, des blogs et des réseaux sociaux, est impressionnante. Parallèlement, avec les appareils photo numériques, les baladeurs, les téléphones mobiles et autres smartphones, les individus ont plus de possibilités dans leur poche. En bref, les contenus peuvent être échangés avec tout le monde, faire et défaire des réputations, des images de marque, modifier grandement un cours de bourse. Il ne s'agit pas d'une simple curiosité, mais bien d'un mouvement de fond que les entreprises ont tout intérêt à comprendre et à intégrer. Créer une communauté efficace peut permettre à une entreprise de réaliser des économies dans le domaine de la relation client, par exemple.

Prenons le cas des réseaux sociaux, plates-formes de mise en relation personnelle et professionnelle. Les organisations ne devraient pas chercher à recréer leur propre LinkedIn ou Facebook, ce serait une erreur. Je m'explique, une entreprise qui en a les moyens peut créer un réseau interne, mais pas innover en la matière, car cela n'est pas son coeur de métier. Bref, l'entreprise n'offrirait qu'un second choix par rapport à ces réseaux spécialisés.

J'insiste, les réseaux sociaux sont une véritable opportunité pour l'entreprise, en termes de contacts avec des partenaires, des clients, des candidats potentiels. Bien sûr, l'entreprise en plus d'encourager l'utilisation de réseaux sociaux par ses collaborateurs doit les sensibiliser aux données qui peuvent être partagées, à celles qui ne devraient pas l'être. Accenture, qui elle-même pratique les échanges à distance et le « réseautage », peut aider les entreprises dans cette démarche. Il ne s'agit pas d'imposer cette pratique aux gens. La démarche devrait être expérimentale et volontaire.

AB - Quelle est la stratégie d'Accenture en matière d'intelligence artificielle et d'interactions homme-machine ?

KS - Il y a 10 ou 15 ans, nous pensions recréer l'intelligence humaine. Depuis ce temps, le web a créé une intelligence très différente, un ordinateur, un terminal peut « voir » via une webcam, enregister des sons via un micro et les diffuser via ses enceintes. Enfin, le « cloud computing » (réseau de calcul distribué à grande échelle dans lequel le stockage des données et l'exécution d'applications s'effectuent, non plus localement, mais via un nuage de serveurs et d'ordinateurs sur le web) élargit le champ des possibles. Une société internet comme Google montre qu'avec une vision stratégique, une équipe soudée et des méthodes statistiques, il est possible d'aller très loin. Plus de puissance en terme de processeurs ne suffit pas !

Concernant l'interaction homme-machine, les applications sont développées par des équipes pluridisciplinaires, programmeurs, designers, sociologues, etc. L'important est de déterminer si l'individu peut utiliser aisément le dispositif qui lui est proposé pour se l'approprier. Apple avec l'iPhone, Nintendo avec la console Wii ou encore Pure Digital avec le mini caméscope Flip Video, l'ont bien compris. Nous-mêmes, chez Accenture, travaillons sur de nombreux projets en la matière.

AB - L'heure est à l'informatique « verte ». Cette approche confère-t-elle un avantage compétitif aux entreprises ?

KS - Il ne s'agit plus seulement pour une entreprise d'être considérée et, surtout, d'agir comme une organisation respectueuse de l'environnement. Réaliser des économies d'énergie, énergie utilisée dans les systèmes d'information, est une nécessité et une opportunité commerciale. Réduire ses coûts énergétiques, peut améliorer des processus majeurs pour l'entreprise comme la logistique et la gestion de l'approvisionnement. De plus, la pression des consommateurs, des partenaires et du cadre réglementaire est forte. Le défi consiste à remplacer des processus énergétiques intensifs par des processus informationnels intensifs.

AB - Que pensez-vous de l'évolution du modèle du logiciel, de l'open source et du logiciel en tant que service (SaaS) ?

KS - Le SaaS (software as a service) est une évolution très intéressante. Le logiciel d'entreprise est accessible depuis un navigateur web en contrepartie d'un abonnement forfaitaire facturé par utilisateur. L'hébergement, l'infrastructure matérielle, est géré par une tierce partie. L'entreprise cliente fait ainsi l'économie de coûts initiaux élevés pour acquérir le logiciel (déploiement, administration système et maintenance). Par ailleurs, la croissance du SaaS en témoigne, le logiciel « à la demande » n'est plus réservé aux PME. Enfin, l'offre s'étend, des acteurs comme Salesforce.com, SAP, Oracle et Microsoft proposent du logiciel à la demande.

Pour l'entreprise, la question centrale reste la sécurité de ses données. Pense-t-elle que ses données soient plus sécurisées sur son propre réseau que sur un réseau tiers ? En novembre dernier, Citigroup, la première banque des Etats-Unis, a décidé d'utiliser Salesforce.com pour 30.000 de ses collaborateurs. Si Citygroup a franchi le pas, d'autres vont suivre. Il s'agit moins d'une question technologique, que d'une question de « business ». L'entreprise doit définir ses priorités (capital cost or operational cost).

Quant au terme open source, il est associé à l'ouverture du code source, à un accès libre en ligne (téléchargement), à une communauté large de développeurs. Les problèmes techniques (bugs) peuvent être réglés plus rapidement et les mises à jour régulières être assurées. Les éditeurs du domaine complètent leurs softwares de services à valeur ajoutée (support, expertise, formation...) Le coût total de possession d'un logiciel open source est moindre que celui d'un logiciel propriétaire, mais la différence n'est pas si marquée que cela, Accenture l'a constaté. Quoi qu'il en soit, les produits sont matures et parfois meilleurs que les solutions propriétaires.

AB - Qu'en est-il de la frontière entre applications et services en ligne personnels et professionnels ?

KS - Le pouvoir se déplace de plus en plus des sociétés technologiques vers les utilisateurs. Les innovations réalisées dans le web grand public par des sociétés comme Yahoo et Google, entrent progressivement dans l'entreprise (mashups, widgets, SaaS, etc.) Enfin, je pense qu'un nombre de plus en plus important d'entreprises high-tech sera largement financé par la publicité.

La force n'est pas dans ce que l'on sait, mais dans la capacité à acquérir de nouveaux savoirs. Le web a permis aux sociétés d'évoluer beaucoup plus rapidement, et je m'en réjouis. Bien entendu, les problématiques de sécurité, de confidentialité des données, de respect de la propriété intellectuelle et des réglementations sont essentielles. Le risque existe, mais les avantages sont nombreux. Il est essentiel d'anticiper les problèmes qui peuvent se présenter, mauvaise publicité, cybercriminalité, urgences, catastrophes, et ce, pour être en mesure de les régler et de se concentrer sur ce qui fonctionne (business continuation).

AB - Kishore Swaminathan, je vous remercie.
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