Data centers : attention aux labels environnementaux bidons

21 octobre 2014 à 13h14
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Pointés du doigt pour leur consommation électrique gargantuesque, les centres de données cherchent à se donner une image plus « green ». De multiples labels, certificats et autres normes attestent désormais de leur efficacité supposée. Mais entre valeurs trompeuses et indicateurs déclaratifs, mieux vaut parfois se méfier. Explications.

Energy Star, ISO 14001, ISO 50001, LEED Silver, BCA Green Mark, Green Grid, Code de bonne conduite de l'Union Européenne, norme Afnor... les certifications d'efficacité énergétique de certains data centers comptent plus de logos que d'autocollants sur une Formule 1. Et pour cause. Selon une étude menée par l'Université de Stanford en 2013, les 500 000 centres de données dispersés de par le monde mobilisent la production de 30 centrales nucléaires. Cela peut sembler énorme, mais au total, ils accaparent « seulement » 1,4% de la consommation électrique mondiale.

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Toutefois, nombre d'acheteurs publics ou privés ont des objectifs en matière de réduction d'émission de gaz à effet de serre ou d'empreinte environnementale. L'efficacité de ces salles est donc devenue essentielle pour gagner des contrats. Elle devient également un enjeu de maîtrise des coûts d'exploitation. Exemple avec le dernier data center construit à la Courneuve par Interxion. L'installation consomme 60 MW, soit l'équivalent d'une ville de 50 000 habitants. « Fondamentalement, c'est une usine électrique, explique Fabrice Coquio président d'Interxion. Ce data center, représente 132 millions d'euros d'investissement. Et sur sa durée de vie, soit 12 à 15 ans, il coûtera deux fois plus en exploitation. » Les opérateurs ont donc tout intérêt à optimiser la consommation, d'autant que le prix de l'électricité ne fera que croître dans les années à venir.

L'omniprésent PUE, une valeur trompeuse

Aujourd'hui, les exploitants de centres de données se focalisent sur une valeur clé pour évaluer l'efficacité énergétique : le PUE ou « Power Usage Effectiveness ». Celui-ci calcule le rapport entre l'électricité globalement consommée par l'installation (refroidissement, éclairage, etc.) et celle utilisée réellement par les matériels informatiques. Beaucoup d'anciens data centers ont, par exemple, des PUE supérieur à 2, c'est-à-dire qu'ils consomment deux fois plus d'énergie au total qu'il n'en faut pour faire fonctionner leurs serveurs. Le PUE optimal, lui, s'établit à 1, valeur vers laquelle tendent les data centers les plus performants. Ainsi Facebook annonce un PUE de 1,07 à pleine charge pour son unité de Prineville dans l'Oregon, un record.

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Vue du centre de données de Facebook dans l'Oregon

Malgré son omniprésence, le PUE suscite quelques réserves. « Attention ! prévient Caroline Vateau, co-gérante de Neutreo, un bureau d'ingénierie sur l'environnement. Il y a le PUE instantané, le PUE mensuel et le PUE sur 12 mois glissants. Certains communiquent même sur leur PUE de conception, c'est-à-dire une valeur théorique cible rarement atteinte. » Enfin, n'oublions pas qu'il s'agit avant tout d'une valeur déclarative, non validée par un tiers indépendant.

Outre l'efficacité énergétique, se pose également la question de l'origine de l'énergie qui alimente le centre. En 2012, dans son rapport « How Clean is Your Cloud ? », Greenpeace soulignait que 61,3% de l'énergie consommée par le data center modèle de Facebook à Prineville provenait du charbon et seulement 9,3% d'énergies renouvelables. Son excellent PUE était donc loin d'être une gage de bonne conduite environnementale. Depuis, Facebook a revu sa copie. Il privilégie désormais les énergies renouvelables pour alimenter ses installations.

Greenpeace fait bouger les géants du net

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Au-delà du PUE, c'est l'empilement des normes réglementaires qui pose aujourd'hui problème aux exploitants de tels centres. « Cette multiplication des certifications fait peser sur nos opérateurs des contraintes telles qu'elles engendrent des retards concurrentiels terribles. Il est temps de faire converger tout cela », estime Philippe Luce, membre du bureau de direction du Cesit, le comité des exploitants de salles informatiques et télécom.

L'ETSI (European Telecommunications Standards Institute), institut de normalisation européen des télécoms, s'est penché sur la question. En juin 2014, il a proposé une nouvelle mesure de l'efficacité énergétique comparable à celle que l'on retrouve déjà dans l'électroménager. Celle-ci comporte 5 niveaux de performance, du A « vert » au I « noir », en passant par le G « rouge ».

Avantage de cet indicateur selon Caroline Vateau, « à la différence du PUE, il prend en compte le type d'énergie consommée. Est-elle renouvelable ? Valorise-t-on la chaleur issue du refroidissement ? C'est une démarche d'autant plus intéressante que l'ETSI dissocie les indicateurs propres à la conception et ceux qui sont opérationnels. Il gomme donc les défauts du PUE. » Mais l'échelle vient juste de faire son apparition. Il va donc falloir du temps pour que les opérateurs se l'approprient et que les acheteurs puissent comparer les valeurs des uns et des autres. Toutefois, il s'agit là encore d'un indicateur déclaratif sans vérification tierce.

Des normes certifiées par l'ISO et l'AFNOR

Certaines données sont tout de même validées par des organismes certificateurs. Les normes ISO par exemple. Plusieurs d'entre-elles concernent indirectement les data centers. C'est notamment le cas des normes 14001, dédiées au management de l'environnement, et de l'ISO 50001 pour le management de l'énergie. « Ces normes sont bien connues des acheteurs publics et privés, précise Caroline Vateau. Mais elles ne permettent pas de benchmarker deux acteurs. Car chacun est libre de mettre en place ses propres indicateurs sous réserve qu'ils soient pertinents au regard de la norme. »

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Pour sa part, l'opérateur de data center Telehouse a fait le choix de la toute nouvelle certification AFAQ « Eco-conception » de l'AFNOR. Cette certification porte sur l'ensemble du cycle de vie du service : de la construction de la salle, au choix des équipements informatiques, en passant par la consommation et les déchets générés.

Caroline Vateau, a assisté Telehouse dans ce processus de certification. « Nous n'avons pas uniquement pris des indicateurs liés à l'énergie, mais aussi aux émissions atmosphériques, à la toxicité, l'épuisement des ressources naturelles, la couche d'ozone ou au réchauffement climatique. Nous avons pu constater qu'entre la construction et l'exploitation, nous avons pu diminuer de manière significative tous ces indicateurs. »

Une centaine de critères ont été évalués lors de ce processus qui a duré 4 ans. Au final, Telehouse a décroché la note de 404 sur 1 000. La certification étant renouvelée tous les 18 mois, la note pourra évoluer en fonction des efforts réalisés pour améliorer l'efficacité des centres de données. Telehouse est le premier opérateur à avoir adopté cette démarche en France. Il compte bien en faire un critère de différentiation avec Amazon, Google ou Microsoft.

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