HTV, la cigogne de ravitaillement japonaise

Eric Bottlaender
Spécialiste espace
05 juillet 2021 à 10h47
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Le cargo HTV-4 accroché par le bras Canadarm2 de la station spatiale internationale. Crédits NASA
Le cargo HTV-4 accroché par le bras Canadarm2 de la station spatiale internationale. Crédits NASA

Développé au début des années 2000 pour amener du fret sur la Station Spatiale Internationale, le cargo HTV est devenu un élément habituel des échanges entre la Terre et l'ISS. Un outil polyvalent, qui a toutefois nécessité beaucoup de moyens… Et qui va évoluer.

La « canette » spatiale a plus d'un tour dans son sac !

Kounotori relève le gant

Le Japon, en tant que partenaire de premier plan des Etats-Unis pour un projet de Station spatiale internationale, s'est rapidement engagé à fournir un module-laboratoire (Kibo). Toutefois sur le moyen terme, l'agence japonaise JAXA a souhaité aller plus loin, et le projet d'un véhicule cargo était déjà en cours de développement bien avant que la retraite des navettes de la NASA soit annoncée. Pourtant, avec le cargo russe Progress et le gros véhicule européen ATV, la « canette » japonaise est devenue un élément essentiel de la ligne de vie reliant le sol et les équipages se succédant au sein de l'ISS… Alors que les nouveaux véhicules des américains n'étaient pas encore disponibles ou peu fiables. HTV dispose d'un nom un peu plus joli au Japon : « Kounotori », la cigogne.

S'il ressemble à un grand cylindre monobloc, en réalité le cargo HTV (H-II Transfer Vehicle) est un assemblage de quatre sections séparées, qui sont cependant toutes sous la responsabilité de Mitsubishi Heavy Industries. De l'arrière à l'avant, on retrouve d'abord le bloc moteur, puis une case à équipements qui contient notamment l'avionique et la gestion électrique. L'alimentation de HTV est assurée par des panneaux solaires qui sont répartis sur l'ensemble de la circonférence cylindrique du module de pratiquement 10 mètres de long et 4,4 m de diamètre.

HTV-8 avec une palette contenant des batteries pour l'ISS, amarré à la station. Crédits NASA
HTV-8 avec une palette contenant des batteries pour l'ISS, amarré à la station. Crédits NASA

Mais la raison d'être de HTV, c'est sa capacité en cargo : jusqu'à 6 tonnes ! Pour cela, il y a deux compartiments à part, situés après les moteurs et l'avionique. Le premier est un segment non pressurisé, qui est ouvert vers l'extérieur et transporte du matériel qui peut être glissé sur un rail. Un système qui a fait ses preuves et qui a été très sollicité au cours des 9 missions HTV. Le deuxième est un compartiment pressurisé contenant du cargo et des expériences, et c'est de ce côté évidemment que HTV est amarré à l'ISS.

Petit surpoids…

Avec 16,5 tonnes sur la balance, c'est la gamme de véhicules spatiaux la plus lourde jamais envoyé en orbite par le japon. Et en réalité, la masse dépasse de loin les capacités du lanceur « classique » utilisé au japon, la fusée H-IIA. Qu'importe, explique Mitsubishi (qui se charge aussi des lanceurs), une version spécifique sera développée. Les changements sont conséquents, y compris toute la structure. Diamètre du premier étage, ajout d'un moteur sur le premier étage, changement de coiffe, et même une zone de lancement aménagée… C'est tout le spatial japonais qui doit s'adapter pour les décollages HTV. Une méthode aux coûts particulièrement élevés, même si l'agenda de Mitsubishi fut facile à préparer : 9 cargos, 9 lanceurs H-IIB ! Le grand véhicule orbital aura bénéficié d'une fusée juste pour lui.

Le puissant lanceur H-2B sur son pas de tir. Crédits JAXA
Le puissant lanceur H-2B sur son pas de tir. Crédits JAXA

HTV a (presque) tout transporté !

Après leur décollage, les cargos HTV mettent environ 24 à 48 heures pour rejoindre la station spatiale, selon leur trajectoire initiale qui est plus basse que l'altitude de l'ISS. Ils s'en approchent ensuite par-dessous, et se placent après de multiples vérifications à environ 8m du port d'amarrage, soit le central (Unity) soit à l'avant de la station (Harmony). Pas de dispositif d'amarrage automatisé : c'est le bras robotisé de l'ISS (Canadarm2) qui vient les agripper et les orienter correctement pour les placer sur l'écoutille, après quoi HTV s'amarre pour une période généralement comprise entre un et deux mois. Le rôle du bras ne s'arrête pas là, puisqu'il sera utilisé pour extraire le cargo dans la partie non pressurisée de HTV.

Les astronautes, pour leur part, doivent attendre quelques heures après l'amarrage avant d'entrer dans le module de stockage intérieur. Ce dernier est assez grand pour accueillir les « racks » scientifiques les plus complets (2 m de haut, 85 cm de large, 1 m de profondeur), une aubaine pour faire évoluer les expériences au sein des trois grands modules scientifiques de la station internationale que sont Destiny, Kibo et Columbus. HTV a aussi transporté de l'eau, de l'oxygène, et embarque comme les autres cargos une part significative de provisions et de consommables divers pour la vie à bord.

Pas de panneau solaire, mais une surface couverte de cellules ! Crédits NASA
Pas de panneau solaire, mais une surface couverte de cellules ! Crédits NASA

Jusqu'à 2020, les décollages de cargo HTV se sont espacés à un peu plus d'un an d'intervalle entre chaque tir : 2009, 2011, 2012, 2013, 2015, 2016, 2018, 2019 et 2020. Neuf exemplaires, dont les quatre derniers, sont connus pour avoir ramené sur la station le remplacement très attendu des anciennes batteries Nickel-Hydrogène par des unités toutes neuves (et produites au Japon) avec une technologie Lithium-Ion. Une mission que seul HTV était en mesure de réussir étant donné la taille des packs de batterie en question. La liste complète de tout ce que doit la station à ce grand véhicule est trop longue, mais on peut aussi souligner que le Japon en a profité pour développer des technologies pour son futur. En 2018, la capsule HTV-7 était équipée d'une petite capsule de retour nommée HSRC, qui a permis de ramener des échantillons qui ont été repêchés dans l'océan Pacifique, piste intéressante car actuellement, seules les capsules Dragon permettent de rapatrier des résultats d'expériences menées sur l'ISS.

Vue d'artiste du futur cargo HTV-X. Crédits JAXA
Vue d'artiste du futur cargo HTV-X. Crédits JAXA

La Cigogne n'a pas dit son dernier mot

Faut-il parler de HTV au présent ou au passé ? Dans sa version originale, celle que l'on a vu depuis une décennie, il serait en effet logique de clore le dossier : le cargo et son puissant lanceur sont à présent à la retraite… Mais c'est pour mieux revenir sur le devant de la scène ! Le Japon, avec sa nouvelle fusée H-3 (premier tir en 2022) pourra envoyer une version entièrement reprise du cargo HTV, pour l'instant nommée HTV-X, qui sera à la fois plus légère (15.5 tonnes annoncées) et plus capable avec une charge utile de plus de 7 tonnes dans ses soutes ! Un véhicule encore plus modulaire que l'actuel, mais aussi plus autonome, avec la possibilité de lui amarrer un étage de transfert pour amener HTV-X ravitailler la future station Gateway en orbite lunaire. Tout cela est encore loin, mais l'avenir du grand cargo japonais paraît assuré. Malheureusement, il devrait perdre dans ces améliorations sa désormais fameuse forme de canette de l'espace…

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Commentaires (2)

finaxe
Remarque : Il faut dire «&nbsp;polyvalent&nbsp;» et non «&nbsp;versatile&nbsp;».<br /> Définition de «&nbsp;versatile&nbsp;» : Qui change facilement d’opinion, qui est sujet à des volte-face subites.
ebottlaender
C’est corrigé, merci !
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