La télévision française vit un moment charnière. Derrière l’impression d’abondance avec plateformes, chaînes FAST, streaming, contenus à la demande, un pan entier du paysage audiovisuel est pourtant en train de s’effriter à grande vitesse : les chaînes thématiques.

Fragmenté, le paysage audiovisuel français est en danger selon l'Acces. © SeventyFour / Shutterstock
Fragmenté, le paysage audiovisuel français est en danger selon l'Acces. © SeventyFour / Shutterstock

Documentaires, jeunesse, musique, sport, cinéma thématique… ces chaînes, longtemps pilier des bouquets des FAI, voient aujourd’hui leur modèle s’effondrer dans une quasi indifférence. Et pour la première fois, leurs représentants parlent d’un « risque systémique ».

Proton VPNProton VPN
9.7/10

Offre partenaire

Streaming | La meilleure expérience avec Proton VPN

Proton VPN propose un large choix de serveurs dans plus de 115 pays vous permettant d'accéder à vos émissions et films en 4K, sans mise en mémoire tampon, ralentissement ni limitation.

Offre partenaire

Un modèle économique en chute libre

Les chiffres présentés par l’Acces, l’association qui regroupe 75 chaînes thématiques, ont de quoi alerter. En dix ans, la consommation linéaire de ces chaînes (hors cinéma premium) a chuté de 50 %. Leurs recettes, elles, ont fondu de 40 %. Près de 400 postes ont disparu en deux ans.

Ce recul n’est pas une simple fluctuation de marché. C’est un changement structurel. L’arrivée massive des plateformes internationales a déplacé l’attention des téléspectateurs, tandis que la distribution par les opérateurs (Free, Orange, SFR, Bouygues) s’est fragmentée. Pour résultat, des chaînes souvent moins mises en avant, parfois retirées des offres ou reléguées en options.

Pour Éric Brion, délégué général de l’Acces, l’équation est brutale : « Si rien n’est fait, les chaînes thématiques vont disparaître en silence. »

FAST et Smart TV : les contours d'un nouveau paysage

Le second séisme vient de la CTV, la télévision connectée qui s’impose comme interface principale du salon. Les Smart TV deviennent des plateformes où les chaînes FAST (des chaînes gratuites financées par la publicité) se multiplient.

Or ces chaînes FAST sont non régulées, moins coûteuses, et déjà omniprésentes dans les environnements des FAI et des Smart TV. Elles occupent des cases autrefois dédiées aux chaînes thématiques françaises.

À cela s’ajoute un verrou technologique. Accéder à l’univers CTV, donc au public, dépend désormais du bon vouloir des constructeurs. « Il est très difficile d’entrer dans la CTV », regrette l’Acces. Autrement dit : les chaînes françaises doivent désormais négocier face aux constructeurs… comme de simples fournisseurs de contenus. Le futur rachat de SFR pourrait encore accentuer ces déséquilibres, en bouleversant la distribution des chaînes dans les bouquets.

Le piratage : un trou noir qui absorbe les revenus

Mais la menace la plus immédiate reste le piratage. Les chaînes thématiques ( sport, documentaire, cinéma) ne sont pas épargnées par les flux illicites, sites de streaming et autres téléchargements.

Plus globalement, l’Arcom estime que les pertes atteindront 600 millions d’euros d’ici 2027. Pour des chaînes déjà fragilisées, ce manque à gagner est colossal.
L'Acces parle d'une « gangrène absolue » avec un phénomène de piratage qui tire les audiences vers le bas, réduit les abonnements et affaiblit toute la chaîne de valeur, du sport au financement des œuvres.

L’Acces demande que les dépenses anti-piratage soient intégrées dans le cadre légal, et appelle à une réforme ambitieuse pour protéger les signaux, les IP et les chaînes elles-mêmes.

Une réforme devenue incontournable ?

Autour de l’Acces, les parlementaires présents, dont Laurent Lafon et Jérémie Patrier-Leitus, ont reconnu l’urgence d’une « grande loi audiovisuelle ». Les règles actuelles, parfois héritées de 1981, ne sont plus adaptées : interdiction de diffuser des films le samedi soir, quotas inadaptés, conventions complexes… pendant que YouTube, TikTok et Netflix prospèrent hors de tout cadre comparable.

Le manifeste de l’Acces ne demande pas des privilèges. Il réclame des conditions équitables dans un paysage où les acteurs internationaux codifient l’attention, où les Smart TV contrôlent les interfaces, et où les chaînes françaises doivent encore respecter des contraintes d’un autre siècle.

Le risque est clair… sans réforme, une partie du paysage télévisuel français pourrait s’éteindre !