L'Assemblée nationale redonne de l'air aux éditeurs de logiciels de caisse. Un amendement adopté jeudi rétablit l'auto-attestation, alternative bienvenue à une certification qui mettait en péril les petites structures.

Derrière le vote des députés du jeudi 20 novembre se cache une bataille méconnue du grand public, mais cruciale pour des milliers de commerçants français. Les logiciels de caisse, ces outils qui enregistrent chaque transaction dans un restaurant ou une boutique, étaient au cœur d'un bras de fer réglementaire. Les élus ont voté un amendement qui redonne aux éditeurs la possibilité de s'auto-attester. L'amendement annule la réforme de 2025 qui imposait une certification obligatoire coûteuse. L'association April, qui défend les logiciels libres, salue le geste de l'Assemblée nationale.
La réglementation des logiciels de caisse devient un piège financier
Pour comprendre l'enjeu, un petit rappel s'impose. Depuis 2016, l'État impose aux logiciels de caisse des garanties contre la fraude fiscale, qui font qu'il est impossible de trafiquer les données, et que tout doit être archivé et sécurisé. À l'époque, les éditeurs avaient le choix entre obtenir une certification d'un organisme tiers, ou s'auto-attester en engageant leur responsabilité. Un équilibre qui a fonctionné pendant près de dix ans.
Mais voilà, la loi de finances 2025 a tout changé. D'un coup de plume parlementaire, l'auto-attestation a disparu, pour faire basculer le système vers une certification obligatoire, délivrée par seulement deux organismes en France. Un quasi-monopole a qui fait flamber les prix comme les députés l'expliquent : 15 000 euros la première année, 6 000 euros par an ensuite. Pour un développeur indépendant ou une TPE, c'est tout simplement rédhibitoire.
Au-delà du coût financier, la lourdeur administrative était en train d'achever les plus fragiles. Car il faudrait entre plusieurs semaines et deux mois de travail chaque année pour monter des dossiers techniques titanesques. Sans oublier l'effet ricochet de commerçants contraints d'abandonner leurs solutions sur mesure pour des logiciels standardisés plus chers. Les restaurateurs, les boutiques de textile et les commerces de quartier auraient trinqué les premiers.
Il n'existe pas de preuve que l'auto-attestation favorise la fraude fiscale
L'association April, fer de lance de la défense du logiciel libre en France, a sonné l'alarme il y a un an déjà. Pour elle, cette réglementation héritée de 2014 est totalement décalée. Les architectures cloud, les solutions SaaS et les développements itératifs qui caractérisent l'informatique moderne ne s'accommodent guère d'un carcan bureaucratique pensé pour une autre époque technologique.
Le plus absurde, c'est que le gouvernement lui-même a admis en 2024 ne disposer d'aucune preuve qu'un logiciel auto-attesté facilite davantage la fraude. Les vrais tricheurs ne s'embarrassent pas de subtilités techniques. Ils ont pour cela les paiements en liquide non déclarés, ou la double comptabilité... Ces pratiques fonctionnent hélas avec n'importe quel système. Imposer une certification universelle ne résout donc rien, mais élimine au passage des acteurs parfaitement honnêtes.
Étienne Gonnu, qui est chargé de mission affaires publiques pour l'April, applaudit le vote de jeudi. Il explique que « l'auto-attestation n'est pas synonyme de fraude, pas plus que la certification n'est une garantie de conformité. » Plutôt que de brider tout un secteur, le retour à un système dual redonnerait donc de la souplesse. Certification pour ceux qui le souhaitent, attestation pour les autres. Un équilibre retrouvé, même si le parcours législatif reste incertain, la faute à une Assemblée nationale bien peu fiable depuis de longs mois.