Que ce soit en Ukraine, au Proche-Orient ou en Chine, les menaces se multiplient. Avec une nouvelle donne géopolitique et l'explosion des données, les trois services de renseignement français (DGSE, DRM et DRSD) orchestrent une vraie mutation technologique, pour garder une longueur d'avance.

Entre les satellites, les drones et les interceptions électromagnétiques, le champ de bataille moderne est devenu presque transparent. Chaque centimètre est désormais scruté en permanence. Jamais les armées n'ont eu autant de données brutes à traiter. La Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la Direction du renseignement militaire (DRM) et la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD) font face à un défi inédit, qui consiste à transformer ce déluge en renseignement exploitable, là où l'œil humain ne suffit plus.
La guerre hybride redéfinit les règles du renseignement français
La guerre en Ukraine, les tensions au Proche-Orient et les ambitions militaires de la Chine symbolisent une conflictualité qui dépasse les champs de bataille traditionnels. L'hybride devient le nouveau visage de la guerre, avec les cyberattaques, les ingérences étrangères et les manipulations diverses de l'information, qui affaiblissent désormais les pays sans déclencher de conflit ouvert.
Le renseignement doit donc évoluer radicalement. Le temps où collecter simplement de l'information suffisait semble révolu. Désormais, il s'agit de hiérarchiser, recouper et interpréter en temps réel cette masse exponentielle de données pour réduire l'incertitude et éclairer la décision. Un vrai exercice d'équilibriste entre technologie, géopolitique et intuition humaine.
La Revue nationale de sécurité 2025 fixe un cap clair, qui est de permettre à la France d'analyser les menaces par elle-même et de décider sans dépendre d'autres pays. Pour y parvenir, les trois services investissent massivement dans les nouvelles technologies. Car aujourd'hui, le vrai défi n'est plus de manquer d'informations, mais de savoir extraire l'essentiel du superflu dans ce flot incessant de données.
DGSE, DRM, DRSD : trois missions complémentaires pour protéger la France
La DGSE, ce service secret par excellence qui évoque aux amateurs la pépite d'Éric Rochant, Le Bureau des Légendes, ne se résume pas à ses agents clandestins. Comme le confie l'un de ses agents, « les équipes couvrent, vu l'état du monde, des situations et des zones de crises très larges. Elles veillent, mais plus que ça, elles enquêtent. »
Créée en 1992 après la guerre du Golfe, la DRM, elle, éclaire les décisions politiques et militaires. Son directeur, le général Jacques de Montgros, martèle une évidence. « Il n'y a pas d'opérations sans renseignement. » Le travail de la DRM consiste selon lui à « décrypter le chaos du monde », en surveillant capacités militaires, stocks d'armement et sites de prolifération nucléaire.
La DRSD, de son côté, a une mission particulière : protéger les entreprises qui fabriquent des avions, satellites et armements pour la France. Ces sociétés sont, il faut le dire, devenues des cibles de choix pour les États étrangers qui veulent voler leurs secrets technologiques. Les cyberattaques menées en 2022 contre des industriels qui soutiennent l'Ukraine l'ont prouvé. Alors face à ces menaces variées (sabotage, espionnage, terrorisme), les trois services adoptent désormais l'omniprésente intelligence artificielle pour analyser automatiquement les masses de données, et détecter les dangers avant qu'il ne soit trop tard.