La menace des drones pousse la France à renforcer sa défense aérienne. L'armée de l'Air, qui a fait de la lutte anti-drones un vrai pilier, déploie des lasers, systèmes de brouillages et autres technologies pour protéger son espace.

L'armée française révèle sa stratégie contre les drones © Es sarawuth / Shutterstock
L'armée française révèle sa stratégie contre les drones © Es sarawuth / Shutterstock

Les drones ne sont plus de simples gadgets volants, l'actualité nous le rappelle chaque jour. Les récentes intrusions aériennes chez nos alliés européens (Belgique, Allemagne, Danemark, Pologne et autres) et l'utilisation massive de ces engins en Ukraine ont changé la donne. La France doit désormais protéger son ciel contre une menace qui évolue à vitesse grand V, en parallèle du renforcement de son équipement. Lors d'un point presse au ministère des Armées, le général Olivier Poncet, chef d’état-major du Commandement de la défense aérienne, a détaillé comment l'Hexagone se prépare à cette nouvelle guerre technologique.

Une surveillance permanente du ciel français

Depuis huit décennies, l'armée de l'Air et de l'Espace veille sur notre espace aérien. Sauf qu'aujourd'hui, surveiller le ciel français ne ressemble plus à ce que c'était. « Les menaces sur nos espaces aériens sont multiples et se situent dans toutes les couches de l'atmosphère : des plus basses avec les mini-drones jusqu'aux objets en très haute altitude », explique le général Poncet. On comprend que tout ce qui vole peut potentiellement poser problème.

Le système de défense, la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A) mobilise 450 militaires en permanence, 24h/24 et 365 jours par an. Plus de 70 radars scrutent le ciel français en appui, en étant connectés à des centres de contrôle qui dialoguent avec le quartier général de Lyon-Mont Verdun. Ce hub technologique peut orchestrer l'interception d'un appareil suspect aux quatre coins du pays en quelques minutes chrono.

Cerise sur le gâteau, le dispositif repose sur une synergie inédite entre armées, ministères et alliés internationaux. « Nous avons des moyens d'appui et de soutien nous permettant de durer si besoin. H24, à l'heure où l'on se parle, nous sommes en mesure d'intervenir », assure le général. Si la situation devient critique, c'est le Premier ministre lui-même, via la Haute autorité de défense aérienne, qui donne le feu vert pour ordonner les mesures musclées.

Le général de brigade aérienne Olivier Poncet, chef d’état-major du Commandement de la défense aérienne © Vincent Allibert / DICOD / Ministère des Armées
Le général de brigade aérienne Olivier Poncet, chef d’état-major du Commandement de la défense aérienne © Vincent Allibert / DICOD / Ministère des Armées

Comment la France neutralise les drones par brouillage ou interception

Quand la France organise des événements sensibles, la défense aérienne passe à la vitesse supérieure. Qu'il s'agisse du défilé du 14 juillet ou des Jeux olympiques, ces moments sont propices à la création de bulles de protection temporaires ultra-strictes. Concrètement, l'espace aérien devient une zone interdite, verrouillée et hermétique. Pour l'ouverture des JO 2024, Paris et ses environs étaient protégés sur un rayon de 150 kilomètres.

Comment protège-t-on un tel événement ? D'abord, il faut détecter la menace, et la France peut le faire grâce aux systèmes MILAD, PARADE et BASSALT qui combinent radars, caméras spécialisées et capteurs radio. Une fois le drone repéré, place à la neutralisation. Des hélicoptères Fennec équipés de brouilleurs électroniques coupent alors la liaison avec le pilote. Une technique plus poussée, la « capture électronique », permet de prendre le contrôle du drone à distance.

Et quand rien ne fonctionne, l'armée sort l'artillerie lourde, au sens propre. Tir de précision, artillerie sol-air, et en dernier recours, des chasseurs armés de missiles peuvent abattre les gros drones. Mais la vraie révolution vient des armes à énergie dirigée que l'armée teste actuellement. On parle ici de lasers et faisceaux micro-ondes capables de griller l'électronique d'un drone à distance. Ce n'est pas de la science-fiction, puisque cela a été testé aux JO avec succès.

La France veut une cartographie de l'activité aérienne unifiée en temps réel

Les chiffres des Jeux de Paris en disent long d'ailleurs sur le sérieux de la défense française en la matière. Près de 400 drones furent repérés durant l'événement, pour une centaine d'appareils stoppés nets par brouillage, saisies physiques ou arrestations des pilotes. Rappelons qu'aucun incident n'a été rapporté pendant les compétitions. Une réussite qui prouve que la stratégie française fonctionne, même si elle révèle surtout l'omniprésence de ces engins. Les gros drones, comparables à de petits avions, peuvent être interceptés par la chasse. Mais pour les mini-drones, ceux qu'on achète sur Amazon, Temu et d'autres, les choses sont plus compliquées.

En théorie, protéger les sites sensibles (aéroports, prisons, centrales nucléaires, usines stratégiques) relève d'abord des autorités civiles concernées. « L'Armée de l'air n'assure pas la primo-intervention, qui incombe aux autorités compétentes. En revanche, elle reste au cœur du dispositif : informée immédiatement de tout incident, elle peut intervenir en relais », précise le général Olivier Poncet. Cette coordination est rodée lors d'exercices réguliers baptisés X-LAD, où les dernières innovations sont mises à l'épreuve du réel.

L'objectif futur de l'armée française est de créer une sorte de « GPS des drones », qui serait accessible en direct et afficherait tous les appareils en vol sur le territoire. Ce système, baptisé RUP, fusionnerait les données des radars militaires et civils pour offrir une vue d'ensemble instantanée. En parallèle, la France sait qu'elle doit passer à la vitesse supérieure en produisant en série les armes qui fonctionnent, comme les lasers anti-drones, les mini et micro-ondes, ainsi que les algorithmes d'intelligence artificielle.