Symbole historique de la French Tech, Criteo abandonne son siège français. La société de publicité en ligne déménagera d'abord au Luxembourg, avant de s'installer l'année prochaine aux États-Unis.

Créée il y a 20 ans et longtemps présentée comme un modèle de réussite français, l'entreprise Criteo, spécialisée dans le retargeting publicitaire, quitte pourtant son berceau hexagonal pour les États-Unis. Le transfert, prévu pour le troisième trimestre 2026, entérine une réalité déjà installée, avec 900 millions de dollars de revenus générés aux États-Unis et un PDG installé à New York. Sur le papier, Criteo, groupe coté à Wall Street depuis 2013, était déjà parti.
Depuis l'épisode des cookies tiers, Criteo essaie de se réinventer
Revenons un peu en arrière pour essayer de comprendre le raisonnement de Criteo. En 2005, Jean-Baptiste Rudelle cofonde l'entreprise en se basant sur des algorithmes de retargeting qui suivent les internautes grâce aux cookies tiers qui font tant polémique, pour leur proposer des publicités ciblées. Le concept cartonne. En 2012, la valorisation grimpe à 800 millions de dollars et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault vante « le génie spécifique français qui a donné naissance à Criteo ».
Le pic arrive en 2017, avec 3,4 milliards de dollars de capitalisation à Wall Street. Mais la chute guette déjà. Apple puis Google restreignent progressivement l'usage des cookies tiers, ce qui étouffe le modèle historique de Criteo. Depuis, la valorisation de l'entreprise a été divisée par trois. Malgré un pivot vers le « retail media », cette nouvelle façon pour les enseignes de monétiser leurs espaces web et données clients, l'entreprise ne retrouve pas de sa superbe.
Aujourd'hui, Criteo reste rentable, mais malgré ses 3 500 salariés dans le monde, la société ne fait plus rêver comme jadis. Le groupe a donc diversifié ses activités et cherché de nouveaux relais de croissance, sans jamais vraiment renouer avec son âge d'or. Et manifestement, l'avenir de l'entreprise ne s'écrit plus depuis Paris, mais depuis Manhattan.
Un départ qui symbolise le déclin de l'attractivité tech française ?
Pourquoi partir ? Pour des raisons purement financières. Frederik van der Kooi, président du conseil d'administration, l'assume, comme le rapporte le journal Les Echos : intégrer les grands indices américains comme le S&P 500 permettrait d'attirer les fonds passifs, ces placements automatisés qui représentent désormais plus de 50% du marché américain. En 2013, lors de l'introduction en Bourse de Criteo, ils ne pesaient que 30%. Un basculement stratégique.
Le passage par la domiciliation juridique et légale au Luxembourg permet à Criteo de suivre son processus de départ de la France. Aucune loi française ne permet à une société hexagonale de devenir directement américaine. Le Grand-Duché, lui, dispose d'un cadre éprouvé pour ces transformations. Criteo promet qu'aucun des 3 500 salariés ne sera affecté, surtout pas les 25% basés en France, premier bureau mondial du groupe, faut-il le rappeler. Ces garanties ne convainquent toutefois pas tout le monde.
Car au-delà des arguments comptables, le symbole est lourd. Un expert du secteur le dit crûment : « Cela fait longtemps que les décisions stratégiques chez Criteo se prennent ailleurs, mais cette annonce n'est pas seulement symbolique. C'est inquiétant pour l'attractivité de la France et de l'Europe (...). Voir ces centres de décision partir ailleurs, c'est affaiblir notre futur. », ajoute-t-il, comme fataliste.
