Noland Arbaugh est le premier humain à recevoir l’interface cerveau-ordinateur de Neuralink. Un an et demi après l'intervention, il raconte comment cette puce a transformé son quotidien. Paralysé depuis 2016, il contrôle désormais des appareils par la pensée et reprend ses études en neurosciences.

Neuralink d’Elon Musk veut permettre à des personnes paralysées de commander des prothèses, à certains patients de retrouver la parole et rendre la vue aux malvoyants - ©Kemarrravv13 / Shutterstock
Neuralink d’Elon Musk veut permettre à des personnes paralysées de commander des prothèses, à certains patients de retrouver la parole et rendre la vue aux malvoyants - ©Kemarrravv13 / Shutterstock

Vous avez peut-être oublié son nom, mais lui, sûrement pas son opération. Dix-huit mois après l’intervention, Noland Arbaugh tire un premier bilan. À 29 ans, paralysé des épaules aux pieds depuis un accident de natation en 2016, il a reçu en janvier 2024 le tout premier implant cérébral de Neuralink. L’intervention robotisée, menée en deux heures au Barrow Neurological Institute de Phoenix, a permis de glisser des milliers de fils ultrafins dans son cortex moteur.

Depuis, la puce Telepathy traduit ses signaux neuronaux en commandes numériques. Grâce à elle, le patient peut à nouveau naviguer sur Internet, jouer à Mario Kart, étudier et contrôler sa maison connectée uniquement par la pensée. « Avant cet implant, ma vie ressemblait à un tourbillon de temps sans signification. Aujourd’hui, je peux enfin retrouver des projets », confie-t-il. Il utilise la technologie jusqu’à dix heures par jour, comme quoi, ce geste médical a bouleversé son quotidien.

De la paralysie à l’autonomie retrouvée grâce à une puce sans fil

Lorsque les ingénieurs lui ont présenté le dispositif, Noland Arbaugh a vite compris les contraintes techniques. L’appareil fonctionne sans fil, mais doit être rechargé plusieurs fois chaque jour. « Honnêtement, je préfère brancher un câble que rester enfermé dans mon fauteuil. Ce petit inconvénient, ce n’est rien comparé à ce que j’ai gagné », explique-t-il.

Car le patient s’est réinventé. Il a repris ses études en neurosciences, le domaine même dont dépend désormais sa vie. Ses journées s’organisent autour des cours, des échanges en ligne et de nouveaux projets. « On m’a toujours dit que j’avais du potentiel. La différence, c’est que maintenant je peux enfin l’exprimer », souligne-t-il.

Cette intervention l'a semble-t-il galvanisé. Noland Arbaugh a pris la parole en public. Sur scène, il raconte son quotidien devant des salles combles, parfois à l’autre bout du monde. Il finance lui-même ces conférences, sans rémunération de Neuralink. Ce rôle, il l’assume avec humour et gravité tout à la fois. L’homme qui avait lancé un « Salut les humains ! » lors d’une présentation en direct est devenu malgré lui l’ambassadeur humain d’une technologie encore expérimentale. Pour lui, cette puce n’est pas un simple dispositif médical : « C’est un outil de liberté. Elle m’a rendu ma dignité ».

Pour Noland Arbaugh, « La puce seule ne suffit pas. Ce sont les gens derrière elle, leur créativité, leur humanité, qui changent vraiment les choses » - © Neuralink
Pour Noland Arbaugh, « La puce seule ne suffit pas. Ce sont les gens derrière elle, leur créativité, leur humanité, qui changent vraiment les choses » - © Neuralink

Être pionnier comporte son lot de difficultés et de stress

Si cette reconnaissance lui offre une nouvelle visibilité, elle a aussi un prix. Le fait d’être le premier patient lui a attiré des ennuis, au-delà de tout ce qu’il pouvait imaginer. Très vite, l’exposition médiatique s’est changée en harcèlement. « On m’a inondé de menaces et d’insultes », raconte-t-il. Et un jour, un faux appel a même déclenché l’intervention du SWAT à son domicile. « Voir des hommes armés pénétrer chez moi par erreur, c’est une image que je n’oublierai jamais », ajoute l’homme. Pour lui, ces épreuves rappellent que derrière chaque avancée médicale, il y a toujours un coût humain.

Mais rien ne semble arrêter. Noland Arbaugh qui continue de défendre ardemment le projet. « La puce seule ne suffit pas. Ce sont les gens derrière elle, leur créativité, leur humanité, qui changent vraiment les choses », affirme-t-il. Son témoignage conduit à une réflexion plus large : que signifie être humain si notre cerveau peut se connecter directement à une machine ?

Dans ce débat, Neuralink s’avance déjà vers d’autres horizons. L’entreprise d’Elon Musk veut permettre à des personnes paralysées de commander des prothèses, à certains patients de retrouver la parole, et mise même sur le projet Blindsight pour rendre la vue aux malvoyants. Des obstacles persistent, comme l’autonomie des batteries ou la précision du signal, mais l’exemple de Noland Arbaugh prouve que ces interfaces ne relèvent plus de la science-fiction.

Neuralink a déjà implanté sa technologie chez 12 personnes, selon les annonces de septembre 2025. L’entreprise prévoit entre 20 et 30 nouvelles opérations d'ici à la fin de l’année.