La grande vague de licenciements par l’intelligence artificielle attendra, visiblement. Contre toute attente, les dirigeants d’entreprise semblent bien plus occupés à installer des assistants automatisés qu’à vider leurs bureaux.

Les licenciements actuels relèvent davantage d’une conjoncture heurtée et de « mises à jour technologiques » hétéroclites, où l’IA n’apparaît qu’en second plan et souvent mal catégorisée. © Shutterstock
Les licenciements actuels relèvent davantage d’une conjoncture heurtée et de « mises à jour technologiques » hétéroclites, où l’IA n’apparaît qu’en second plan et souvent mal catégorisée. © Shutterstock

On nous promettait un grand remplacement algorithmique, une purge en règle des cols blancs menée par des processeurs surpuissants. Pourtant, la vague de licenciements actuelle sent davantage la fin de trimestre difficile que l’avènement de Skynet. Une récente enquête vient doucher les ardeurs des prophètes de malheur : à peine un dirigeant sur dix envisage sérieusement de confier les clés à une IA pour réduire ses effectifs à court terme.

La réalité du terrain, moins spectaculaire que la fiction

Soyons clairs, l’apocalypse n’est pas pour demain. Seuls 11% des décideurs s’attendent à des coupes sombres dans leurs équipes à cause de l’IA. Pour les 89% restants, l’heure est à l’enthousiasme prudent : l’IA serait avant tout un outil pour seconder les salariés, automatiser les tâches ingrates et, qui sait, créer de nouvelles opportunités. La douce musique de la productivité, servie par des « agents » autonomes, semble bien plus séduisante que le chaos d’une restructuration massive.

Les annonces de licenciements qui citent l’IA comme coupable sont en réalité une façade commode. Les statistiques montrent que les entreprises préfèrent invoquer une nébuleuse « mise à jour technologique » plutôt que d’admettre que l’économie tousse. Ce fourre-tout bien pratique permet de masquer des décisions bien plus terre à terre, dictées par les budgets et la pression des actionnaires, où l’IA n’est qu’un prétexte marginal.

 À court terme, l’IA s’installe surtout comme copilote de productivité, au service des salariés, davantage que comme déclencheur d’une hémorragie d’emplois © Shutterstock
À court terme, l’IA s’installe surtout comme copilote de productivité, au service des salariés, davantage que comme déclencheur d’une hémorragie d’emplois © Shutterstock

Des tâches grignotées, pas des métiers dévorés

Comme le rappelait avec optimisme le fondateur de LinkedIn, l’IA est un amplificateur de compétences. Les analyses de Microsoft sur les métiers de demain vont dans le même sens : l’IA grignote des tâches, mais dévore rarement des postes entiers. Pendant que l’intelligence artificielle apprend à rédiger des courriels et à remplir des tableaux, les savoir-faire qui requièrent du jugement, de la créativité ou une interaction humaine complexe restent hors de sa portée. Le plombier, lui, a encore de beaux jours devant lui.

Pendant ce temps, les grandes organisations internationales sortent la calculette. Le FMI, jamais en retard d’une projection sur dix ans, nous explique que 40% des emplois sont « exposés ». La solution magique ? La fameuse « montée en compétences », ce mantra répété à l’envi pour accompagner une transition qui s’annonce surtout longue et complexe. On forme, on adapte, on rassure, en espérant que la machine ne devienne pas trop vite autonome.

Pour l’instant, le déploiement de l’IA dans les entreprises ressemble plus à une distribution de calculettes améliorées qu’à un plan de remplacement généralisé. L’objectif reste d’augmenter l’efficacité des équipes en place, pas de les congédier. Le vrai test viendra lorsque les budgets se resserreront vraiment. On verra alors si le sympathique « copilote » ne se transforme pas en siège éjectable. D’ici là, le grand fossoyeur d’emplois semble surtout prendre son temps, probablement occupé à calculer son propre retour sur investissement.

Source : ZDNET