Patrick Drahi disposerait de deux ans pour céder SFR. Sinon, ses créanciers prendront les commandes d'Altice France.

Le ton est donné par les créanciers d'Altice France. Le temps des politesses et des négociations feutrées semble révolu puisque Patrick Drahi aurait, dans l'esprit de ses créanciers, jusqu'à fin 2027 pour vendre SFR, dont les opérateurs se disputent les acquis, au meilleur prix. Un délai serré pour l'homme d'affaires, qui conserve le contrôle opérationnel de sa société, mais doit trouver une solution pour la céder.
Les créanciers d'Altice imposent leurs conditions après l'accord financier
Selon les informations de La Tribune, l'accord de restructuration signé par Patrick Drahi relève surtout du tour de force. Convertir 8,6 milliards d'euros de dette en échange de 45% du capital, tout en gardant les manettes opérationnelles, tient de l'exploit pour un groupe initialement endetté à hauteur de 24,1 milliards d'euros.
Mais derrière cette victoire apparente, se joue une réalité plus crue. « Si Patrick Drahi ne cède pas SFR sous deux ans, on le sort », lâche sans détour une des parties prenantes. BlackRock, BNP Paribas, JP Morgan et Fidelity Investment ne plaisantent plus et voudraient vite récupérer leur dû.
L'entrepreneur garde une marge de manœuvre limitée, puisqu'il ne peut agir librement que pour les transactions inférieures à 1 milliard d'euros et pour une éventuelle vente totale d'Altice France à 23,6 milliards ou plus. En revanche, les ventes d'actifs supérieures à 3 milliards d'euros nécessitent l'accord de deux nouveaux administrateurs indépendants choisis par les créanciers, qui disposent d'un droit de veto sur ces opérations majeures.
Double LuxCo, l'arme fatale des créanciers contre Altice Franc
L'innovation de cet accord réside dans sa structure juridique. La « double LuxCo » créée au Luxembourg fonctionne un peu comme un piège à retardement pour Patrick Drahi. Ce montage repose sur trois sociétés en cascade, à savoir LuxCo 3 (détenue à 45% par les créanciers), qui possède LuxCo 2, qui elle-même détient LuxCo 1 avec tous les actifs français d'Altice. Si Patrick Drahi ne respecte pas ses engagements contractuels, les créanciers pourraient instantanément s'emparer de toute cette chaîne.
« Si un événement déclencheur (…) intervient, les créanciers garantis par les LuxCos 3 et 2 peuvent s'approprier les titres de LuxCos 2 et 1 et prendre le contrôle de l'activité française d'Altice », explique dans le détail Thomas Mastrullo, professeur adjoint à l'université du Luxembourg, spécialiste en droit commercial. En d'autres termes, on comprend que le moindre retard de paiement dès 2028 activerait cette clause.
Le temps presse d'autant pour SFR. Si l'opérateur au carré rouge a réussi son pari technologique en dévoilant la box internet la plus évoluée de son histoire, il a encore perdu 34 000 clients au deuxième trimestre 2025, tandis que ses revenus chutent de 9,1% et son EBITDA de 10,4%. Tout cela complique la mission de Patrick Drahi, qui doit absolument conclure une vente avant que la valeur de ses actifs ne s'effrite davantage.