Connu en ligne sous le pseudo de Jean Pormanove, Raphaël Graven, est mort en direct sur Kick le 18 août, après des mois de sévices diffusés en streaming. L'affaire remet sur la table la responsabilité d'une plateforme déjà épinglée pour sa modération défaillante et ses rapports tendus avec les régulateurs européens.

Kick a été créé en 2022 pour concurrencer Twitch - ©jackpress / Shutterstock
Kick a été créé en 2022 pour concurrencer Twitch - ©jackpress / Shutterstock
L'info en 3 points
  • Le 18 août, Raphaël Graven (Jean Pormanove) est mort en direct sur Kick après des mois d’humiliations et violences diffusées en streaming.
  • Malgré signalements et enquêtes depuis fin 2024, Kick a laissé prospérer la chaîne, avec une modération jugée insuffisante et des contenus illicites visibles.
  • Sous pression d’Arcom et de la Commission, Kick promet de réviser sa modération, a banni les comptes concernés et nommé un responsable légal en Europe.

Des milliers de spectateurs ont assisté à la scène. Le 18 août, Raphaël Graven, alias Jean Pormanove, ancien militaire de 46 ans, est mort en direct sur Kick. Depuis plusieurs mois, il subissait humiliations et violences lors de ses diffusions marathon qui attiraient un public avide de provocations extrêmes. La victime apparaissait aux côtés de deux streameurs, Narutovie et Safine, qui multipliaient coups, décharges électriques et autres sévices présentés comme des « défis ».

Les autorités françaises ont ouvert une enquête pour déterminer les causes exactes du décès et établir la part de responsabilité du site de streaming. Car Kick hébergeait et promouvait ces contenus, tout en affichant des chiffres de modération particulièrement bas. Quelques jours après le drame, la plateforme a annoncé des changements et accepté de dialoguer avec les régulateurs européens.

Twitch
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Kick connaissait le contenu et a laissé prospérer une chaîne violente

Juristes et associations pointent du doigt la responsabilité d'hébergeur. La loi française et le règlement européen sur les services numériques (DSA) imposent aux plateformes de retirer les contenus illicites, notamment ceux portant atteinte à la dignité humaine. Les vidéos diffusées sur la chaîne de Pormanove tombaient clairement dans cette catégorie.

Les faits étaient pourtant documentés depuis fin 2024. Mediapart avait publié une enquête détaillant les humiliations répétées subies par Pormanove et un autre participant handicapé. Le parquet de Nice avait alors ouvert une enquête pour violences, incitation à la haine et diffusion de contenus illégaux. Malgré ces signalements, Kick a continué de mettre en avant les streams en question. La chaîne de Pormanove avait même été brièvement suspendue avant de réapparaître dans les recommandations.

La Ligue des droits de l'homme a également saisi l'Arcom en février, dénonçant la modération jugée insuffisante du site. L'association rappelait que « la dignité humaine est un principe à valeur constitutionnelle ». Dans son rapport de transparence, Kick indiquait que seulement 3,42 % des signalements d'utilisateurs débouchaient sur une suppression de contenu, contre environ 16 % chez Twitch.

Kick prétendait que les streameurs devaient respecter la loi de leur pays et que toute violation pouvait entraîner une exclusion. Mais le cas Pormanove prouve que la plateforme n'a jamais vraiment appliqué cette règle. La chaîne figurait parmi les plus populaires de Kick en France, au point d'être utilisée par l'antenne francophone pour vendre des produits dérivés. L'entreprise a supprimé ces messages après la mort du streameur.

Après avoir été contacté par l'Arcom, Kick va devoir se conformer au DSA - ©Ivan Marc / Shutterstock

Sous la pression de l'Arcom, Kick promet une révision de ses règles

Trois jours après le décès, l'Arcom a rencontré des responsables de Kick. L'autorité confirme que la société s'est engagée à « revoir l'ensemble de ses procédés en matière de modération » et à modifier ses conditions d'utilisation. L'Arcom précise aussi que Kick a « promis de coopérer pleinement avec les régulateurs européens ».

Autre difficulté : plusieurs autorités nationales, en France et en Allemagne, avaient cherché en vain le représentant légal de Kick en Europe. Or, selon le DSA, la présence d'un représentant identifié est indispensable pour engager toute procédure. C'est finalement la Commission européenne qui a annoncé, le 20 août, la désignation d'un responsable juridique basé à Malte. Cette étape permet désormais un suivi régulier de la plateforme.

De son côté, Kick a annoncé le bannissement définitif des trois comptes liés à l'affaire Pormanove et mis fin à la collaboration avec son ancienne agence française de communication. Reste à voir si ces annonces se traduiront par des changements concrets dans les mois qui viennent.

Le cas Pormanove montre la difficulté de contrôler les contenus extrêmes en streaming. Le DSA impose désormais aux plateformes des obligations renforcées de transparence et de réaction. La Commission européenne rappelle que toute entreprise diffusant du contenu dans l'Union doit tenir un point de contact légal et publier des statistiques de modération vérifiables. Twitch, YouTube ou TikTok respectent déjà ces règles. Pour rappel, si Kick dérape, elle risque, selon la réglementation européenne, des amendes allant jusqu'à 6% de son chiffre d'affaires annuel mondial, voire une suspension temporaire de son service en cas d'infractions graves mettant en danger la vie ou la sécurité des personnes.